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[Rétro] Notre sélection des meilleurs films de 2019


Notre bureau culture du Quotidien a sélectionné ce qu'il ne fallait pas rater en 2019... et que l'on peut revisionner ! (Photo : DR).

Cette année, 271 films ont connu une sortie officielle en salle au Grand-Duché. Parmi eux, 18 longs métrages «made in/with Luxembourg». Retour sur une année ciné avec les films à voir et à revoir, qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs.

Vice (sorti le 27 février)

490_0008_15204151_0190456_jpg_r_1920_1080_f_jpg_q_x_xxyxOn n’a jamais vu ça! Que ce soit dans la pertinence du propos biographique ou dans l’utilisation des différentes possibilités du média cinématographique, Adam McKay place la barre haut. Très haut!
Il plonge dans les couloirs de la Maison-Blanche dans les pas du vice-président Dick Cheney, colistier de Georges W. Bush, et à ce titre, de 2001 à 2009, le vice-président le plus puissant que l’Amérique ait connu jusque-là. Mais avant d’en arriver là, le parcours a été long et McKay décortique chaque aspect de sa vie, de sa carrière. Il analyse comment cet ancien alcoolique exclu de Yale, arrêté à deux reprises pour conduite en état d’ivresse, a pu ainsi monter jusqu’à la vice-présidence, grâce à sa femme aussi brillante qu’arriviste, mais aussi à son côté réfléchi et taciturne, avec tout ce qu’il faut de manipulation, conspiration et jusqu’au-boutisme.
Mais au-delà de la bête politique à sang froid qui a réussi après le 11-Septembre à faire adopter des lois liberticides, faire accepter la guerre en Irak et s’en mettre ainsi plein les poches à travers sa société Halliburton, le film présente aussi l’homme prêt, par exemple, à renoncer à une primaire pour la présidentielle, afin d’éviter de trop exposer sa fille homosexuelle. Et pour tout ça, McKay multiplie les effets, joue du docu, plonge dans les archives, mais se permet aussi de nombreuses fantaisies, des scènes de pure fiction, passant ainsi du drame à la comédie, de la politique au surréalisme.
De quoi donner des ailes à un incroyable Christian Bale, véritable caméléon qui interprète le VP de ses 21 à ses 71 ans. Snobé par les Bafta (meilleur montage seulement) et les Oscars (meilleur maquillage), le film a néanmoins reçu les honneurs qu’il mérite aux Golden Globes, en remportant la statuette de la meilleure comédie et celle du meilleur acteur, pour Christian Bale.
Vice est un très grand film, mais qui suggère plus qu’il ne montre. Mieux vaut donc, pour en profiter pleinement, avoir un minimum de connaissances de l’actualité mondiale du début des années 2000.

The Favourite (sorti le 19 janvier)

490_0008_15204148_2686572_jpg_r_1920_1080_f_jpg_q_x_xxyxYórgos Lánthimos ne cesse de surprendre, de bousculer avec des films toujours sur le fil qui ont collectionné les prix prestigieux. Un surdoué, un de ces rares réalisateurs européens qui ont su quitter leur terre d’origine et leur langue maternelle sans perdre leur sève.
Il le prouve une nouvelle fois avec The Favourite, déjà auréolé du Grand Prix du jury et de la Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine pour Olivia Colman à Venise, ainsi que du Golden Globe de la meilleure actrice.
On est au début du XVIIIe siècle, à la cour d’Anne d’Angleterre, dernière monarque de la maison Stuart. Le pays est en guerre contre la France. Les impôts commencent à asphyxier financièrement la noblesse. Mais à la cour tout cela semble bien loin. Certes, nobles et bourgeois s’opposent sur la politique à suivre au Parlement et dans les salons de la reine, mais les hommes ne semblent avoir ici que des rôles secondaires, accessoires.
C’est, au contraire, une guerre 100 % féminine que met en scène le réalisateur. Une guerre larvée entre Lady Sarah, confidente de la reine qui gouverne bien souvent à sa place quand celle-ci est souffrante, ce qui arrive souvent, et sa cousine Abigail Hill, récemment arrivée à la cour en tant que domestique.
Trahison, chantage, harcèlement, cynisme… tous les coups sont permis pour avoir les faveurs de la souveraine, jusque dans son lit!
Magnifiquement interprété par Olivia Colman, Emma Stone, Rachel Weisz, le film, bien que très différent par rapport aux précédents, garde la folie de Lánthimos. Dans le récit comme dans son montage, ses effets sonores, le choix de ses focales ou encore les mouvements de caméra !

