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Portugal : colère et détresse des habitants après « l’enfer » de l’incendie


Après l'incendie, les habitants de Roda sont désemparés. (Photo d'illustration AFP)

Cultures perdues, maisons endommagées, la peur devant l’absence des pompiers: au lendemain de « l’enfer » vécu dans leur village quand les flammes l’ont traversé, les habitants de Roda, dans le centre du Portugal, disaient lundi leur colère et leur détresse.

Ce village d’une centaine d’habitants avait déjà été ravagé par le feu en 2003. En 2017, quand les feux de forêt ont fait 114 morts dans la région, les flammes sont passées à une dizaine de kilomètres de là.

« Heureusement que j’avais plusieurs tuyaux d’arrosage et ma grande cuve pour pouvoir combattre le feu, sinon je ne sais pas ce que je serais devenu », dit à l’AFP d’un ton grave Adriano Dias Silva, retraité, alors qu’il tente de réparer le moteur d’un petit générateur. L’homme de 69 ans à la voix rauque, habitant seul à Roda depuis qu’il a laissé son travail de maçon à Sacavém dans la banlieue de Lisbonne, à 200 km plus au sud, est parvenu sans aucune aide à stopper le feu aux portes de sa maison.

Du verger d'Adriano Dias Silva, il ne reste plus grand chose après le passage des flammes. (Photo AFP)

Du verger d’Adriano Dias Silva, il ne reste plus grand chose après le passage des flammes. (Photo AFP)

En revanche, il a perdu tout son verger composé de mandariniers, de pommiers et d’oliviers encore fumants. Perché sur une colline, Roda est entouré de pins et d’eucalyptus, essence très inflammable. Mais l’eucalyptus pousse rapidement et sans entretien et l’industrie du papier l’achète à bon prix.

« Si je n’avais pas eu de chance, ma maison était la prochaine à partir en fumée et moi avec. »

A une cinquantaine de mètres en contrebas de son habitation, une maison a été complètement détruite par les flammes et le feu progressait vers le haut de la colline. « Si je n’avais pas eu de chance, ma maison était la prochaine à partir en fumée et moi avec, la protection civile c’est la honte nationale de ce pays, j’ai vu deux camions de pompiers passer ici, pas plus, et ils sont arrivés bien trop tard », souffle-t-il.

Bob sur la tête et lunettes sur le nez pour se protéger du soleil alors que le thermomètre frôle les 40 degrés, Nazaré Martins erre dans les rues de Roda, inconsolable. « On entendait à la radio qu’il y avait 1 200 pompiers mobilisés mais où étaient-ils pour nous sortir de cet enfer ? Personne ici, on aurait tous pu y passer ! », s’insurge-t-elle en pleurs alors qu’un pick-up de la gendarmerie déboule dans la rue principale.

Les incendies qui se sont déclarés samedi soir ont fait une trentaine de blessés, dont un gravement brûlé, selon le dernier bilan de la protection civile. Opérée à une jambe en 2017, l’ancienne couturière de 71 ans est incapable de courir. Son fils travaillant pendant le week-end à Lisbonne, elle a aussi dû faire face à l’incendie en solitaire. « Le feu est arrivé en un instant », dit-elle, « je n’ai cessé d’arroser le dépôt de bois près de ma maison car je savais que si les flammes l’atteignaient j’étais condamnée ».

Au café du village de Cardigos, juste après Rodas, les conversations reviennent toujours aux pertes occasionnées par l’incendie, empreintes d’un sentiment de révolte. « Vous savez pourquoi les pompiers et les autorités ne viennent pas ici et laissent tout brûler ? Parce qu’ils pensent que les gens ne valent rien ! », s’emporte Joao Correia, éleveur de chèvres de 57 ans.

Plus de 1 700 pompiers ont été mobilisés contre les feux de forêt ce week-end, selon la protection civile, et leurs camions montrent qu’ils sont venus de toutes les régions du Portugal.

LQ/AFP