«Un coup d’État!», «Digne d’un dictateur!». Les réactions outrées contre la suspension du Parlement britannique par le Premier ministre Boris Johnson pour une durée de cinq semaines à compter de demain se sont multipliées ces derniers jours. Le but de la manœuvre était d’empêcher le vote d’une loi contre un Brexit sans accord («no deal») avant la date prévue du divorce le 31 octobre. Peine perdue, le Parlement a eu le temps de voter un texte «anti-no deal» qui, dans la pratique, pourrait reporter le Brexit de plusieurs années si les Européens y consentent. Alors que tout le monde est tombé à bras raccourcis sur «BoJo», essayons de nous faire l’avocat du diable à la tignasse blonde.
Juin 2016, une majorité de citoyens britanniques votent pour quitter l’UE. Puis, par trois fois, le Parlement britannique rejette l’accord de sortie conclu difficilement entre Bruxelles et la Première ministre Theresa May. Depuis trois ans et cette situation est appelée à perdurer, le Royaume-Uni se retrouve dans une impasse, il n’est ni dans l’UE ni en dehors. Et les parlementaires britanniques qui prétendent défendre la démocratie contre le «tyran» Johnson sont donc des représentants qui se refusent à appliquer la volonté des représentés…
Ce scénario n’est pas sans rappeler celui de 2005 en France. Une majorité de citoyens se prononcent alors contre un traité établissant une Constitution pour l’Europe. Ce qui n’empêche pas, trois ans plus tard, le Parlement français de ratifier le traité de Lisbonne, qui est quasi identique à celui rejeté en 2005.
En 2015, en Grèce, rebelote. Le peuple grec se prononce massivement contre la proposition faite à Athènes par la troïka des créanciers (UE-FMI-Commission). Un vote inutile puisque le gouvernement Tsipras sera finalement forcé à appliquer l’austérité mortifère réclamée par l’UE. Quelques mois auparavant, Jean-Claude Juncker avait prévenu : «Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens.»
Ces trois séquences amènent à se poser la question : peut-on encore parler de démocratie «représentative» quand l’avis des représentés ne compte pas ?
Nicolas Klein