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Taxa Gafa : pourquoi elle inquiète les vignerons français


Les vins et spiritueux français ont trouvé encore l'an dernier leur premier débouché aux États-Unis, avec 18,29 millions de caisses de douze bouteilles vendues pour 1,6 milliard d'euros. (illustration AFP)

Les vignerons français craignent de faire les frais de la nouvelle taxe française sur les géants du numérique, sujet de discorde transatlantique invité à la table des chefs d’État lors du G7 à Biarritz.

Les représentants d’Amazon, Facebook et autres patrons de l’internet se sont élevés collectivement lundi contre cette taxe Gafa car elle frappe en premier lieu les géants américains du secteur. Et le président américain Donald Trump a menacé à plusieurs reprises de prendre des mesures de rétorsion, suggérant notamment le 9 août dernier une taxe de 100% sur les vins français en matière de rétorsion, lors d’une réunion de levée de fonds dans les Hamptons, selon l’agence Bloomberg.

La menace semble d’autant plus sérieuse qu’avant même l’adoption de la taxe française le 11 juillet, Donald Trump, connu pour ne pas boire de vin, laissait déjà entendre qu’il pourrait infliger des taxes douanières sur le vin français, pour corriger une concurrence jugée « déloyale » via-à-vis des vins américains. « La France taxe beaucoup le vin et nous taxons peu le vin français », avait-il dénoncé sur CNBC.

De quoi inquiéter la France viticole, troisième pays exportateur mondial de vin en volume et premier en valeur. Une nouvelle taxe renchérirait en effet les prix pour les consommateurs américains. Or les vins et spiritueux français ont trouvé encore l’an dernier leur premier débouché aux États-Unis, avec 18,29 millions de caisses de douze bouteilles vendues pour 1,6 milliard d’euros. « Il faut prendre très au sérieux les menaces du président américain, le vin ne peut pas être pris en otage dans une négociation commerciale internationale, nous espérons un accord avec les États-Unis sur les Gafa, je l’ai expliqué le 27 juillet au ministre de l’Économie Bruno Le Maire », indique Jérome Despey, responsable de la branche viticulture au sein de la première organisation agricole française, la FNSEA.

Les « petits » vins menacés

Dans l’incertitude, tous les crus et toutes les régions viticoles ne réagissent pas de la même façon. « On est inquiet bien sûr car les États-Unis représentent notre premier marché en valeur derrière la France », abonde Maxime Toubard, qui représente les viticulteurs de Champagne. Il reste toutefois « confiant » car « les consommateurs américains aiment le champagne ». Même ton mi-prudent mi-inquiet à Cognac, où le marché américain représente à lui seul près de la moitié des exportations. On reste « vigilant », mais « rien n’est confirmé », se rassure une source du métier.

Pour Thomas Montagne, président de la Confédération européenne des vignerons indépendants, les vins français qui seraient les plus touchés par une éventuelle taxation américaine « ne seront pas les très grands crus ». « S’ils ne sont pas consommés aux États-Unis, ils le seront ailleurs, ce sont des vins de très grande garde qui peuvent attendre avant d’être vendus », a-t-il expliqué sur France Inter. En revanche, les vins de moyenne ou d’entrée de gamme vont « faire les frais de l’opération ».

En Provence, portée depuis quelques années par l’engouement pour le vin rosé, la menace est prise très au sérieux. « Les États-Unis représentent aujourd’hui 46% de nos exportations, or il y a dix ans nous n’y vendions pratiquement rien », souligne un responsable de la filière. Deux marques sont à l’origine de ce boom : le « Whispering angel » imposé par le producteur du Var Sacha Lichine, d’origine bordelaise, suivi par le « château Miraval » lancé par les acteurs Brad Pitt et Angelina Jolie avec la famille de négociants du Rhône Marc Perrin, très implantée aux États-Unis. « Ils ont atteint la cible des jeunes consommateurs, en jouant sur une image festive, mêlant le naturel et l’art de vivre du sud, et toute la profession s’est engouffrée derrière », explique ce responsable. Au point que « aujourd’hui, lorsqu’on dit rosé aux États-Unis, on veut dire Provence », souligne Jean-Jacques Bréban, président du conseil interprofessionnel des vins de Provence, qui recherche activement d’autres débouchés, en Chine notamment.

« Avec les États-Unis et Trump, on navigue à vue, et c’est d’autant plus dur à vivre qu’il est déjà très difficile de prévoir ce qui va se passer avec la Grande-Bretagne et le Brexit… notre deuxième client », relève un haut responsable viticole français.

LQ/AFP