Accueil | Luxembourg | Wanteraktioun : «Je vais au contact des personnes dans la rue»

Wanteraktioun : «Je vais au contact des personnes dans la rue»


Miomir Vujovic est au contact direct des gens à la rue pour mener à bien les actions d'hiver (Photo : Franois Aussems).

L’Action hiver 2019/2020 sera lancée dimanche. Le point avec le travailleur de rue Miomir Vujovic, qui œuvre sur le terrain durant toute l’année et qui explique en quoi cette action relève de l’humanitaire.

Il travaille pour l’ASBL Inter-Actions depuis 2004 et collabore en étroite relation avec le coordinateur de la Wanteraktion, Kevin Oestreicher, qui oeuvre également au sein d’Inter-Actions. Entrevue.

En quoi consiste votre travail de streetworker ?
Miomir Vujovic : Je vais au contact des personnes qui sont dans la rue ou qui passent une grande partie de leur vie dans la rue voire dans des squats, des galeries marchandes, des cafés… Ce sont aussi bien des jeunes que des adultes, des SDF, des toxicomanes. Mon travail consiste donc essentiellement à orienter ces personnes vers les différentes structures où elles peuvent être prises en charge. Il est également question d’établir une relation de confiance avec ces personnes, afin de mieux connaître leur passé, leur vécu et ainsi les raisons pour lesquelles elles sont dans la rue. Mon travail commence véritablement à partir de là. En clair, il s’agit d’aider les gens en les informant de l’existence de structures qui peuvent les encadrer, en fonction de leurs besoins respectifs, et de mettre en place un suivi.

La Wanteraktioun débute ce dimanche. Les personnes en difficulté dans la rue sont-elles forcément au courant de cela ?
Non, justement, et notre tâche (NDLR : à Miomir et à ses collègues streetworkers) sera d’aller à leur rencontre pour les informer des avantages de cette action, à savoir qu’ils peuvent prendre un repas, être logés, prendre part à des activités…

20191129 ar Luxembourg,rue Neudorf,foyer de nuit,Corinne Cahen

20191129 ar Luxembourg,rue Neudorf,foyer de nuit,Corinne Cahen

Vous évoquiez la nécessité de nouer des « relations de confiance ». Rencontrez-vous beaucoup de personnes qui refusent votre aide ?
L’établissement d’une relation de confiance est un processus très délicat : cela peut aller très vite ou, au contraire, prendre des mois voire des années. Je me rappelle une personne avec laquelle j’ai eu besoin de trois ans, avant qu’elle ne commence à me parler. Cela dépend aussi du besoin des personnes. Certaines ont juste besoin d’une information – « où puis-je manger », par exemple – et on la lui donne. Point. Chaque personne a un vécu différent et réagira donc différemment. Certains ont été utilisés dans leur passé, on leur a menti… et la relation de confiance s’en retrouvera beaucoup plus difficile à établir, car ceux qui ne nous connaissent pas pensent qu’on peut être des policiers qui vont les enfermer… Il y a aussi le critère culturel et religieux qui peut être un obstacle, de même que le sexe : souvent les femmes se méfient encore plus de nous. Cela dit, d’après ma propre expérience, cette relation de confiance est plus difficile à nouer avec les jeunes.

Le nombre augmente chaque année

En cette saison hivernale, certaines personnes qui refuseraient votre aide risquent de mourir de froid. Y en a-t-il beaucoup qui veulent rester dans la rue malgré la main que vous leur tendez ?
Malheureusement, nous constatons que le nombre de ces personnes-là, qui ne souhaitent pas prendre part à la Wanteraktioun, augmente chaque année, et de façon significative.

Comment expliquer le refus de pouvoir dormir au chaud ?
Par la méfiance, mais aussi par les règles qu’ils se doivent de suivre. Il y a des créneaux horaires fixes à respecter, il faut se déplacer… et puis il y a aussi le paramètre culturel : certains ne veulent pas dormir avec des personnes d’une autre culture, nationalité ou religion. De plus, durant la Wanteraktioun, il peut malheureusement y avoir des vols et des agressions dans les foyers malgré la présence d’équipes éducatives d’encadrement et d’agents de sécurité. Et le fait de voler un sac de couchage, un blouson ou des papiers à un sans-abri, c’est vraiment le handicaper et cela est très blessant pour lui.
D’autre part, il y a aussi le cas de gens qui n’ont pas pris de douche depuis un certain temps. Cela crée des disputes à cause de l’odeur corporelle. Enfin, certaines personnes ont des squats et préfèrent y rester, en sachant que l’électricité et parfois même l’eau sont disponibles dans certains squats. Et je constate qu’il y a de plus en plus de squats qui peuvent se trouver dans des maisons vides, abandonnées…

Le nouveau foyer de nuit, situé au Findel, est sur le point d’ouvrir. Comment le décririez-vous ?
Avant, il y avait un bâtiment, une espèce de hangar dans lequel se trouvaient deux grands dortoirs. Cette année, c’est un tout nouveau foyer qui a été construit rien que pour la Wanteraktioun et il comprend plusieurs dortoirs. Il y aura la possibilité de prendre un petit-déjeuner le matin et une collation le soir. Des douches seront aussi disponibles.

Mais le fait que le foyer de nuit se trouve au Findel ne décourage-t-il pas certaines personnes de s’y rendre ?

Si. Car après une certaine heure, il y a des personnes qui ne sont pas forcément dans la meilleure des formes. Certains sont malades, dont l’un que je connais, qui a un cancer du poumon : cette personne-là, par exemple, ne veut pas venir au foyer et préfère rester dans la rue avec son chien. D’autres ont bu de l’alcool, consommé de la drogue ou des médicaments, et il est donc parfois compliqué pour eux d’aller prendre un bus s’ils ne savent plus lequel… Cela étant, tout est mis à leur disposition : il y a un bus spécial qui part de la gare de Luxembourg et qui les emmène sur place, au Findel.

Concernant le foyer de jour, combien de personnes s’y rendent en moyenne à chaque Wanteraktioun ?
Au début de l’Action hiver, il y a de 50 à 80 personnes qui viennent et puis après, ce nombre n’arrête pas de monter, avant de se stabiliser. Cela s’explique par deux raisons : au début de l’Action, tout le monde n’est pas informé, mais ensuite, l’information se diffuse. Par ailleurs, il y a évidemment le critère de la température extérieure qui joue un rôle : plus les températures chutent, plus les gens viennent se réfugier.

D’une manière générale, quelle est la valeur ajoutée de la Wanteraktioun ?
Dès son lancement, elle a permis de sauver des vies. Je pense, entre autres, à des gens qui sont des gros buveurs et qui s’endorment dans la rue sans se rendre compte du risque d’hypothermie. Il s’agit vraiment d’une action humanitaire et essentielle qui permet d’éviter que des SDF ne meurent de froid voire de faim.

Entretien avec Claude Damiani

Lire aussi : les infos pratiques de la Wanteraktioun

Action de secours d'hiver pour els démunis "Wanteraktioun" Centre d’accueil de jour à Luxembourg-Bonnevoie, 22, Dernier Sol