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Antidouleurs opioïdes : le Luxembourg prudent


La crise de la dépendance aux opioïdes, qui ravage les États-Unis, interroge tous les autres pays (Photo d'illustration : AFP).

Entre 2007 et 2017, le taux de prescription d’antidouleurs opioïdes délivrés en pharmacie et remboursés par la CNS a diminué de 5,9 %. Voilà un chiffre qui ressort d’une récente question parlementaire.

Alors que les opioïdes ne cessent de faire des ravages aux États-Unis, le député Marc Hansen (déi gréng) s’est interrogé sur l’évolution de la prescription des antidouleurs opioïdes au Luxembourg. Prescrits aux personnes souffrant de douleurs chroniques ou aiguës, ils ont une action antalgique, un effet dépresseur sur le système nerveux central et entraînent une sensation de bien-être et de relaxation. Ces substances se caractérisent par un potentiel d’abus et de dépendance élevé.

Dans leur réponse commune, le ministre de la Santé et le ministre de la Sécurité sociale indiquent que le taux de prescription des médicaments analgésiques morphiniques appartenant au groupe opiacés au Luxembourg a diminué. La période de référence entre 2007 et 2017 passe ainsi de 405 prescriptions par 1 000 personnes à 389 prescriptions par 1000 personnes en 2017, représentant ainsi une diminution de 5,9 %. Il s’agit là des substances délivrées par les pharmacies ouvertes au public et remboursées par la CNS. L’analyse du détail des chiffres révèle toutefois «une augmentation régulière des prescriptions d’opioïdes forts (fentanyl, oxycodone, morphine, hydromorphone)». Les prescriptions d’opioïdes faibles, notamment la codéine, quant à elles, seraient en diminution régulière. Toujours selon les statistiques, à ce jour, seul un cas d’abus avec dépendance à la suite de prescriptions dans le traitement de la douleur a été enregistré à la direction de la Santé. Bref, on est bien loin du problème d’abus qui frappe actuellement les États-Unis.

«Beaucoup de patients ont mal»

Ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas de prescriptions d’antidouleurs. «Beaucoup de patients ont mal», indique Philippe Servais, un pharmacien que nous avons interrogé sur le sujet. Il rappelle que l’évaluation de la douleur n’est pas faite par le médecin, mais par le patient : «Le patient est seul expert de sa douleur.» C’est donc sur la base de ses indications que le médecin traite les douleurs en se basant sur trois paliers. Au premier palier on retrouve le paracétamol, au deuxième la codéine et le tramadol et au troisième la morphine, l’oxycodone et le fentanyl. «Les opioïdes sont administrés pour les douleurs fortes à moyennes», précise notre interlocuteur.

Ordonnances et délivrance réglementées

Au Luxembourg, leur délivrance est très réglementée. «Si en France, par exemple, la codéine a longtemps était vendue sans ordonnance, ici tout se fait sur ordonnance.» Il appuie : «Pour la prescription des antidouleurs du palier 3, il existe une ordonnance rose qu’on appelle carnet à souches. Le médecin prescrit la quantité de pilules ou patchs à délivrer. Cela se fait au nombre exact pour empêcher les abus.»

Au Luxembourg, chaque pharmacie a également la possibilité de voir dans son système l’historique des médicaments que le patient s’est déjà vu délivrer. Dans la durée, elle peut donc vérifier si une délivrance est justifiée. Un patient pourrait en effet s’être présenté chez plusieurs médecins.

Si, à l’heure actuelle, il n’y a pas d’échange entre les pharmacies du pays, de l’avis du pharmacien que nous avons interrogé, l’utilité principale d’un tel outil recensant le dossier pharmaceutique du patient – sans que les noms des pharmacies n’apparaissent – serait d’éviter un éventuel risque de contre-indications. En dernier lieu, cela serait un moyen de constater une éventuelle surconsommation. «En France, la carte de sécurité sociale sauvegarde le « dossier pharmaceutique » du patient et recense pour chaque bénéficiaire de l’assurance maladie le nombre de boîtes de médicaments dernièrement délivrées», illustre-t-il.

Gare au syndrome de sevrage

Des chiffres qui ressortent de la réponse parlementaire, sur la période de 2007 à 2017, la dose moyenne prescrite par patient et année de traitement aux opioïdes passe de 36,41 à 42,47 DDD (Defined Daily Dose), correspondant à une durée équivalente théorique de traitement. «Si on arrête un traitement, il existe la possibilité de syndromes de sevrage», indique Philippe Servais en précisant toutefois : «On constate que le risque de dépendance aux opioïdes est plus faible dans le contexte thérapeutique que dans la situation d’un mésusage récréatif.»

Fabienne Armborst

Le cannabis médical, une option aux opioïdes?

Depuis février 2019, le cannabis à usage thérapeutique est à disposition au Luxembourg. Si l’on suit la réponse parlementaire, 89,2 % des prescriptions ont été émises par les médecins pour l’indication «maladies graves en phase avancée ou terminale entraînant des douleurs chroniques». Ce qui fait 597 prescriptions sur les 669 rédigées au total. «Nous ne sommes cependant pas en mesure de savoir si le cannabis médicinal a permis de remplacer, d’éviter ou de retarder le recours aux opioïdes», répondent les ministres au député Marc Hansen.