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Taxe numérique : les Européens en ordre dispersé dans la négociation


"Quand on est en France, avec 60 millions d'habitants, et qu'on sait qu'il y a 1,3 milliard d'habitants en Chine et en Inde, on devrait être inquiet aussi", selon le ministre Pierre Gramegna. (illustration AFP)

Alors que le G20 a ouvert la voie à des négociations au sein de l’OCDE sur la taxation des entreprises du numérique et des multinationales, les pays européens avancent en ordre dispersé après l’échec de la mise en place d’une taxe européenne.

En mars dernier, les 28 ont suspendu le projet de taxe européenne sur les géants du numérique, l’Irlande, la Suède, le Danemark et la Finlande ayant rejeté l’initiative européenne. Ils ont renvoyé la balle à l’OCDE qui planche sur le sujet au niveau mondial. L’enjeu est d’adapter la fiscalité mondiale à la numérisation de l’économie afin que les États puissent percevoir des taxes, même si les groupes ne sont pas physiquement présents sur leur territoire.

En Europe, les positions sont très divergentes sur le sujet, rendant difficile la défense d’une position commune dans les négociations, au grand dam de certains États membres qui craignent que les grands pays n’imposent leur vue. « Nous devons nous concerter davantage sur ce sujet au sein de l’UE », prévenait ainsi le ministre luxembourgeois des Finances Pierre Gramegna cette semaine à Paris, lors d’une table ronde sur le sujet.

Gramegna pour « un compromis intelligent » à 27

Une des principales questions en discussion est de déterminer ce qui fait le bénéfice d’une entreprise et quel pays doit récupérer l’impôt. L’une des pistes serait de taxer les entreprises là où elles réalisent leur chiffre d’affaires plutôt que là où elles sont domiciliées, ce qui bénéficierait aux pays de consommation. C’est le choix fait par plusieurs États européens qui ont déjà mis en place leur propre fiscalité, comme la France avec sa taxe de 3% sur le chiffre d’affaires des grandes entreprises du numérique ou l’Autriche et sa taxe de 5% les revenus publicitaires des sociétés du numérique réalisés dans le pays.

L’Italie, le Royaume-Uni, ou l’Espagne travaillent aussi sur des projets de taxes. A l’inverse, des pays à la faible population comme le Luxembourg ou l’Irlande y perdraient. Face aux géants chinois, indien ou américain, « on aurait tout intérêt à trouver quelque chose comme un dénominateur commun, un compromis intelligent à l’échelle des 27 (…) d’autant plus que nous sommes en grande partie dans le même bateau » en tant que pays exportateurs, estime toutefois Pierre Gramegna. « Quand on est en France, avec 60 millions d’habitants, et qu’on sait qu’il y a 1,3 milliard d’habitants en Chine et en Inde, on devrait être inquiet aussi », argumente-t-il.

« La question de savoir où le profit est fait est très difficile », a relevé Menno Snel, secrétaire d’État aux Finances des Pays-Bas. « Probablement que les Pays-Bas et le Luxembourg et plus généralement les petites économies ouvertes ne profiteront pas directement du futur système », estime-t-il, espérant un juste milieu « intelligent ».

Pas une nouvelle taxe mais de nouvelles règles

Autre sujet de discorde : la discussion autour d’un niveau d’imposition minimum à l’échelle mondiale pour limiter l’optimisation fiscale. Un tel dispositif est notamment soutenu par la France et l’Allemagne. Côté français, on serait ainsi partisan d’une « fourchette (…) qui permettrait quand même de choisir son impôt sur les sociétés sans qu’il y ait une optimisation trop agressive », selon le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin.

Pour les Irlandais, dont l’attractivité repose sur leur faible taux d’imposition de 12,5%, ce sujet est « plus problématique », selon son ministre des Finances Paschal Donohoe. « Je ne soutiens pas des mesures qui ont comme objectif principal d’en finir avec une concurrence fiscale légitime et juste », défendait-il en mai dernier devant des fiscalistes de son pays. Cette concurrence « est un outil légitime des petits pays pour compenser la taille, la situation géographique ou les avantages en termes de ressources dont bénéficient d’autres pays », insistait-il.

« Ce n’est pas une nouvelle taxe qui sera mise en place, ce sont des nouvelles règles pour partager les droits à imposer », tentait de désamorcer de son côté Pascal Saint-Amans, le monsieur fiscalité de l’OCDE. « Chaque pays continuera de taxer comme il veut, à condition que ce soit en accord avec ces règles communes », ajoutait-il lors de la même conférence.

LQ/AFP

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