Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
C’est au cœur de la Moselle, à Machtum, qu’un collectif de dix artistes luxembourgeois a choisi de présenter leurs œuvres, dans «Vendanges artistiques». Une réflexion sur la transition entre passé et présent.
Depuis quelques temps, le Grand-Duché voit une explosion de collectifs d’artistes décidant d’habiter un lieu avant sa transformation. C’est au tour de la belle région de Moselle de se voir investie par un collectif de dix artistes. C’est à Machtum qu’ils ont posé leurs bagages, jusqu’au 21 juin, pour une exposition intitulée «Vendanges artistiques». In situ ou existantes, ce sont autant de propositions qu’ils présentent autour de la notion du temps qui passe et de la transition.
Tout a commencé il y a un peu plus d’un an, quand la photographe luxembourgeoise Néckel Scholtus décide de proposer à l’artiste Joël Nepper de faire un travail sur une ferme qui passait aux mains du fils de la famille et allait ainsi vivre de nombreuses transformations. « Je me suis toujours intéressée à la question de la transition, de l’héritage entre les générations… Moi-même issue d’une famille d’agriculteurs, cette ferme avait une importance toute particulière », explique Néckel Scholtus.
Œuvre de Cindy Dos Santos.
Ils ont ainsi tous deux réalisé une série sur ce lieu, gardant chacun leur sensibilité et leur technique. L’un a opté pour le noir et blanc, tandis que l’autre a choisi de révéler les traces du passé en couleur, tous deux utilisant des techniques photographiques antérieures au numérique.
C’est à Machtum, près de la Moselle, qu’ils présentent le résultat de ce travail, dans une maison qui est en attente de transformations. Pour les accompagner, ils ont proposé à huit autres artistes (Christophe Olinger, Cindy dos Santos F., Jessica Theis, Michelle Kraemer, Robert Frankle, Sandra Biwer, Séverine Peiffer et Eliane Biltgen) de se joindre à eux pour habiter l’espace. « Nous avions envie de compléter notre travail en invitant d’autres artistes autour de la thématique d’un hymne au passé tourné vers le futur », ajoute la photographe.
Regards sur le temps qui passe
C’est ainsi que tous les niveaux de la maison se retrouvent de nouveau habités par des œuvres qui nous interrogent, et nous bouleversent parfois, qui nous invitent à voir et à ressentir. Que ce soit à travers des œuvres préexistantes ou des œuvres in situ, ils ont tous cherché à comprendre les contours de ce lieu, son histoire, sa place dans le village.
À l’instar de l’installation de Séverine Peiffer, Humus ancestral , pour laquelle elle est allée chercher dans l’histoire du village, pour découvrir une étonnante fièvre de l’or qui s’est tenue à la fin des années 1950. « Ils ont découvert, aux abords de la Moselle, entre Mactum et Ahn, l’un des plus grands et des plus précieux trésors de l’Antiquité tardive. Des objets, des pièces d’or… Ce qui a déclenché une véritable chasse au trésor dans la région et une dispersion de tous ces objets », raconte l’artiste. Avec cette histoire en tête, elle a donc décidé de chercher le trésor de la maison, en creusant la terre de la cave, à la recherche de stigmates de son passé et, pourquoi pas, d’un trésor.
Les villageois racontent
La photographe Jessica Theis a, quant à elle, choisi de réaliser un instantané du village à travers cent photographies réalisées en cent minutes. On y découvre des vues inattendues et elle révèle l’absence humaine dans les villages d’aujourd’hui, vidés de leurs habitants durant la journée. Les œuvres de Néckel Scholtus nous entraînent des deux sous-sols au dernier étage. Elle a, pour cela, recherché dans les albums familiaux, demandé aux villageois de lui raconter leur village pour réaliser plusieurs séries qui nous interrogent sur la mémoire et le devenir.
Christophe Olinger ouvre ses carnets intimes
La pièce la plus touchante de l’exposition reste cependant celle du photographe Christophe Olinger, méritant, à elle seule, le déplacement aux confins des rives de la Moselle. À travers sa série «A Journey to the Being», il ouvre ses carnets intimes et, par la même occasion, interroge le visiteur sur ce qu’il est et ce qu’il devient chaque jour.
C’est la première fois de sa carrière qu’il retourne l’appareil sur lui et, par ce geste il offre son plus beau regard, généreux, touchant, douloureux et si universel; celui d’un homme face à ses blessures les plus profondes. Ces premières «Vendanges artistiques» sont indéniablement un excellent cru, invitant tout un chacun à penser le temps différemment et à voir le monde qui nous entoure. Petit plus, la maison est doté d’un magnifique jardin dans lequel les artistes se font un plaisir de recevoir les visiteurs!
Mylène Carrière
>> Exposition « Avis au public II_Vendanges artistiques ». 2, rue Knupp – Machtum. Samedi 20 et dimanche 21 juin, de 14 h à 19 h. Entrée libre. Ainsi que sur rendez-vous en dehors des heures d’ouverture. Tél. : 661 767 614 ou 621 375 480.
