Les éditeurs de presse vont contre-attaquer après la décision unilatérale de Google, qui refuse de les rémunérer alors qu’entre en vigueur ce jeudi en France le « droit voisin », un nouveau mécanisme censé favoriser un meilleur partage des revenus du numérique.
Une source proche du dossier avait indiqué cette semaine qu’une « démarche collective » sur le plan juridique était en préparation. Au cœur de cette querelle, le « droit voisin », un nouveau droit similaire au droit d’auteur, au bénéfice des éditeurs de presse et agences de presse, qui a été instauré par une directive européenne en début d’année. Il doit permettre aux éditeurs de presse de négocier avec les géants du numérique une rémunération, en contrepartie de la réutilisation de leurs contenus sur la toile. La France est le premier membre de l’UE à avoir transposé ce texte, via une loi adoptée en juillet qui entre en vigueur ce jeudi.
Mais avant même son application effective, le droit voisin, déjà objet d’une intense bataille de lobbying auprès des instances européennes, s’est transformé en pomme de discorde entre la presse française et l’un des principaux groupes concernés, Google. Le géant américain a en effet refusé d’emblée toute négociation avec la presse française en vue d’une rémunération de ses contenus, et, pour se mettre en conformité avec la loi française, il a imposé de nouvelles règles applicables ce jeudi. Pour les éditeurs de presse, celles-ci constituent un « diktat inacceptable » : les sites d’infos doivent accepter que le moteur de recherche utilise gratuitement des extraits de leurs infos dans ses résultats. Faute de quoi, leurs informations seront référencées désormais de manière dégradée par le moteur de recherche (il n’y aura plus qu’un simple titre et un lien), au risque de voir le trafic vers ces sites chuter.
Soutien politique
Sans grande surprise, la plupart des éditeurs de presse vont s’y soumettre, pour ne pas perdre une part importante de leurs internautes. Dans cette bataille, les éditeurs de presse comptent sur la mobilisation des autorités. Une tribune signée par plus de 900 professionnels des médias et d’autres personnalités européennes les a appelées mercredi à une « contre-attaque », les invitant à « muscler les textes pour que Google ne puisse plus les détourner » et à « utiliser tout l’arsenal des mesures qui permettent de lutter contre l’abus de position dominante » que commet selon eux le groupe américain.
Ils en appellent également à l’opinion publique, estimant que l’enjeu de leur combat, « c’est la survie de médias indépendants et pluralistes, et in fine la vitalité de notre démocratie ». « Nous ne laisserons pas faire », a d’ores et déjà prévenu le président Emmanuel Macron mi-octobre, appelant à renforcer la régulation des plateformes et à accélérer les sanctions lorsqu’elles commettent des abus. Le ministre de la Culture Franck Riester a pour sa part rencontré la semaine dernière des responsables de Google à New York et entend mobiliser ses homologues lors du prochain Conseil des ministres de la Culture européens le 21 novembre à Bruxelles. Ensemble, ils étudieront les leviers à leur disposition pour contrer le géant du net.
LQ/AFP