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Xavier Bettel face à une première difficulté à Bruxelles


Le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, faisait la grimace, hier. (Photo AFP)

L’accord minimal obtenu jeudi sur le problème de l’accueil des migrants, réfugiés et demandeurs d’asile, ne facilite pas la tâche du Premier ministre qui prend la présidence de l’UE.

Les trois attaques terroristes en France, en Tunisie et au Koweït ont jeté un voile sombre sur les travaux du Conseil européen précisément occupé à discuter de politique de défense et de sécurité. Xavier Bettel a fermement condamné ces attaques et a souligné que 14 touristes partis avec LuxairTours se trouvaient actuellement à Sousse en Tunisie et qu’il gardait le contact avec la cellule de crise à Luxembourg.

Décidément, ce conseil des ministres a été des plus éprouvants, et particulièrement pour le Luxembourg, qui hérite du dossier des migrants sur lequel les 28 chefs d’État et de gouvernement se sont déchirés pendant sept heures jeudi. Quand à 3 h, dans la nuit de jeudi à vendredi, le Premier ministre se dit «fatigué», cela signifie-t-il déçu? Sans doute, mais il ne le dira pas, contrairement au président de la Commission, Jean-Claude Juncker, qui au même moment ne se gênera pas pour critiquer le manque d’ambition de l’Europe face au dossier des demandeurs d’asile et des réfugiés reconnus par l’ONU. Car après tout, si les 28 se sont entendus pour se répartir quelque 60 000 d’entre eux sur la base du volontariat, il s’agit là «d’un effort modeste», pour Jean-Claude Juncker qui se tenait la nuit dernière aux côtés du président du Conseil, le Polonais Donald Tusk, fermement opposé au principe de répartition par quotas et de toute mesure contraignante.

Mission empoisonnée pour la présidence

Les dirigeants européens se sont contentés d’un accord pour un plan de répartition sur la base du volontariat. «Les discussions ont été très dures et quand je parlais de la capacité et de la volonté du Luxembourg de jeter des ponts entre ses partenaires, je ne pensais pas que la présidence luxembourgeoise allait devoir le faire dès cette semaine pour élaborer des propositions concrètes», réagit Xavier Bettel, visiblement exténué après sept heures de discussions.

La nuit, il refusera de répondre aux journalistes désireux de connaître les détails qui ont grippé les discussions alors que tous les médias avaient eu vent de la colère du Premier ministre italien, Matteo Renzi face aux pays peu sensibles au principe de solidarité, comme la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie ou encore la République tchèque. Xavier Bettel consentira à reconnaître «qu’il y a du boulot sur la table dans ce dossier».

Hier, pour sa conférence de presse finale, le Premier ministre change de ton et rappelle que le dossier de la migration est bien au cœur de ses préoccupations. S’il se dit tout de même satisfait de l’accord obtenu la veille, il ne cache pas qu’il hérite d’une mission empoisonnée. Si tous les pays, «à l’exception de la Hongrie», ont accepté le principe de solidarité, il le dit plus franchement cette fois, il aurait souhaité «des objectifs plus clairs et plus concrets».

Juncker plus coriace que jamais

Ce sera la tâche du conseil des ministres de l’Intérieur de résoudre cette drôle de situation. «Nos collaborateurs sont déjà en train d’entamer des discussions dès aujourd’hui. Je suis déçu par le résultat», finira quand même par avouer Xavier Bettel. Il doit maintenant trouver un compromis avec ses partenaires pour répartir ses 60 000 réfugiés et demandeurs d’asile et refuse de commenter les positions des uns et des autres.

Que fera la présidence luxembourgeoise concrètement dans ce dossier? «Nous allons étudier les différentes pistes et savoir si c’est le calcul qui pose problème, le nombre, on va voir. Il est très important dans ce contexte de connaître la sensibilité des uns et des autres car nous avons bien senti hier que c’est un sujet sensible. Si on veut en tant que présidence aboutir à un texte qui soit porté par le plus grand nombre, il nous faut écouter les sensibilités de tous et nous allons faire des propositions selon les échanges que nous aurons.»
Personne ne veut être obligé de faire un geste en direction des réfugiés, mais tous s’accordent sur une base volontaire. «Je n’ai pas une mission aisée, je le reconnais. Mais je dois trouver le chemin qui mène à ce chiffre de 60 000. La décision prise hier ne me facilite pas les choses.»

Ce que Xavier Bettel ne dit pas, c’est que le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a clairement dit aux chefs d’États et de gouvernement que si la présidence luxembourgeoise ne parvenait pas à accueillir et relocaliser ces demandeurs d’asile et réfugiés, la proposition de la Commission suivra le processus législatif normal. Hier, le président Juncker a déclaré qu’il laissait sa proposition en l’état sur la table, c’est-à-dire des quotas obligatoires pour chaque pays.

La Commission propose et le Conseil dispose, même si ça ne plaît pas à tout le monde. Si la présidence luxembourgeoise parvient à résoudre le problème de l’accueil de ces migrants sur la base du volontariat, l’objectif sera atteint. Dans le cas contraire, la proposition de la Commission sera à nouveau d’actualité.

De notre envoyée spéciale à Bruxelles, Geneviève Montaigu