A une époque où l’hélicoptère est de plus en plus décrié dans le traitement des vignes, le domaine Laurent & Rita Kox et Luxaviation s’associent pour développer un projet pilote de pulvérisation à l’aide de drones. Mercredi, le troisième test s’est de nouveau montré concluant.
Le soleil cognait déjà fort, hier matin, sur les coteaux du Stadtbredimus Dieffert, un très bon terroir de la Moselle luxembourgeoise. Les manches de son t-shirt retroussées, Corinne Kox s’affairait à droite et à gauche, répondant aux questions qui venaient de toutes parts entre les collègues curieux venus jeter un œil et les opérateurs de ce drone qui accaparait toute l’attention.
« C’est une première en Europe! », se réjouissait la jeune vigneronne qui seconde son père au domaine et qui n’hésite pas à lancer de nouvelles initiatives. Les kvevris, ces jarres de terre cuite d’origine géorgiennes enterrées dans le jardin et dans lesquelles grandissent des vins à la forte personnalité : c’est déjà elle. Entre ces contenants héritiers d’une histoire vieille de 7 000 ans et ces drones de toute dernière génération, il n’y a rien d’autre que toute l’histoire de la viticulture!
Le projet pilote qui réunissait hier matin une petite assemblée vise à mesurer la pertinence de l’utilisation des drones dans la pulvérisation des vignes, un acte indispensable pour pouvoir récolter du raisin sous nos latitudes. Pour ce troisième vol, le premier véritablement utile à la vigne (lors du dernier, c’était de l’eau qui remplissait le réservoir), le domaine Kox avait utilisé des produits biologiques à base de soufre et de cuivre, « pour protéger les nouvelles feuilles des maladies », précise Laurent Kox. Il faut savoir que la maison de Remich, sans être certifiée bio, prend la protection de l’environnement très au sérieux (récupération et traitement naturel des eaux usées venant de la cave, installation de ruches dans les vignes…).
Mais d’où vient l’envie d’utiliser des drones dans la viticulture ? « L’idée de départ était de diminuer les applications et les doses de produits phytosanitaires, explique Corinne Kox. J’avais déjà vu que les drones pouvaient être utiles et l’Institut viti-vinicole avait déjà réalisé des essais. Je me suis dit que nous devions avancer sur cette question nous aussi ! »
Un vol au plus près des vignes
Les drones offrent plusieurs intérêts. Tout d’abord, ils volent au ras des vignes, entre 1 m et 1,50 m au-dessus des ceps. Guidé par les systèmes GPS et RTK (encore plus précis), le drone agit de manière chirurgicale. L’hélicoptère, lui, oscille entre 10 et 15 m. En cas de coup de vent, il n’est donc pas garanti que les produits arrivent pile sur les rangées visées. Sans compter la prise de risque que doivent prendre ces pilotes aux qualités exceptionnelles pour voler en épousant au maximum la forme des coteaux. De plus, le drone est parfait pour aller pulvériser après une bonne pluie, lorsque l’eau a transformé la terre en boue, une plaie pour les tracteurs qui risquent de glisser (et endommager les vignes) et qui compacteront la terre, ce qui est mauvais pour la microfaune de ces sols précieux. Et puis, effet bénéfique non négligeable pour les riverains, les drones ne font pratiquement pas de bruit, ce qui est loin d’être le cas des hélicoptères.
Le drone semble être une bonne idée, mais, réaliste, Corinne Kox constate dès le début qu’elle aura besoin d’un prestataire car le maniement de tels engins nécessite des compétences poussées et des certifications qu’elle ne possède pas. Elle sait aussi qu’elle n’aura pas le temps de les acquérir dans l’immédiat. Elle se tourne donc vers Luxaviation, un spécialiste d’à peu près tous les appareils volants.
« Corinne est arrivée au bon moment »
« Cela tombait bien, explique Manu Schmitz, en charge du dossier drone chez Luxaviation. Nous travaillions justement en interne sur le sujet : Corinne est arrivée au bon moment ! » Depuis avril 2018, l’opérateur étudie le marché des drones avec l’idée de profiter de son expertise et de son réseau pour mettre en place une nouvelle offre. Or, dans le domaine de l’agriculture, plusieurs tests effectués dans différents endroits sur le globe ont démontré tout l’intérêt de ces petits appareils volants commandés à distance.
L’idée de Luxaviation n’est donc pas de se limiter à la Moselle luxembourgeoise, mais de créer un service qui pourra être dupliqué à l’échelle de la planète. La société dispose déjà de bureaux un peu partout dans le monde et d’une forte crédibilité : elle est confiante. Tout n’est qu’une question de temps, semble-t-il. De nouveaux drones sont déjà commandés, plusieurs vignerons luxembourgeois manifestent leur intérêt pour les tester à leur tour et on imagine déjà plusieurs appareils traiter en même temps les mêmes parcelles. Dans un pays qui place la digitalisation et la troisième révolution industrielle chère à Jeremy Rifkin sur un piédestal, la Moselle tient son rôle à la perfection.
De notre collaborateur Erwan Nonet