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Crise diplomatique entre Berlin et Moscou


L'ambassade russe à Berlin. Les autorités allemandes menacent de "prendre d'autres mesures dans cette affaire" (photo : AFP).

Deux membres de l’ambassade russe en Allemagne, auquel le gouvernement allemand reproche de ne pas « coopérer » à l’enquête sur le meurtre d’un Géorgien à Berlin, doivent immédiatement quitter le pays.

« Les autorités russes, malgré des demandes répétées et insistantes de haut rang, n’ont pas suffisamment coopéré à l’enquête sur le meurtre de Tornike K. » en août dernier en plein coeur de la capitale, a expliqué mercredi le ministère des Affaires étrangères. Le parquet fédéral allemand, chargé des affaires d’espionnage, s’était officiellement saisi quelques minutes plus tôt de l’enquête sur ce meurtre, dont le principal suspect est un Russe de 54 ans arrêté sous une fausse identité juste après les faits.

Pour cette autorité judiciaire, le crime a été commis « soit pour le compte d’entités étatiques de la fédération de Russie, soit pour celui de la République autonome tchétchène ». Considérant cette décision comme « inamicale et sans fondement », Moscou a dans la foulée prévenu que cette expulsion ne resterait pas sans réplique. Une ligne de défense similaire à celle de l’affaire Skripal, du nom de cet ex-agent double russe empoisonné en 2018 à Londres, qui avait déclenché une crise diplomatique entre Londres et Moscou.

En marge du sommet de l’OTAN en Grande-Bretagne, Angela Merkel a expliqué qu’elle allait aborder le sujet avec le président russe, Vladimir Poutine, la semaine prochaine, lors de leur rencontre déjà programmée. Cette affaire n’aura « pas d’incidence » sur les discussions consacrées au processus de paix en Ukraine le lundi 9 décembre, impliquant aussi les dirigeants français et ukrainien, a-t-elle cependant assuré.

Un suspect déjà recherché pour un autre meurtre

Le 23 août, en plein jour dans un parc du centre de la capitale allemande, un Géorgien issu de la minorité tchétchène du pays, âgé de 40 ans et identifié comme Tornike K., a été tué de trois balles par une arme avec silencieux. Des témoins ont évoqué une « exécution ». Le suspect interpellé dans la foulée près des lieux du crime est depuis emprisonné à Berlin, où il garde le silence. Cet homme était détenteur de papiers d’identité au nom de Vadim Sokolov, 49 ans, qui ne figurait pas dans les bases de données russes. Il était entré en Allemagne, en passant par la France, trois jours avant le meurtre.

Il s’agirait en fait de Vadim Krasikov, 54 ans, qui a fait l’objet d’un mandat d’arrêt international de Moscou pour le meurtre présumé d’un homme d’affaires russe en 2013, affirment plusieurs médias. Des vidéos montreraient comment il s’approche de sa victime à vélo -comme à Berlin- avant de tirer dans le dos et la tête.

Tornike K. avait participé dans le camp tchétchène à la deuxième guerre de Tchétchénie contre la Russie, avant de passer dans une unité antiterroriste du ministère de l’Intérieur géorgien, tout en gardant des liens avec les milieux islamistes dont il était proche. Moscou le considère comme un « terroriste », rappelle le parquet allemand. Visé déjà par plusieurs tentatives d’assassinat, celui qui était jusqu’ici présenté dans la presse sous le nom de Zelimkhan Khangochvili avait émigré ces dernières années en Allemagne.

La piste tchétchène

Les autorités allemandes ont depuis août enjoint à la Russie de coopérer à l’enquête. En vain selon elles. Elles menacent d’ailleurs de « prendre d’autres mesures dans cette affaire » si les demandes de coopération restent lettre morte. La Russie a dès le début été soupçonnée d’avoir été impliquée, ce que le Kremlin a formellement démenti. Les médias avaient aussi évoqué la piste du président tchétchène Ramzan Kadyrov, un proche de Vladimir Poutine, voire des « islamistes tchétchènes » qui auraient « peut-être agi par vengeance dans le cadre de rivalités liées au crime organisé ».

Le Spiegel, Bellingcat et The Insider, trois médias en pointe dans cette affaire, avaient révélé fin août que le numéro du passeport du suspect conduisait à une unité du ministère de l’Intérieur à Moscou ayant déjà délivré dans le passé des documents pour le GRU, le renseignement militaire russe. Le GRU est cité dans l’enquête sur l’empoisonnement de Sergueï Skripal, un ex-agent double russe, dans le sud-ouest de l’Angleterre en mars 2018. Londres impute cette attaque à la Russie, ce qu’elle nie farouchement.

LQ/AFP