[EUROPA LEAGUE, 3e TOUR RETOUR ] Le F91 est à 90 minutes d’un second tour de barrage consécutif et de se retrouver, de nouveau, aux portes des poules qu’il avait réussi à intégrer en 2018. Ne lui reste qu’à contenir le faible Nõmme Kalju, mardi soir (18h) en Estonie, après sa victoire de l’aller (3-1).
Bon, 90 minutes, ce n’est pas la mer à boire non plus. Résister à un retour improbable d’un champion d’Estonie en panne d’idées, sur un seul match, c’est de l’ordre du possible, non? Le F91 du début de la campagne européenne aurait très certainement eu un peu de mal à se dire que c’est une simple formalité. Son niveau individuel et collectif n’y était tout simplement pas, mais il a grandi à tous points de vue en un temps record pour amener ses joueurs pris individuellement ainsi que son équipe à un niveau que pas mal d’équipes de DN rêveraient d’atteindre si on leur laissait trois ans pour y parvenir.
On grossit peut-être un peu le trait mais c’est un fait, le F91 d’aujourd’hui n’a déjà plus rien à voir avec celui d’il y a un mois, poussé hors de la Ligue des champions par le Valletta FC, un adversaire d’un niveau équivalent à ce que propose Nõmme Kalju. Et la supériorité évidente qu’il a étalée à l’aller, jeudi dernier, au stade Josy-Barthel, le désigne désormais comme favori évident pour prendre la place de barragiste.
Bien évidemment, Emilio Ferrera n’est pas d’accord avec l’analyse. Trop rapide, trop aride. On ne peut résumer un rapport de forces à 90 minutes à sens unique et pourtant, à l’aller, la grille de lecture n’avait pas plusieurs entrées : le F91 a attaqué, Nõmme Kalju a défendu. «Oui, mais quand on sort d’une bonne partie, on veut essayer de reproduire la même. Or c’est en fait très difficile à répéter, surtout en déplacement. Ils vont tenter le tout pour le tout et ils ont des armes sur phases arrêtées.»
«Peut-être qu’au vu du match aller, on est légèrement favoris»
À bien y regarder, on ne voit qu’un seul atout dans la manche des Estoniens : ce petit but à l’extérieur, inscrit moins sur un corner en tant que tel que sur un corner mal dégagé. Sur ce coup-là, Tim Kips et sa défense se sont plus piégés eux-mêmes qu’ils ne l’ont été par leur adversaire, qui n’en a de toute façon pas assez fait pour obtenir de réelles opportunités sur phases arrêtées. Cela n’empêche pas le technicien belge de persister : «Je ne sais pas si on est favoris de ce duel. Allez si, peut-être qu’au vu du match aller, on est légèrement favoris. Mais eux, jouent-ils toujours comme ça? Ne peuvent-ils pas nous sortir une meilleure prestation?»
Nõmme Kalju aura du mal à faire pire. Trimballé par le jeu de passes tout en vivacité et à ras de terre du F91, sonné par les courses de Dominik Stolz, assommé par les percussions de Sinani, débordé par les flancs (même si, vu les gabarits de l’axe, les latéraux gagneraient cette fois à centrer un peu plus à ras de terre que dans les airs), étouffé par les récupérateurs, il peut s’estimer très heureux d’avoir encore le droit d’y croire au coup d’envoi.
«C’est vrai que par rapport à la prestation de l’aller, on méritait mieux. Le score ne reflète pas l’image qu’on a laissée dans ce match. Et pourtant, ce n’est pas un regret : ce que j’ai vu dans le jeu me suffit amplement.» Emilio Ferrera a raison. En germe, il y avait dans le match aller tout ce qu’il faut pour s’assurer que rien ne partira en cacahuète au retour. L’air de rien, on parle tout de même d’une équipe qui n’a pas encore perdu le moindre match cette saison sur le plan continental. «Le onze qui a commencé l’aller a fière allure», s’est même félicité Ferrera.
Reste à savoir s’il est déjà taillé pour réécrire l’histoire. Romain Schumacher, son président, le croit puisque après l’aller, il enrageait du fait qu’il lui faille patienter encore une semaine avant de voir plus loin. Peut-être qu’imperceptiblement, lui aussi se laisse gagner. Lentement. Cette campagne prend en effet des chemins de traverse pour nous emballer. Pas de Legia Varsovie au menu. Pas de Cluj non plus. De l’anonymat. Du travail minutieux plutôt que de grandes envolées lyriques, l’affirmation que cette équipe n’est pas programmée pour ça quand, très vite, la génération 2018 avait fixé les poules pour objectif. Et pourtant, celle de 2019 ne peut plus avancer masquée. Elle n’est plus qu’à trois matches du tirage au sort du 30 août, des frissons qui l’accompagneront. C’est très loin mais c’est tout près et tout le monde est en train de s’en rendre compte. Même les joueurs, qui commencent à avoir du mal à se le cacher.
Tallinn, vu les circonstances, ne doit plus être qu’une péripétie avant de passer à autre chose. Que cet autre chose s’appelle Saburtalo ou Ararat-Armenia…
Julien Mollereau