Green Book (sorti le 30 janvier)

490_0008_15204152_0818764_jpg_r_1920_1080_f_jpg_q_x_xxyxEn solo et dans un registre dramatique, on ne savait pas trop à quoi s’attendre de la part de Peter Farrelly. Oh certes, le sujet, sur le racisme institutionnalisé dans les années 60 dans les États du sud des États-Unis, est intéressant et, bien sûr, la participation de Viggo Mortensen et de Mahershala Ali donne un gage de sérieux au projet, mais tout de même…
Un doute vite dissipé. Si la mise en scène est on ne peut plus classique – mais bien faite –, difficile de résister à ces personnages et à leur histoire. Tony est un videur italo-américain du Bronx. Il castagne quand il faut, raconte des salades à longueur de journée et essaye de joindre les deux bouts comme il peut. Débonnaire, grossier, toujours affamé, un peu raciste sur les bords, il est cependant on ne peut plus fiable. Le Dr Shirley, lui, est un pianiste et compositeur de renommé internationale. Cultivé et raffiné, il embauche Tony en tant que chauffeur pour deux mois de tournée dans le sud des États-Unis.
Car oui, Shirley est noir et dans ces États ségrégationnistes, il sait qu’il a besoin d’un Blanc – balèze et débrouillard si possible – à ses côtés pour lui éviter des problèmes. Si, au départ, tout les oppose, les deux vont finir, étape après épreuve, non sans effort, à s’apprivoiser et à s’entendre.
Une histoire incroyable et pourtant vraie. Dramatique, le film n’est cependant pas dénué d’humour. De beaucoup d’humour. Du coup, malgré le sérieux du propos, on rit beaucoup. Et c’est salvateur!
Mortensen et Ali sont tous deux fabuleux dans leur rôle, pourtant pas évident. La musique est très présente et bien à propos. Et le film touche, avec pertinence, plein de sujets profonds sur le racisme, oui, mais aussi l’appartenance à un groupe, la liberté individuelle, l’homosexualité, la famille, l’amour, l’amitié… Le film fait réfléchir, autant qu’il fait rire.

Notti magiche (sorti le 5 juin)

490_0008_15204155_4661601_jpg_r_1024_576_f_jpg_q_x_xxyxxRome, 1990. Alors que l’Italie vient de perdre la demi-finale de «sa» Coupe du monde de football, une berline finit sa course dans le Tibre. À son bord, Leandro Saponaro, vieux producteur de renom, qui a remporté la Palme d’or à Cannes mais aussi produit de nombreux navets. Point étonnant : l’homme se trouvait sur la banquette arrière et la place du conducteur était vide. Les carabiniers ouvrent une enquête.
Dans le pantalon du macchabée, une photo de lui, sa maîtresse et trois jeunes inconnus des services de police. Trois écrivains en devenir. Les trois finalistes du concours du prix Solinas, récompensant de jeunes scénaristes de cinéma. Ils vont devoir s’expliquer.
Les trois jeunes racontent tout ce qui leur est arrivé ces derniers jours. Les soirées, les excès, les prises de tête comme les bons moments. Les rencontres, surtout, avec le tout Cinecittà, de Federico Fellini à Marcello Mastroianni en passant par Ornella Muti, mais aussi les personnages de l’ombre, réalisateurs, producteurs, scénaristes, avocats et chauffeurs de ce microcosme où tout le monde se connaît et se déteste cordialement. Nombreux sont d’ailleurs ceux qui semblaient vouloir la mort de Saponaro. De quoi compliquer l’enquête ! Paolo Virzi propose là une enquête policière pleine de rebondissements et surtout une véritable ode à l’âge d’or du cinéma italien. Croustillant !

La quietud (sorti le 21 août)

