Accueil | Monde | L’OMS s’alarme de la santé des détenus dans les prisons européennes

L’OMS s’alarme de la santé des détenus dans les prisons européennes


Le rapport de l'OMS pointe un manque criant de personnel de soins dans certains pays de l'UE. (illustration AFP)

L’accès aux soins dans les prisons en Europe reste difficile, ce qui participe au mauvais état de santé des détenus et s’avère à terme très coûteux, a souligné jeudi l’OMS dans un rapport, le premier en son genre.

« Comme les détenus continuent de souffrir de manière disproportionnée de pathologies non diagnostiquées et non traitées, cela va s’ajouter au fardeau des organismes de santé publique après leur sortie », prévient l’organe onusien.

Après avoir étudié la population carcérale dans 39 des 53 pays de sa zone, le bureau de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’Europe recommande à ses membres d’établir un état des lieux de la santé des détenus – grâce notamment à des tests de dépistage de la tuberculose, de santé mentale et d’addictions – ainsi que, sur la base du volontariat, des maladies sexuellement transmissibles et des hépatites.

Le rapport pointe un manque criant de personnel de soins dans certains pays. La France compte 49,9 soignants, dont 3,4 médecins, pour 1 000 prisonniers. C’est mieux que la moyenne de la région pour les soignants (31,7 pour 1 000) mais largement moins bien pour les médecins (10,3 pour 1 000).

La santé mentale des détenus est cruciale

En France, il y a une « absence de médecins et notamment de spécialistes : dentistes, psychologues, psychiatres, ophtalmos, kinés. On a des établissements où les postes de médecins sont budgétés, mais non pourvus », déplore un responsable de la section française de l’Observatoire international des prisons, François Bès.

En Russie, il y a 32,1 soignants, dont 11,5 médecins, pour 1 000 détenus. Le Portugal compte 8,6 soignants, dont un médecin, pour 1 000. La santé mentale des détenus est cruciale. 14 % des décès pendant la détention sont liés à un suicide. La vétusté de certains établissements et la promiscuité ont un impact sur les prisonniers, note M. Bès.

En France, « l’administration a à peu près réussi sur le volet « contraindre les gens à ne pas mourir », (…) mais elle a fait l’impasse sur la prévention primaire pour que le moral ne se dégrade pas », déplore-t-il. « Il y a un manque criant de conseillers d’insertion et de probation. Quand les gens ne peuvent pas se projeter, ça participe à la dégradation de leur santé mentale. »

Le « taux de mortalité des personnes sortant de prison excède celui des populations civiles, principalement dans le mois suivant leur remise en liberté » majoritairement de causes prévisibles telles que les suicides ou les overdoses, note le rapport. Dans certains pays d’Europe de l’Est, il est deux fois supérieur aux taux enregistrés en Europe de l’Ouest – allant jusqu’à 500 morts pour 100 000 anciens détenus.

Graves problèmes de surpopulation carcérale

D’après l’OMS, la moyenne mondiale est de 10,5 pour 100 000 habitants. La surpopulation carcérale est également vecteur de mauvaise santé. Si le nombre de détenus a reculé sensiblement en Europe entre 2016 et 2018, huit pays, dont la France, affichent toujours de « graves problèmes de surpopulation » carcérale, avait estimé en avril une étude du Conseil de l’Europe.

Avec un taux de 116 détenus pour 100 places, la France, qui enregistre le plus haut taux de suicide (12,6 pour 10 000 prisonniers), figure à la troisième place de cette étude, derrière la Roumanie (120) et la Macédoine du Nord (122). Le taux médian européen est de 91 détenus pour 100 places.

D’après les chiffres de l’OMS, le taux d’incarcération a diminué en moyenne entre 2014 et 2016, passant de 183 à 166 détenus pour 100 000 habitants, dans les 39 pays étudiés. Enfin, l’accès à la santé buccale est inégal à travers les prisons européennes. Si chaque établissement pénitentiaire français propose des soins dentaires, aucun dentiste n’est rattaché aux prisons géorgiennes et il y a un dentiste pour l’ensemble de la population carcérale bosnienne, d’après le rapport de l’OMS.

En 2017, les pays européens ont injecté 20,2 milliards d’euros dans leurs prisons. En moyenne, le coût quotidien d’un prisonnier est de 67 euros. En Europe, sur environ 1,5 million de détenus, 94 % sont des hommes.

LQ/AFP