Ben Gastauer est déjà bien lancé dans sa préparation puisqu’il va entamer sa onzième saison chez AG2R La Mondiale en Australie. Il en parle avec franchise. Comme de la suite de sa carrière qu’il espère prolonger.
Vous allez reprendre la compétition dès le 15 janvier sur le Tour Down Under. Vous avez déjà repris un entraînement soutenu ?
Ben Gastauer : Oui, on peut dire ça. J’ai déjà repris un entraînement soutenu en prévision de cette course. En 2017 et 2018, j’avais déjà participé à cette course. Mais c’est la première fois que Romain Bardet y va. Je trouve ça bien d’y aller avec un leader comme lui. On sera concentrés, on va reprendre les bonnes habitudes tout de suite. Chacun a son rôle, c’est mieux ainsi.
Vous avez été surpris d’apprendre que Romain Bardet participerait à cette course, si tôt dans la saison ?
Non, voici déjà quelques années qu’il en parlait. Mais ce n’était jamais compatible les saisons dernières. Là, ça l’a été car il s’est arrêté très tôt dans sa saison 2019 (NDLR : à l’issue du Tour de France).
Quels sont les avantages et les désavantages de commencer si tôt ?
Ce qui est bien, c’est de rouler un bon moment dans d’excellentes conditions car on part un peu plus tôt que la course. Les étapes ne sont pas trop longues, les routes sont impeccables. Je trouve que c’est une bonne course de reprise. Et comme c’est une course World Tour, c’est d’un très bon niveau. Pour moi, c’est tout bon. L’inconvénient, c’est le retour en Europe. Il faut faire attention de ne pas prendre froid dans l’avion, de bien récupérer ensuite. Ce n’est pas si évident, on tombe vite malade et on peut mettre en danger la suite.
J’ai une revanche à prendre sur le Giro
Comment sera la suite de votre saison ?
J’espère que je ferai un grand tour, si possible le Giro. Cela ferait ma sixième participation, mais comme Romain sera au départ en tant que leader, la sélection sera sans doute un peu plus compliquée. Il faudra voir, mais c’est clair que j’aimerais bien y retourner. D’autant que je considère que j’ai une revanche à prendre car pour moi, ce n’était clairement pas une réussite en mai dernier.
Vous avez l’atout de bien connaître cette course…
Oui, je connais bien cette course et comme notre capitaine de route historique, Hubert Dupont, n’est plus là, je suis celui qui a le plus couru le Tour d’Italie. Cette expérience peut être un plus pour moi. J’ai de bons souvenirs de mes quatre premiers Giro…
Avec le recul, n’était-ce pas une folie d’être allé au bout de votre Giro 2019 avec une telle blessure ?
J’en ai bavé en mai dernier avec une gastro-entérite en première semaine et une méchante blessure à la selle pour les deux suivantes. Oui, à cause de ça, je n’ai pas pu courir le Tour de Suisse et jusqu’aux championnats nationaux, cela a été compliqué pour moi. Je suis reparti en juillet, mais j’ai beaucoup douté entre juin et juillet. Ce qui était positif, c’est que j’ai bien terminé ma saison.
Vous avez 32 ans et vous serez en fin de contrat dans votre équipe après onze années de fidélité. Comment abordez-vous cette situation ?
Je ne suis pas trop stressé, la priorité est de faire une belle saison et de bien commencer. J’avoue n’avoir pas encore pensé à ça. Je pense surtout à être performant pour 2020.
Vous ressentez une obligation de résultat ?
Pas pour le moment, je connais mon rôle d’équipier. Je sais que je suis en fin de contrat et je vois que beaucoup de jeunes coureurs brillent. On verra ça en temps voulu.
Comment expliquez-vous le fait d’être resté fidèle à votre équipe depuis vos débuts professionnels ?
Je suis dans l’équipe depuis 2010, je suis celui qui a le plus d’ancienneté. On me chambre d’ailleurs dans l’équipe. Je suis le plus fidèle, c’est spécial car je me sens encore jeune. C’est plutôt flatteur d’ailleurs…
On se tourne vers vous lorsqu’on a besoin d’expérience ?
Les jeunes ont besoin de conseils et cela arrive en effet. Je peux les aider. Et c’est souvent le plus ancien de l’équipe qui s’en charge.
Si ça n’allait plus, arrêter le cyclisme serait aussi une option
En clair, à l’issue de cette saison, vous aimeriez bien prolonger ?