C’est dans une hacienda de haut standing, La Quietud, dans les alentours de Buenos Aires, que Mia vient chercher son père. Le vieil homme a rendez-vous avec la justice pour des histoires datant de la dictature militaire. Une fois arrivé devant le juge, l’homme s’effondre. Un AVC qui le laissera dans le coma. Cette situation forcera la sœur aînée de 490_0008_15204153_2115533_jpg_r_1024_576_f_jpg_q_x_xxyxxMia, Eugenia, qui vit à Paris, à rentrer au pays. Pour la mère, c’est comme le retour du fils prodigue, d’autant plus que sa relation avec Mia, fille à papa, est houleuse. Mais ce retour rouvre tout un tas de plaies que les années n’ont pas fini de cicatriser.
Histoires familiales et histoire nationale finissent par s’entrecroiser et offrent différentes scènes marquantes avec des personnages qui sont tous borderline. Et leurs relations sont toutes troubles. Mais attention, dans La quietud, pas de vengeance machiavélique, pas de meurtre prémédité, juste des personnages qui essayent de vivre avec leurs ressentiments, leurs compromissions, leurs folies.
Une histoire de femmes fortes. Chacune mène sa barque dans l’adversité. Et garde le cap qu’elle s’est fixé. Des femmes magnifiquement filmées par Pablo Trapero, dont l’objectif sait approcher l’intime sans jamais devenir voyeur, malgré de nombreuses scènes de sexe débridé ! C’est fort, c’est troublant, magnifiquement joué et filmé.

Une Belle performance luxembourgeoise !

kaboulHors salle, la production grand-ducale a connu quelques remous cette année, avec des questions parlementaires et des reportages télé mettant en cause le fonctionnement du milieu et l’utilisation des deniers publics. Mais au niveau des sorties, c’est une nouvelle année de qualité que nous a proposée le cinéma «made in/with Luxembourg».
Déjà au niveau de la quantité : en tout, 18 long métrages produits ou coproduits au Luxembourg ont connu une sortie en salle cette année : Sibel de Çagla Zencirci et Guillaume Giovanetti (Bidibul), Sawah d’Ady El Assal (Deal Productions-Wady Films), Pour vivre heureux de Salima Sarah Glamine et Dimitri Linder (Tarantula), Tel Aviv on Fire de Sameh Zoabi (Samsa Film), Angelo de Markus Schleinzer (Amour Fou), Escapada de Sarah Hirtt (Samsa), The Beast in the Jungle de Clara van Gool (Amour Fou), Temblores de Jayro Bustamante (Iris Productions), Zero Impunity de Nicolas Blies et Stéphane Hueber-Blies (a-BAHN-Melusine Productions), Les Hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman, Eléa Gobbé-Mévellec (Melusine), Viendra le feu d’Oliver Laxe (Tarantula), Never Grow Old d’Ivan Kavanagh (Iris), Lost in the 80s d’Andy Bausch (Paul Thiltges Distributions), Fritzi, eine Wendewundergeschichte de Ralf Kukula et Matthias Bruhn (Doghouse Films), Peitruss de Max Jacoby (Samsa), Bayala d’Aina Järvine et Federico Milella (Fabrique d’Images), Invisible Sue de Markus Dietrich (Amour Fou), The Room de Christian Volckman (Bidibul productions) et De Buttek de Luc Feit (Samsa).
Des films très différents : de fiction, d’animation, documentaires, parfois pour enfants, décalés, surprenants, choc, grand public, difficiles d’accès ou encore improvisés… en français, allemand, anglais, luxembourgeois mais aussi espagnol, hébreux, arabe ou encore en langue sifflée.
Puis, au niveau de la qualité. La preuve? Les nombreuses sélections à des festivals internationaux. Rien que pour les festivals de classe A : deux films à Berlin (Temblores et Flatland de Jenna Bass); quatre à Cannes (Les Hirondelles de Kaboul, Chambre 212 de Christophe Honoré, Viendra le feu et The Orphanage de Shahrbanoo Sadat); trois à Annecy (Les Hirondelles de Kaboul, Zero Impunity et Le Voyage du Prince de Jean-Françoise Laguionie et Xavier Picard); un à Locarno (Le Voyage du Prince) ou encore deux à Venise (Collective d’Alexander Nanau et Les Épouvantails de Fiction Nouri Bouzid), sans parler d’une nomination aux César du meilleur fim d’animation et des différentes productions en réalité virtuelle. Une sacrée performance !

