Le Parlement européen a rejeté, par une très courte majorité, une résolution visant à renforcer le sauvetage de migrants en Méditerranée. Les eurodéputés luxembourgeois se voient fortement critiqués.
Les chiffres font toujours froid dans le dos. L’Organisation internationale pour les migrants (OIM) estime que 933 migrants sont décédés ou ont disparu en Méditerranée depuis le début de l’année 2019. Même si on est loin des plus de 2 500 décès en 2015 ou des plus de 2 200 noyades en 2018, «l’itinéraire reliant la Libye à l’Europe reste la route migratoire faisant le plus de victimes au monde», comme le souligne l’Agence de l’ONU pour les réfugiés (UNHCR).
C’est avec ces chiffres en toile de fond que le Parlement européen s’est penché, jeudi dernier, sur quatre résolutions sur les opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée. Toutes les quatre ont été rejetées. Les différentes fractions se rejettent la faute, alors que «sur le fond, on est tous d’accord», comme nous l’explique Christophe Hansen. Il figure cependant avec sa collègue Isabel Wiseler-Lima parmi les 290 élus à avoir rejeté la quatrième et dernière résolution sur la question, introduite par Juan Fernando Lopez Aguilar, président social-démocrate de la commission des Libertés civiles, de la Justice et des Affaires intérieures. «Le texte était bien nuancé. Notre intention était d’amener l’UE à développer une plus grande conscience sur sa responsabilité en termes de recherche et de sauvetage de migrants en Méditerranée», résume Tilly Metz, eurodéputée déi gréng, contactée hier par nos soins.
Polémique sur les réseaux sociaux
Et pourtant, des divergences sur certains passages de la résolution ont abouti à un vote négatif. Parmi les Luxembourgeois, seuls Tilly Metz et Charles Goerens (DP) figurent parmi les 288 ayant voté pour la résolution. Vu que le texte a finalement été rejeté à deux voix près à peine, le comportement des députés nationaux a déclenché une polémique sur les réseaux sociaux. Monica Semedo (DP) et Nicolas Schmit (LSAP), tous deux favorables au texte, étaient absents. Le vote négatif des deux élus du CSV a aussi été fustigé. «Je suis restée bouche bée de voir les conservateurs voter avec l’extrême droite», s’insurge Tilly Metz.
Les eurodéputés incriminés tiennent néanmoins à se défendre. À commencer par Christophe Hansen, qui justifie son refus par le contenu de la résolution. «Le texte réclame que les centres de coordination de la recherche transmettent sans aucun filtre l’ensemble de leurs informations à tous les navires de sauvetage. Cela est non seulement contraire au droit européen, mais joue aussi en faveur des passeurs, qui pourront user de ces informations pour rester loin des bateaux présents dans le secteur», explique l’élu chrétien-social.
Aussi bien un amendement de sa fraction du PPE qu’un texte de résolution du camp conservateur au Parlement européen ont été rejetés par les sociaux-démocrates, les libéraux et les verts. Le PPE demande dans sa résolution «à tous les intervenants qui prennent part à des missions SAR (NDLR : Search and rescue) en Méditerranée de transmettre les informations concernant les personnes en détresse en mer aux autorités compétentes en matière de recherche et de sauvetage».
Discorde sur deux textes semblables
La résolution alternative fait un pas de plus en invitant «tous les acteurs qui interviennent en Méditerranée à transmettre à un stade précoce les informations relatives aux personnes en détresse en mer aux autorités compétentes (…) et le cas échéant, à tout navire éventuel qui, se trouvant à proximité, pourrait lancer immédiatement une opération de recherche et de sauvetage». La résolution appelle en plus l’Agence européenne de gardes-frontières et de garde-côtes (Frontex) «à mettre plus en valeur les informations disponibles sur les opérations qu’elle mène en mer (…)». La seule précision que Frontex doit «tenir compte de l’obligation juridique de taire les informations opérationnelles qui pourraient nuire à la réalisation des objectifs des opérations», n’est pas suffisante pour le PPE.
Pour le reste, les deux résolutions sont fortement semblables. Les textes invitent en effet «la Commission (européenne) à s’atteler immédiatement à la conception d’une nouvelle stratégie de recherche et de sauvetage qui soit plus pérenne, fiable et permanente et qui remplace les solutions ad hoc actuelles». En septembre, dix pays européens, dont le Luxembourg, ont amorcé un mécanisme temporaire de répartition des demandeurs d’asile sauvés en mer. «On a besoin d’une approche commune», plaide Christophe Hansen. Le but étant d’éviter de «créer du chaos» et de «mettre en danger les sauveteurs et les réfugiés». L’élu du CSV n’exclut pas que les différentes fractions trouvent un accord d’ici fin novembre.
David Marques
Semedo et Schmit s’expliquent
Leur absence a finalement pesé lourd. «On n’aurait jamais pensé que le vote allait être si serré», explique Monica Semedo (DP), qui «regrette profondément de ne pas avoir pu participer au vote». En cause : un déplacement à Athènes pour participer au congrès de l’ALDE, la famille européenne des libéraux. «J’aurais clairement voté pour la résolution, car il s’agit de sauver des vies», ajoute la jeune élue, qui «compte à l’avenir s’organiser autrement».
Nicolas Schmit, futur commissaire européen, nous a précisé qu’il avait participé jeudi, sur demande du Parti socialiste européen, à une conférence des ministres européens du Travail organisée à Luxembourg. «Je regrette bien entendu mon absence au Parlement. Mon vote aurait été clair. Tout doit être entrepris pour sauver des vies», souligne Nicolas Schmit. «Il faudrait en premier lieu interroger les chrétiens-sociaux qui ont voté contre la résolution.»
Au contraire, il faut féliciter ces députés qui ont utilisé leur raison au lieu de céder aux émotions faciles. Personne n’a demandé à ces migrants de risquer leur vie. Si on organise leur sauvetage systématique, on créé un appel d’air et ils viendront toujours plus nombreux.