À quelques semaines de Noël, la Commission européenne donne des conseils pour choisir des jouets sécurisés pour les enfants. Une mission pas si évidente.
Chaque année, la Commission européenne, le Parlement européen et le Centre européen des consommateurs alertent le public sur les risques liés aux jouets de mauvaise qualité qui se retrouvent sur les étals des magasins et surtout en ligne. Il faut dire que sur les 2 257 alertes lancées par le «Safety Gate» au niveau européen, 31 % d’entre elles concernaient des jouets (19 % des véhicules à moteur et 10 % des vêtements, textiles et articles de mode). Les autorités ont donc les yeux rivés sur ces objets qui sont aussi ceux destinés au public le moins averti et le plus fragile.
Simone Wagner, agent de surveillance et protagoniste de la campagne européenne «EU Protects», et Alexis Wag, chef de département de la surveillance du marché, ont apporté leurs conseils mardi dans la Maison de l’Europe à Luxembourg à quelques semaines des fêtes de fin d’année. Tous deux travaillent pour l’Institut luxembourgeois de la normalisation, de l’accréditation, de la sécurité et qualité des produits et services (Ilnas). «L’immense majorité des produits qui posent problème viennent des pays asiatiques», tout particulièrement de Chine, soulignent les spécialistes.
On évite d’acheter sur le web
Qu’il s’agisse d’objets de marques européennes fabriqués de l’autre côté du globe ou de produits purement chinois, à partir du moment où le produit se trouve dans un magasin de l’espace européen, il y a un responsable qui doit rendre des comptes. Cela peut être le fabricant s’il est sur place, le mandataire, l’importateur ou le distributeur. La situation se complique lorsque le produit est acheté sur internet, sur un site qui n’a pas son siège dans l’Union européenne : il existe alors peu de chances pour que le pays de résidence collabore avec l’Union européenne.
Simone Wagner précise tout de même que certains poids lourds de la vente en ligne acceptent de travailler avec le système d’alerte européen (comme Amazon, eBay et Alibaba) et retirent d’eux-mêmes les objets qui représentent un danger pour la sécurité des consommateurs. L’Ilnas peut-être prévenu qu’un produit est dangereux par l’entreprise qui le commercialise elle-même, par les douanes qui travaillent en étroite collaboration avec les autorités européennes, les consommateurs ou encore les autres pays de l’Union européenne.
Le Luxembourg lui-même lance des alertes, il a par exemple été le premier à signaler la dangerosité du «hand spinner» dont les petites piles étaient trop facilement accessibles. Ce qui représente un danger pour un enfant, quel que soit son âge. L’an passé, le Luxembourg a totalisé 17 alertes, notamment en faisant des tests dans son propre laboratoire. Après avoir fait la frayeur des autorités compétentes, les jouets à matière molle, appelés Squishies, sont en perte de vitesse dans les ventes. Mais comme une mode en remplace une autre, c’est la nouvelle tendance des peluches qui brillent de mille feux, à sequins ou paillettes, qui inquiète.
Les peluches à sequins dans le collimateur
«Une peluche est par définition toujours considérée comme un jouet destiné aux plus petits, même s’il est mentionné dessus « interdit aux moins de 36 mois ». Un bébé aura par instinct l’envie de câliner», insiste Simone Wagner avant de préciser que même si certaines publicités assurent que les sequins sont indétachables, elle n’a jamais vu de ses propres yeux ce miracle. L’Union européenne s’attelle à les retirer du marché depuis mars, mais il en reste encore dans les commerces. Il faut savoir que le sigle «CE» n’est pas une garantie en soi puisqu’il est délivré par l’entreprise qui produit l’objet. C’est une autocertification, en quelque sorte la promesse de respecter les règles européennes. Or on peut douter du fait que tous les fabricants soient de bonne foi.
Par ailleurs, «tous les producteurs chinois ne connaissent pas forcément la législation», complète Simone Wagner avant de donner sa méthode pour savoir si un jouet est fiable : «Je vérifie que figure l’adresse de l’opérateur économique responsable, je regarde s’il y a des avertissements et si je peux les comprendre (dans une des langues du pays).» Alexis Wagner complète : «Parfois, je souhaiterais offrir à un enfant de 4 ans un cadeau qui comporte un pictogramme « interdit aux moins de 36 mois », mais si je sais qu’il a un petit frère de 2 ans, je m’abstiens.»
Audrey Libiez
Un objet qui peut mener au drame
Parmi les consommateurs présents à la Maison de l’Europe, l’un était particulièrement averti sur le sujet des détecteurs de métaux. André Schoellen, archéologue et responsable du service de la carte archéologique pour le MNHA, se penche sur le sujet depuis plusieurs années. Preuves à l’appui, il montre que les nombreux drames qui se sont joués à travers l’Europe sont directement dus à des détecteurs de métaux de petite taille et aux couleurs vives, vendus comme des jouets.
Il ne manque pas d’exemples : comme ce grand-père avec ses deux petits-enfants qui a cru retirer une bague du sol et a en fait dégoupillé une grenade. Un exemple qui met en évidence que «même en présence d’un adulte (comme c’est recommandé dans la notice), cela reste trop dangereux pour les enfants. D’autres sont tombés sur un obus dans leur propre jardin. Quand les démineurs sont arrivés, ils en ont trouvé encore plusieurs autres.»
Mais l’interdiction de ce «jouet» n’est pas à l’ordre du jour, explique Simone Wagner, agent de surveillance : «Nous vérifions la sécurité du jouet en lui-même. Le reste ne relève pas de notre domaine de compétences. On ne peut pas empêcher des enfants de chercher par exemple des pièces de monnaie sous un tapis.» C’est donc aux adultes de faire preuve de bon sens, la législation ne peut pas se substituer à la responsabilité des parents ou tuteurs.