Parasite (sorti le 11 septembre)

490_0008_15204157_1087814_jpg_r_1920_1080_f_jpg_q_x_xxyxLa Palme d’or, c’est toujours un film à voir. Alors le film immanquable de cette année, c’était Parasite de Bong Joon-ho. Un titre qui fait référence à la famille de Ki-taek. Ils habitent à quatre dans un entresol miteux, dans un bas quartier. Père, mère, fils et fille sont tous au chômage et vivent de petits boulots et d’arnaques à la petite semaine.
Un jour, pourtant, la chance leur sourit. Un ancien camarade de Ki-woo, le fils, devenu, lui, un étudiant modèle, part à l’étranger. Il propose donc à Ki-woo de le remplacer en tant que prof privé d’anglais auprès de la fille d’une famille très riche, les Park. De fil en aiguille, anonymement, c’est toute la famille de Ki-taek qui se fera embauchée par les Park. Les deux familles vont ainsi cohabiter, s’influencer, malgré un monde – économique – qui les sépare. Le début d’un sacré engrenage qui échappera à tout le monde.
Film social, Parasite est aussi ce que le réalisateur appelle «une comédie sans clowns» et «une tragédie sans méchants». Un thriller aussi, un film de suspense parfois, sans oublier une petite dose de mélodrame et une autre de film d’épouvante. Autant de genres que Bong Joon-ho parvient à maîtriser sans jamais perdre le fil de cette narration aussi riche que déroutante. Un film sans temps mort, mais sans excès, aussi porté par un casting de haute volée, des décors splendides, des images superbes et de nombreuses allégories.

A Rainy day in New York (sorti le 18 septembre)

À 83 ans, Woody Allen offre au public une nouvelle comédie à la fois drôle et poignante dont il a fait sa marque de fabrique tout au long de sa filmographie longue de plus de 50 films. Après s’être pas mal baladé en Europe, Allen semble désormais vouloir rester près de ses racines, chez lui, à New York. C’est dans la Grande Pomme que se déroulaient 490_0008_15204159_maxresdefaultCafé Society (2016) et Wonder Wheel (2017). Et comme c’est précisé dès le titre, c’est encore New York qui sert une nouvelle fois de décor au réalisateur de Manhattan (1979) pour l’histoire Gatsby et Ashleigh.
Étudiants dans une petite fac dans le nord de l’État, les deux amoureux passent le week-end à Manhattan, d’où est originaire le premier, pour que la seconde, étudiante en journalisme, réalise une interview avec Roland Pollard, réalisateur star mais empli de doutes. Après quoi, le couple a prévu un beau programme touristico-artistico-gastronomique.
Bien évidemment, les choses ne se passeront pas comme prévu. Et les deux se retrouveront non seulement séparés, mais surtout emportés dans un tourbillon d’évènements qui vont, l’un après l’autre, les emmener à faire des choix de vie pleins de conséquences.
Woody Allen propose là sa relecture de la comédie sentimentale de l’âge d’or hollywoodien tout en y ajoutant sa touche personnelle avec ses personnages en plein questionnement sentimental et existentiel, bourrés de frustrations, vivant avec plein de non-dits… Bien qu’un brin prévisible, le film est extrêmement bien réalisé, rythmé, joué. Avec ses situations et des dialogues croustillants, ce Rainy Day in New York est ce que Woody Allen nous a proposé de meilleur depuis longtemps !

J’accuse ! (sorti le 13 novembre)

Sacré film que ce J’accuse signé Roman Polanski ! Historique, respectueux des faits, des personnages et de l’époque, pédagogique, sans pour autant délaisser l’aspect cinématographique, la direction d’acteurs, les décors, les costumes, la photographie, le rythme… Rien d’étonnant qu’il ait remporté le Grand Prix du jury et le prix Fipresci à la 490_0008_15204161_4194086_jpg_r_1280_720_f_jpg_q_x_xxyxxMostra de Venise.
Avec J’accuse, le spectateur sait d’avance ce qui va se passer dans le film, son récit, sa fin, etc. Car oui, l’histoire de l’affaire Dreyfus, ce capitaine juif condamné injustement pour trahison en cette fin de XIXe siècle, se trouve dans tous les livres d’histoire.
Tout le challenge du cinéaste est, alors, de tenir le spectateur en haleine avec les autres moyens à sa disposition, avec des choix forts et pertinents. Ici, le principal coup de génie de Polanski, est sans aucun doute de raconter cette histoire longue de douze ans, et qui a divisé la France entière, du point de vue du colonel Picquart. Un militaire de carrière qui, malgré son antisémitisme assumé, plutôt habituel à l’époque, une fois à la tête du contre-espionnage et ayant découvert que tout le procès avait été faussé, va mettre sa carrière et sa vie en jeu, pas tant pour faire libérer Dreyfus, pour qui il n’a pas une grande estime, mais pour faire triompher la vérité et redorer l’image de l’armée.
C’est lui, sa vie, ses errements, ses contradictions, ses conflits intérieurs, ses batailles, ses amours… que le spectateur va suivre tout au long du film. Un personnage complexe et finalement passionnant porté magnifiquement par un Jean Dujardin qui rappelle là qu’il n’a pas obtenu un Oscar par hasard. Face à lui, Louis Garrel en Dreyfus et Grégory Gadebois en commandant Henry offrent des performances du même acabit.

