Le Premier ministre britannique Boris Johnson se prépare à convoquer des élections législatives anticipées après un désaveu cinglant mardi infligé par les députés qui ont adopté une motion en faveur d’un report du Brexit, afin d’éviter une sortie de l’Union européenne sans accord.
À l’issue de débats tendus à la Chambre des communes, les députés hostiles à un Brexit sans accord ont remporté un vote crucial, à 328 voix contre 301, leur permettant de prendre le contrôle de l’agenda parlementaire, normalement détenu par le gouvernement. Ils pourront ainsi présenter dès mercredi un texte de loi contraignant le Premier ministre conservateur à demander un report du Brexit au 31 janvier 2020 au cas où aucun accord de retrait ne serait trouvé avec Bruxelles.
Les élus de l’opposition ont été rejoints par 21 Tories opposés à un « no deal » — dont Nicholas Soames, le petit-fils de Winston Churchill, ou l’ex-ministre des Finances Philip Hammond — qui ont soutenu la motion. Les rebelles seront expulsés du parti comme l’avait promis Boris Johnson. Mais ce dernier, déterminé à ce que le Royaume-Uni quitte l’Union européenne le 31 octobre — avec ou sans accord de divorce, a préparé sa contre-attaque.
Le Premier ministre a dans la foulée présenté une motion pour convoquer des élections législatives. Si les députés anti-« no deal » imposent un report du Brexit mercredi, le gouvernement soumettra cette motion au vote de la Chambre. Elle devra recueillir deux tiers des voix pour être adoptée. « Je ne veux pas d’une élection, mais si les députés votent demain pour arrêter les négociations et appeler à un autre délai inutile du Brexit, qui pourrait durer des années, dans ce cas (une élection) sera le seul moyen de résoudre » la situation, a menacé Boris Johnson après le vote, haussant la voix pour couvrir le brouhaha des rangs de l’opposition.
Lors d’un référendum historique en juin 2016, les Britanniques avaient voté à 52% en faveur d’un divorce avec l’UE. Au moment-même où Boris Johnson s’adressait aux députés, un élu de son parti, Phillip Lee, quittait les rangs conservateurs pour aller rejoindre les bancs des Libéraux démocrates, une formation europhile de l’opposition, lui faisant ainsi perdre sa majorité absolue d’une voix. Cela n’entraîne toutefois pas la chute du gouvernement qui ne peut être actée que par une motion de défiance.
Stratégie de l’agression
« Le gouvernement conservateur poursuit de manière agressive un Brexit (aux conséquences) dommageables », s’est justifié Phillip Lee. Selon l’ONU, un « no deal » ferait perdre aux Britanniques 14,6 milliards d’euros d’exportations vers l’UE. Ce scénario est le cauchemar des milieux économiques, qui redoutent aussi une envolée de l’inflation, une chute de la livre voire une récession. Près de Westminster, plusieurs centaines d’opposants au Brexit ont manifesté jusque tard dans la soirée pour « Défendre notre Parlement » et « Stopper le coup d’Etat ». Ils dénonçaient la décision de Boris Johnson de suspendre le Parlement pendant cinq semaines, jusqu’au 14 octobre, et donc d’y réduire le temps de débats, y voyant une manoeuvre pour imposer sa vision du Brexit.
Venue de Hastings, à 90 km au sud de Londres, Rachel Power, juge « assez dégoûtant ce que fait le gouvernement ». « Je ne pense pas qu’ils écoutent le peuple », déplorait la quadragénaire, avec ses deux chiens, l’un emmailloté dans un drapeau européen, l’autre dans l' »Union Jack ». Jeremy Corbyn, le chef du Labour, la principale formation d’opposition, a fustigé devant les députés « un gouvernement sans mandat, sans morale et, à partir d’aujourd’hui, sans majorité ». Il s’est dit prêt à des élections législatives.
AFP