Le Collectif réfugiés a livré son bilan, vendredi, et ses recommandations dans le cadre des projets de loi concernant les demandeurs d’asile. Beaucoup d’efforts restent à faire.
Procédure trop compliquée, termes flous, délais pas fixés, décisions arbitraires, le Collectif réfugiés n’est pas tendre en ce qui concerne les législateurs. Ce dernier donne ses recommandations pour que les demandeurs de protection internationale vivent au mieux leur intégration au Grand-Duché.
En ces temps de «record» de nombre de migrants noyés en Méditerranée et de discussions autour de la répartition par quotas des migrants en Europe, le Collectif réfugiés a fait le point vendredi sur la situation au Luxembourg. Deux projets de loi sont dans les tuyaux pour que le pays adapte mieux son offre pour les demandeurs de protection internationale (DPI).
Si le Collectif est ravi des échanges réguliers qui ont lieu avec les autorités, il attend néanmoins d’être invité dans les deux commissions parlementaires concernées pour débattre avec les députés. Mais pour le Collectif, «il est temps de passer à l’action. Et pas seulement de lutter contre les trafiquants – qui fleurissent car des milliers de personnes fuient les combats – mais il faut se concentrer sur un tas de facteurs, dont un accueil digne de ces personnes », estime Nonna Sehovic, du Collectif.
Une assistance judiciaire gratuite
Le projet de loi inclut un nouveau système en ce qui concerne l’enregistrement de la demande et le droit à l’accueil. Un parcours du combattant administratif pour le migrant qui débarque au Luxembourg. Entre le dépôt de la demande et la délivrance de l’attestation, sésame qui permet au DPI de circuler et de toucher des aides, il peut se passer du temps, trop de temps selon le Collectif.
« Termes flous, délais pas fixe, démarche trop complexe », voilà comment est qualifiée la nouvelle procédure proposée. Pour Nenad Dubajic c’est le meilleur moyen de finir en conflit avec les fonctionnaires : « C’est tellement compliqué que si le gouvernement est dans une logique de simplification administrative, là, il est sûr que les fonctionnaires auront plus de travail inutile, ce qui va générer des frictions. » Contrairement à ce qui est prévu, le Collectif plaide donc pour un accueil de base dès le dépôt de la demande du DPI.
Risque de décisions arbitraires
Bon point concernant l’assistance judiciaire, le système actuel est maintenu pour que les DPI puissent bénéficier d’une assistance judiciaire gratuite tout au long de la procédure. Si deux articles ne semblent pas bien cohérents pour le Collectif, ce dernier veut modifier l’article 17 en supprimant le passage «sauf si le recours du demandeur est considéré comme n’ayant pas de perspectives tangibles de succès».
Ce passage risque de brouiller les cartes, « cela pourrait donner libre cours à des décisions arbitraires. Les réfugiés venant de régions dites « sûres » seraient alors déboutés d’office. Alors que les situations sont bien plus complexes que ça, et les régions sûres peuvent changer rapidement de statut », explique Nonna Sehovic.
Le problème c’est que là encore les États membres de l’Union européenne n’ont pas trouvé de terrain d’entente et dressent chacun leur liste de pays d’origine sûrs. Il suffit de prendre l’exemple de l’Ukraine, considéré comme pays sûr par le Grand-Duché, alors que la France l’a sorti de sa liste il y a plusieurs mois déjà.
Les DPI mineurs ne sont par contre pas gâtés par le projet de loi qui maintient la possibilité d’un placement en rétention pour les mineurs. Pour déterminer leur âge, ce sont les très contestés tests osseux qui ont été retenus pour estimer l’âge des DPI déclarant être mineurs. Pour le Collectif, il serait bon d’établir un examen plus complet et donc plus fiable.
Pour ce qui est de la rétention des adultes, le Collectif plaide pour une rétention d’un maximum de 6 mois, contre 12 actuellement. Des mesures moins coercitives sont à l’étude, une bonne chose pour le Collectif, mais dans le détail, il regrette l’introduction des bracelets électroniques pour des personnes fortement marquées psychologiquement.
Délai trop long pour les examens médicaux
Le Collectif a d’ailleurs fustigé les examens médicaux réalisés au Luxembourg. Des médecins mal formés et un délai trop long : «Six semaines d’attente pour un examen médical, ce n’est pas acceptable. » Les DPI doivent absolument passer par la direction de la Santé, qui est donc débordée. Il vaudrait mieux passer par un médecin généraliste, tout en les sensibilisant à la situation des DPI. Ces derniers doivent recevoir une réponse des autorités dans les 21 mois, au maximum.
Pourtant, certains restent au pays trois ans ou plus. Et même s’ils sont déboutés, la longueur de leur séjour peut être une raison suffisante pour régulariser leur situation, notamment pour les familles qui ont des enfants scolarisés au Grand-Duché, ainsi que les jeunes étudiants.
Selon la proposition européenne de répartition des migrants avec des quotas par État membre, le Grand-Duché pourrait accueillir 500 DPI supplémentaires sur une période de deux ans.
Audrey Somnard