Les Misérables (sorti le 20 novembre)

Ladj Ly propose aux spectateurs une plongée en banlieue. À Clichy-Montfermeil pour être exact. Là où Victor Hugo avait placé l’auberge des Thénardier. D’où ce titre… Les 490_0008_15204162_5875477_jpg_r_1280_720_f_jpg_q_x_xxyxxMisérables. Court métrage en 2017, il est devenu cette année un long métrage qui a remporté le prix du jury au festival de Cannes. Pas mal!
Le film raconte l’histoire de Stéphane, un flic de la Brigade anticriminalité qui arrive de province pour rester près de son fils – qui vit avec son ex qui vient de s’installer en Île-de-France. À Montfermeil, il est accueilli par son collègue Gwada et son chef, Chris, deux gars expérimentés qui n’hésitent pas à dépasser la ligne jaune dans le cadre de leurs fonctions si cela leur permet de se faire respecter ou de maintenir le calme dans le quartier. Un quartier où les tensions sont à leur comble. «Microbes» contre «Grands frères», islamistes contre magouilleurs, trafiquants contre familles, etc. Et quand des gamins de la cité volent le lionceau d’un cirque de passage, on se dit que les gitans vont mettre le feu aux poudres!
Du coup, dès son premier jour, Stéphane aura droit à un concentré de problèmes. Jusqu’à la bavure d’un de ses collègues. Filmée par un drone!
Sans aucun manichéisme mais avec un important souci de réalisme, le film se durcit progressivement jusqu’à une scène finale d’anthologie. C’est brillant, complexe, efficace, rythmé…
Il n’y a, dans le récit, ni gentils ni méchants, juste des personnages débordés par une agressivité omniprésente et une violence extrême. Des hommes – les femmes sont rares – écrasés par un système dont tout le monde est finalement aussi bien victime que responsable ! Une sacrée claque !

Joker (sorti le 2 octobre)

490_0008_15204158_4765874_jpg_r_1920_1080_f_jpg_q_x_xxyxJoker, ennemi juré de Batman, a, enfin, droit à son film ! Et quel film ! Rien à voir avec les habituelles adaptations hollywoodiennes des comics américains. Ici point de superpouvoirs, pas de personnages bodybuildés ou d’effets spéciaux à outrance… mais au contraire des personnages humains, des situations socialement chargées et un côté psychologique travaillé en profondeur. Seule la saga The Dark Knight – tiens, tiens – de Christopher Nolan, employait déjà cette fibre sensible.
Dans Joker, il n’est pas question de Batman et même Bruce Wayne ne fait qu’une toute petite apparition. Todd Phillips a fait le choix de ne s’intéresser qu’à Arthur Fleck. Il est clown à la petite semaine et vit chez sa mère, qu’il aide comme il peut. Oh, certes, il est connu pour des problèmes psychologiques, mais faute de moyens, ses rendez-vous auprès des services sociaux ne peuvent se poursuivre.
Son rêve est de devenir humoriste, mais le talent est loin d’être au rendez-vous. Courbé, mal dans sa peau, miséreux, il ne reçoit qu’indifférence ou mépris de la part de tous ceux qui l’entourent, d’autant que ses réactions peuvent faire peur. Qu’on sent qu’il pourrait à tout moment péter un plomb. Ce qui finira, bien évidemment, par arriver après une longue montée en puissance.
Jusqu’au bout, le spectateur ignorera quelle partie du récit l’homme a véritablement vécue et quelle partie il a juste imaginée dans son cerveau malade. Une dualité magnifiquement mise en scène et portée par un Joaquin Phoenix à son meilleur. Son face-à-face avec Robert De Niro devrait d’ailleurs rester dans les annales !
En attendant, ce Joker a remporté le Lion d’or à la Mostra de Venise. Une récompense qui semble tout à fait méritée tellement le film est inspiré, inventif, profond. À la fois empli de laideur et de beauté. De violence et de danse. Une sacrée performance qui rappelle moins Marvel ou DC Comics qu’elle ne s’inspire du cinéma de Scorsese.
Certains ont pu voir dans ce film une apologie de la violence. Mais c’est là une conclusion bien simpliste pour un film certes violent, mais surtout complexe.

Pablo Chimienti