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Taina Bofferding : « On va réformer entièrement la loi communale »


Taina Bofferding est bien consciente des attentes des élus locaux pour avoir été elle-même conseillère communale de la ville d'Esch-sur-Alzette de 2011 à 2018. (photo Alain Rischard)

La ministre socialiste de l’Intérieur et de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Taina Bofferding, prépare la réforme de la loi communale… qui ne réglera pas le problème du cumul des mandats.

Vous êtes entrée au gouvernement il y a tout juste un an. Quelles sont vos impressions ?

Taina Bofferding : Ma vie a complètement changé! Mes collègues m’avaient déjà prévenue que ce serait le cas. Nous n’avons pas de période d’apprentissage, du jour au lendemain vous héritez de grandes responsabilités et vous devez prendre des décisions, préparer des dossiers. Je suis contente d’avoir autour de moi une très bonne équipe, très motivée, que ce soit au ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes ou au ministère de l’Intérieur.

Nous venons de lancer la consultation en ligne pour connaître le degré de satisfaction des citoyens sur tous les aspects de la vie communale

La politique communale n’a pas de secret pour l’ancienne conseillère de la ville d’Esch-sur-Alzette que vous êtes. Êtes-vous satisfaite du processus mis en place dans le cadre de la réforme de la loi communale ?

Oui. On va réformer entièrement la loi. Il ne s’agit pas de modifications mais d’un nouveau texte, d’une nouvelle loi. Dès le début, j’ai dit que je voulais une loi pour les communes et pour les citoyens donc c’est avec eux que je veux travailler. J’ai fait le choix d’un processus participatif et nous avons commencé à organiser des ateliers de travail avec les élus locaux et le personnel communal. Nous venons de lancer la consultation en ligne pour connaître le degré de satisfaction des citoyens sur tous les aspects de la vie communale et les défis qui leur semblent importants à relever dans les prochaines années. C’est essentiel pour nous de donner une voix aux citoyens et de mieux les connaître. Il nous semble aussi important de savoir si les gens sont au courant de ce qui se passe dans leur commune, si l’information passe bien, s’il faut l’améliorer. Certaines communes se servent beaucoup des réseaux sociaux, d’autres moins ou pas du tout. Pour l’instant, des procédures sont fixées par la loi et il faut encore afficher tous les avis à la commune. Une publication exclusivement mise en ligne n’a pas de valeur juridique et là, franchement, il faut changer la loi pour offrir plus de possibilités aux communes parce que des gens préfèrent toujours se servir d’internet. Il faut pouvoir commander des certificats en ligne et un des objectifs de la réforme est aussi la simplification administrative. La digitalisation est donc un élément fort.

Vous n’avez pas attendu la réforme pour alléger la tutelle du ministère. Qu’est-ce qui vous agaçait le plus quand vous étiez élue locale par rapport à cette tutelle ?

Le texte de cet avant-projet de loi a été rédigé durant les mois passés, en concertation étroite avec le Syvicol, et je vais encore déposer à la fin de cette année.

Parfois les communes sont embêtées de devoir tout envoyer au ministère par voie postale et le ministère doit donner son approbation et certaines ne font plus sens. C’est le cas, par exemple, pour certains actes de vente ou des contrats de bail dont le montant n’est pas important. Je ne vais pas supprimer toute surveillance, mais introduire un système de transmission obligatoire par le biais d’un guichet unique pour les communes et leur permettre de commencer leurs projets sans attendre l’avis ou l’autorisation du ministère. Aucun délai n’est actuellement fixé dans la loi et nous allons y remédier.

Une professionnalisation des mandats politiques au niveau local sera étudiée

De nombreux bourgmestres revendiquent la professionnalisation de leur fonction. C’est d’actualité ?

Dans le cadre de la réforme, nous allons revoir le congé politique. Si l’on travaille dans le secteur privé, il faut avoir un patron flexible. Si l’on compare le secteur public et le secteur privé, il y a une différence. Si l’on veut offrir la possibilité aux employés privés et aux indépendants de s’investir en politique, nous devons leur offrir un cadre intéressant. Je suis en faveur d’une augmentation du congé politique, mais il faut discuter du cumul des mandats et voir comment les partis se positionnent. Une professionnalisation des mandats politiques au niveau local sera étudiée à partir de l’instant où l’élu choisira de se concentrer sur son mandat de bourgmestre.

La réforme en cours ne règlera donc pas le problème du cumul…

Non. Le Premier ministre a envoyé un courrier aux fractions pour qu’elles prennent position sur cette question. La discussion sera plus vaste que pour le congé politique au niveau local. Il s’agit maintenant de voir si on est prêt à choisir le non-cumul des mandats. Le LSAP y est favorable parce que l’on sait très bien que certaines communes nécessitent qu’on leur consacre du temps. Il faut un cadre qui renforce la composante locale. Les bourgmestres des grandes villes comme Esch ou Luxembourg sont occupés à plein temps et bénéficient d’un congé politique de 40 heures qu’il faut ajouter aux 20 heures dont dispose un député et cela fait une tâche de 60 heures par semaine.