Si la saison se passe bien, oui bien sûr, si toutes les conditions sont réunies. Je reste aussi ouvert à d’autres pistes, des fois je me dis que ce serait bien que je me relance ailleurs. Mais je crois que tout dépendra beaucoup de mon début de saison. Si je sens que je suis à mon niveau et que cela se passe bien, bien sûr que j’aimerais prolonger dans cette équipe. Si cela devient compliqué, alors il faudra que je cherche ailleurs. Et si ça n’allait plus, arrêter le cyclisme serait aussi une option en fin d’année. Les trois options existent. On verra bien en temps voulu.
Vous avez déjà pensé à une reconversion ?
Lorsque j’ai commencé ma carrière, on me demandait souvent combien d’années je comptais exercer ce métier. Je répondais alors que ce serait bien pour moi de faire ça dix ans. Là, ça va faire onze ans. Pour autant, je reste motivé comme au premier jour, je ressens beaucoup d’envie. Je vais tout faire pour continuer ma carrière.
Où en sont vos études de kinésithérapie ?
J’ai arrêté, je n’arrivais plus à gérer avec ma famille, les études, mon métier, c’était devenu trop. Je voulais rester concentré à 100 % pour le vélo. J’ai fait un choix. Mais je sais ce que je ferai après ma carrière. Ce n’est pas quelque chose qui me fait peur. Lorsque j’arrêterai le vélo, je reprendrai ces études (NDLR : son épouse Aude est kinésithérapeute). C’est la situation idéale, je n’aurai pas de souci à me faire pour mon après-carrière.
Mais on a l’impression que la vie de coureur vous plaît toujours…
J’adore ça oui, à commencer par l’entraînement. Et je pense avoir trouvé le bon fonctionnement avec la famille, ce qui n’est pas si simple au début lorsqu’on devient parent.
Si vous deviez établir ce qui est agréable et ce qui est désagréable dans votre métier de coureur cycliste professionnel ?
Ce qui est agréable, c’est d’abord l’entraînement. Faire du vélo, la plupart du temps, c’est quand même plus agréable que d’être dans un bureau. Ce qui l’est moins, c’est qu’on est souvent parti. Il faut s’arranger avec la famille. Moi, pour le moment, ça se passe bien. Là, je sors d’une coupure, j’ai bien profité de ma famille, donc tout va bien.
Lorsque vous parlez du plaisir ressenti à l’entraînement, vous pensez à quoi ?
C’est toujours un moment agréable pour moi de partir rouler, on se vide la tête. J’aime aussi faire des exercices définis par le plan d’entraînement. J’aime également gérer ma journée comme je le veux.
Par rapport aux courses, les coureurs expérimentés parlent souvent d’une dégradation des relations entre les coureurs. Vous confirmez ?
Je trouve ça aussi. C’est beaucoup plus nerveux qu’avant. Ça frotte tout le temps. C’est l’évolution normale. Le plus marquant à mes yeux, c’est qu’aujourd’hui, on ne peut plus considérer une course comme une course d’entraînement. Quand on vient sur une course, on est prêt.
Cela coûte beaucoup d’énergie ?
Oui, je trouve. D’un autre côté, ça rend l’entraînement plus intéressant aussi. Il faut mieux se connaître, être plus précis. Mais les courses ne sont plus tranquilles. C’est valable également sur les grands tours. Chacun cherche à trouver une solution pour essayer de gagner. On n’attend plus un sprint.
Mon objectif plus personnel, c’est de participer aux Jeux olympiques
Pour vous, votre saison 2020 sera réussie, si…
… Si je parviens à faire du bon boulot pour mes leaders désignés et si, personnellement, j’arrive à faire une place de temps à autre, voire mieux. Et mon objectif plus personnel, c’est de participer aux Jeux olympiques. Je sais qu’il n’y a que deux places mais c’est quelque chose qui manque dans ma carrière, je n’ai encore jamais participé aux Jeux, j’en ai très envie. À moi d’être performant. Et il y a des jeunes qui arrivent et qui marchent bien (il rit).
Justement, que pensez-vous des jeunes Luxembourgeois qui arrivent ?
Kevin (Geniets) m’a déjà beaucoup surpris la saison passée pour son arrivée en World Tour. Je n’aurais jamais pensé qu’il serait capable de faire aussi bien, il marchait fort. C’est super de rebondir comme il l’a fait après son année compliquée en centre de formation. J’ai vraiment été content pour lui. Après, il y a Michel Ries, je pense qu’il va vite trouver ses marques chez les pros. Il était vraiment fort sur le Tour de l’Avenir et je pense qu’il a le moteur. On peut être confiant pour lui…
Entretien avec Denis Bastien