Cela fait un an que le rapport d’audit sur le soutien à la production audiovisuelle (Film Fund) a été remis à la Chambre des députés. Ses conclusions ne relèvent aucun dysfonctionnement mais suggèrent plusieurs solutions pour le rendre plus efficace au niveau des retombées économiques.
Le rapport d’audit sur le Fonds national de soutien à la production audiovisuelle (Film Fund) ne traîne pas dans un tiroir depuis un an, contrairement aux apparences. «Il y a eu des réunions avec l’ensemble des professionnels du secteur lors desquelles le ministre Xavier Bettel a présenté le rapport. Nous avons entretemps travaillé avec toutes les sociétés et l’auditeur pour savoir comment aller de l’avant et le ministre va d’ailleurs présenter très prochainement les résultats de ces groupes de travail. Nous n’avons pas chômé», rectifie Guy Daleiden, directeur du Film Fund, joint par Le Quotidien.
Un audit transmis au parquet
Rendu en novembre de l’année dernière et remis par le ministre de tutelle, Xavier Bettel, à la Chambre des députés à la même période, cet audit a refait surface hier dans les médias. C’est RTL, en l’occurrence, qui évoque des dysfonctionnements, un manque de transparence et des conflits d’intérêts qui pourtant ne ressortent pas des conclusions de l’audit mené par Value Associates.
«Je suis tombé des nues car cela ne correspond pas à ce qui est indiqué dans l’audit et nous allons réagir le moment venu», nous a encore confié hier Guy Daleiden. Bien sûr, l’audit donne des recommandations pour améliorer le fonctionnement et l’efficacité des aides audiovisuelles, c’était le but de l’opération, mais il est difficile de comprendre pourquoi le député Félix Eischen l’a transmis au parquet pour espérer une enquête pénale.
Le conflit d’intérêts qui chiffonne le député vise Paul Thiltges qui est à la fois producteur – donc bénéficiaire d’aides financières du Fonds – et chargé de mission pour ce même fonds. «La société Paul Thiltges Distributions travaille depuis 2012/2013 pour le Fonds et nous aide dans des missions précises pour promouvoir le cinéma luxembourgeois à l’étranger sur différents supports par exemple, qui sont des travaux que le Fonds ne peut techniquement pas réaliser lui-même. En 2016, notre réviseur nous a fait remarquer qu’il serait préférable, afin d’éviter tout conflit d’intérêts éventuel, d’établir un contrat précis pour des missions détaillées, ce que nous avons fait à la plus grande satisfaction du réviseur visiblement puisque par la suite cette remarque n’apparaissait plus dans ses rapports», explique le directeur à la tête du Fonds depuis 20 ans.
Les conflits d’intérêts sont inévitables au Luxembourg
L’audit de 2018 le relève aussi et ne revient aucunement sur cette menace de conflit d’intérêts. D’ailleurs, les professionnels avaient tous signé une lettre autorisant la société de Paul Thiltges à assurer cette mission. «Il a très bien défendu le cinéma luxembourgeois à l’étranger», nous confie un critique de cinéma, expert en la matière. Des conflits d’intérêts, dans un aussi petit pays, sont inévitables et c’est encore plus vrai dans un secteur comme l’audiovisuel où les professionnels ne sont pas légion. Ce même critique est chargé de sous-titrer des films dont il fait la critique par la suite. Juge et partie? Conflit d’intérêts? Il préférerait que les médias et le public s’intéressent plus aux «excellents films» que le pays produit actuellement plutôt qu’à un audit.
Il faudrait attirer plus de spectateurs
Il n’y a pas de dysfonctionnement à proprement parler. Au contraire, l’audit conclut que les structures du Fonds sont intelligentes et les procédures plutôt objectives. «L’audit est globalement positif, il y a certes des recommandations d’amélioration mais nous n’avons identifié aucun manquement grave par rapport à la loi et au bon fonctionnement général, le Film Fund remplit correctement sa mission», note l’auditeur. Il admet toutefois que les retombées économiques du secteur «ne semblent pas extraordinaires». Sur les 127 millions investis en aides depuis la loi de 2014, 38 millions reviennent dans les caisses de l’État. Le secteur coûte donc à l’État 89 millions depuis 2014. Une somme qu’il débourserait au titre du chômage s’il arrêtait les aides à la production.
En revanche, le Fonds pourrait se concentrer davantage sur la distribution et exiger des assurances en termes de retombées économiques. Du moins être plus regardant. La valeur culturelle de l’œuvre restera un critère incontournable pour attribuer des aides, mais il faudrait également penser à attirer les spectateurs dans les salles, ce qui n’est pas gagné pour les productions luxembourgeoises. Mais des critères liés au succès du film pourraient être intégrés dans les demandes de subventions pour les producteurs.
Enfin, l’offre est limitée par rapport à la demande du secteur et le Fonds ne parvient pas à satisfaire tout le monde. Là aussi, il faudrait envisager un système capable de profiter au plus grand nombre.
Le ministre Xavier Bettel devrait donc présenter les solutions retenues dans le courant de ce mois.
Geneviève Montaigu