Le F91 peut-il battre Qarabag, ce jeudi soir ? Oui. Le doit-il ? Non. Mais c’est aussi tout ce que le pays attend fébrilement. Parce que s’il ne perd pas, les portes du miracle lui seront ouvertes en grand.
À bien écouter Bertrand Crasson, le seul danger qui guette le F91, c’est de penser qu’il dispose d’une fenêtre de tir grande ouverte pour battre Qarabag et suivre aveuglément ce que tout le pays commence à penser, à savoir que son équipe n’est plus forcément exclue d’office de la course aux seizièmes de finale.
Toute cette histoire commence à prendre des proportions trop sérieuses à ses yeux et hier, le technicien dudelangeois, qui ne s’est toujours pas débarrassé de son étiquette d’intérimaire (Flavio Becca a dit qu’il se prononcerait après le match d’aujourd’hui) n’a voulu parler que d’une chose, sur le fond : «On n’a pas plus d’attentes qu’avant. Soyons réalistes : on est la petite équipe qui va essayer de créer des problèmes. Est-ce qu’on peut refaire le coup de Nicosie ? On va voir. Mais on veut juste vivre cette expérience à fond, amener du bonheur et de la joie de jouer. On est juste contents d’être là.»
«Si on perd, vous allez écrire…»
Le discours est tout à fait audible. Compréhensible même. Seulement à un moment où Tottenham, récent finaliste de la Ligue des champions, en prend sept à la maison contre le Bayern, à un moment où Bruges va accrocher le Real chez lui, le concept de l’humilité est forcément plus délicat à vendre. Les gens voient bien que l’Europe du football est sens dessus dessous, qu’on ne peut plus se fier à grand-chose. Voyez vous-même : le champion du Luxembourg vient tout juste d’aller, d’autorité, s’imposer à Chypre contre l’APOEL (3-4), dans un stade où l’Ajax a concédé le nul (0-0) en barrages de la Ligue des champions, contre une équipe qui venait d’éliminer… Qarabag (1-2, 2-0).
«Seulement si l’on perd, vous allez écrire ‘Le F91 revient à sa réalité’», sourit Crasson, qui en a vu d’autres en matière de versatilité médiatique et de cote d’amour populaire. Jonathan Joubert, qui l’accompagnait hier en conférence de presse, aussi. Il a donc recentré le débat en vieux briscard du ballon rond, mais pas en habitué de ce genre de situation d’euphorie généralisée : «On est là en outsiders et cela nous convient bien. De toute façon, le plus important pour nous, c’est le championnat. On y accuse un certain retard, on est dans la difficulté et on ne doit surtout pas négliger ça.»
Des chances objectives
Soit. On entend. Mais ce que personne au pays en ce moment ne veut négliger, et surtout pas ce soir, ce sont les chances objectives du F91 d’écrire un nouveau chapitre sorti de nulle part en accroissant ses chances de sortir des poules. Comprenez bien, déjà que personne ne lui accordait la moindre chance de les rejoindre il y a de ça deux mois, s’imaginer que la majeure partie des suiveurs du football luxembourgeois y croient désormais fort, est une marque de confiance qui s’assume.
Si le FC Séville fait le job en Andalousie, contre l’APOEL, il y a une opération en or. Cela s’apparente à une demi-finale à gagner (ou même, quel luxe, à ne pas perdre) avant, éventuellement, de pouvoir jouer pour de vrai la qualif’ en novembre. Cela resterait un exploit, il faut en convenir, Bertrand Crasson ayant même parlé de «miracle». Mais un miracle, on prend aussi, et sans tergiverser…
Julien Carette et Julien Mollereau
L’équipe probable : Joubert – Bouchouari, Schnell, Garos, Kirch ou Lesquoy – Pokar, Morren, Stolz, Bernier – Bettaieb, Sinani.