Avec son discours radical contre les indépendantistes catalans ou l’immigration, le parti d’extrême droite espagnol Vox a connu une ascension fulgurante depuis un an jusqu’à s’imposer dimanche comme la troisième force à la chambre des députés.
Vox a été fondé en 2014 par d’anciens membres déçus du Parti Populaire (conservateur) comme son chef Santiago Abascal, ancien député PP au parlement régional du Pays basque.
Abascal a rapidement pris ses distances avec son ancien parti, accusant l’ancien Premier ministre conservateur Mariano Rajoy (2011-2018) d’être « l’exécuteur testamentaire » de son prédécesseur socialiste José Luis Rodríguez Zapatero pour ne pas avoir abrogé la loi autorisant le mariage homosexuel ou celle de « mémoire historique » qui vise à réhabiliter la mémoire des victimes républicaines de la dictature franquiste. Lors de la récente exhumation de Franco de son mausolée monumental, Santiago Abascal a accusé le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez de « profanation ».
Marginal il y a peine un an, Vox a créé un séisme en Espagne en décembre 2018 en entrant avec 10% des voix au parlement régional d’Andalousie, région la plus peuplée d’Espagne où son soutien a permis au PP et aux libéraux de Ciudadanos de chasser les socialistes de leur fief historique. Propulsé sur le devant de la scène, Vox a ensuite fait son entrée au Parlement national lors du scrutin du 28 avril avec 24 députés, alors que l’extrême droite était résiduelle dans le pays depuis la mort de Franco en 1975.
Sexisme, tauromachie et antisémitisme
Un résultat doublé dimanche avec 52 députés sur 350, ce qui fait de Vox la troisième force politique à la chambre. Après des manifestations ayant dégénéré en violences en Catalogne suite à la condamnation mi-octobre de dirigeants indépendantistes à la prison pour la tentative de sécession de 2017, Vox doit, selon les analystes, son succès à la manière forte qu’il prône face aux indépendantistes dans cette région. Il réclame l’interdiction des partis séparatistes, la suspension de l’autonomie de la région et l’arrestation de son président, l’indépendantiste Quim Torra. Grâce à une particularité du système juridique espagnol, Vox avait participé au procès historique des dirigeants indépendantistes en qualité d' »accusation populaire ».
Au-delà de la crise catalane, Vox a fait campagne contre l’immigration illégale, à laquelle il attribue une prétendue hausse de la délinquance, sans hésiter à recourir à des exagérations et des mensonges. Ce parti réclame aussi à cor et à cri l’abrogation de la loi contre les violences faites aux femmes, qu’il accuse de « criminaliser » les hommes. Il défend aussi par ailleurs avec virulence la tauromachie et la chasse, et son numéro deux, Javier Ortega-Smith, tient un discours aux relents antisémites comme lorsqu’il s’attaque au milliardaire américain juif d’origine hongroise George Soros. Soros est « le grand promoteur et financier de l’immigration illégale, du trafic des êtres humains et s’enrichit dessus notamment car il cherche à avoir de la main d’œuvre bon marché en Europe », a-t-il dit en février sur un plateau de télévision.
Avant son bond de dimanche, Vox avait fait moins bien que prévu par les sondages lors des élections européennes et municipales de mai. Ce qui ne l’a pas empêché de compter puisque son soutien a permis, comme en Andalousie, au PP et à Ciudadanos de gouverner les régions de Madrid et de Murcie et de reprendre la mairie de la capitale à la gauche.
LQ/AFP
Sanchez, vainqueur affaibli
Le Premier ministre socialiste sortant Pedro Sanchez a remporté dimanche les quatrièmes législatives en quatre ans en Espagne mais, affaibli, n’a pas amélioré ses chances de gouverner alors que le parti d’extrême droite Vox est devenu la troisième force politique du pays.
Après le dépouillement de près de 100% des bulletins de vote, le Parti socialiste (PSOE) de Pedro Sanchez, qui espérait obtenir une majorité claire pour mettre fin au blocage politique qui mine le pays depuis 2015, ne compte plus que 120 députés contre 123 après le précédent scrutin, en avril. Sous les cris d’encouragement de ses partisans, il s’est engagé à « débloquer la situation politique et à former un gouvernement progressiste ».
S’il parvient à être reconduit au pouvoir par la chambre des députés, ce qu’il n’avait pas réussi à faire après le scrutin d’avril, Sanchez devra se contenter d’un fragile gouvernement minoritaire obligé de négocier des appuis au cas par cas au Parlement.
Les conservateurs du Parti populaire (PP, 88 sièges) ont eux redressé la barre après le pire résultat de leur histoire en avril (66 sièges) tandis que la gauche radicale de Podemos a perdu sept députés (35 contre 42 en avril) et que les libéraux de Ciudadanos se décomposent et tombent de 57 à 10 députés.