Les bourgmestres se plaignent aussi de ne plus trouver de personnel. Est-ce effectivement si difficile ?

Disons que nous avons des gens très motivés, mais nous avons aussi un problème au niveau des examens d’admissibilité. On remarque qu’il est temps de les dépoussiérer, ce qui n’a pas été fait depuis des années. Nous devons étudier les besoins des communes, les profils recherchés et nous sommes également en train de réformer les formations de base et supplémentaires. Nous travaillons étroitement avec le Syvicol, mais aussi avec les syndicats pour moderniser les formations.

Notre rôle est d’être un véritable partenaire des communes et pas seulement un contrôleur qui sanctionne

Il existe des cellules au sein du ministère qui aident les communes à ficeler leurs projets parce qu’elles n’ont pas les moyens d’engager un architecte ou un ingénieur, par exemple. Allez-vous renforcer encore ces cellules ?

Oui, un des points de la réforme de la loi communale est de renforcer notre processus d’accompagnement, notre département « Conseil ». Si, d’un côté, on donne plus de responsabilités aux communes, il faut aussi regarder comment les soutenir de notre mieux. Notre « plateforme de concertation » dans le domaine de l’aménagement communal connaît un beau succès. Les communes viennent se faire conseiller tout au début du projet et évitent ainsi des erreurs par la suite. Notre rôle est d’être un véritable partenaire des communes et pas seulement un contrôleur qui sanctionne. Cela signifie que nous devons également organiser le ministère de l’Intérieur pour remplir ce rôle d’accompagnateur des communes.

En parlant de sanctions, combien de communes n’ont pas encore rendu leur plan d’aménagement général, le PAG nouvelle génération, en dépit des délais sans cesse repoussés ?

Une vingtaine de communes n’ont toujours pas présenté leur PAG. Elles avaient jusqu’au 1er novembre pour le faire. Elles ne peuvent pas déposer de projet d’aménagement particulier ni modifier leur PAG existant.

Vous êtes également ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, un autre portefeuille qui vous tient à cœur…

Oui, j’étais déjà présidente de la commission consultative à Esch et en tant que députée, j’étais également en charge de ce dossier. C’était mon domaine.

Le gouvernement n’a pas de quota à respecter, ce sont les partis qui décident

Vous avez remis récemment une distinction à six entreprises dans le cadre du label « Actions positives » en matière d’égalité des sexes. On pourrait dire que 80 entreprises participantes c’est peu, mais le gouvernement lui-même ne montre pas l’exemple en la matière…

Oui, le gouvernement n’a pas de quota à respecter, ce sont les partis qui décident. Le LSAP ne voulait pas entrer au gouvernement sans femme. Pour les entreprises, nous sommes en train d’améliorer notre programme « Actions positives ». Il ne s’agit pas seulement d’égalité mais plus généralement de la satisfaction des salariés. Les entreprises intéressées contactent le ministère, nous faisons avec elles un état des lieux et on observe les points faibles à améliorer. Nous élaborons ensuite, avec les entreprises, un plan d’action avec des mesures très concrètes qui sont mesurables. Nous offrons aussi un suivi.

Des initiatives comme l’Orange Week sensibilisent sur les violences et elles permettent de montrer aux femmes qu’elles ne sont pas seules

Les violences faites aux femmes sont malheureusement toujours d’actualité. Connaît-on véritablement l’ampleur de ce fléau au Luxembourg ?

Le rapport du Comité de coopération entre les professionnels dans le domaine de la lutte contre la violence qui réunit le ministère, la police, le parquet et les organisations qui prennent en charge tant les victimes que les auteurs de la violence, nous renseigne chaque année sur les interventions dues à des violences domestiques. Les statistiques nous montrent que 739 interventions ont été enregistrées en 2018, un chiffre en augmentation de 3 %. Des initiatives comme l’Orange Week sensibilisent sur les violences et elles permettent de montrer aux femmes qu’elles ne sont pas seules. Les victimes doivent avoir le courage de franchir le pas et dénoncer ces violences, profiter des programmes mis en place. La société tout entière est concernée, car il ne faut pas fermer les yeux quand on observe un fait de violence. Il ne s’agit pas d’une affaire privée, d’un drame familial, c’est un crime.

Envisagez-vous d’équiper les conjoints violents de bracelets électroniques afin qu’ils respectent les mesures d’éloignement ?

C’est à l’étude. Nous avons instauré un groupe de travail interministériel pour voir comment on peut améliorer les procédures de la loi contre les violences domestiques. Nous devons faire face aux récidivistes, agir pour éviter que les auteurs ne recommencent et encadrer les victimes dans des situations d’urgence. Nous allons tirer un bilan pour savoir comment cela se passe sur le terrain.

Entretien avec Geneviève Montaigu