Ce week-end, pour sa 26e édition, le festival de Contern fait une nouvelle fois la fête à la BD. Cinquante auteurs seront au rendez-vous, dont le président d’honneur, Pascal Bresson. Entretien.
Vous voici à nouveau présent à Contern. Vous allez y avoir vos habitudes !
Ça fait une dizaine de fois que je viens à Contern, pour le festival. Au fil des années, j’ai tissé des liens amicaux avec les membres de l’organisation. Et puis, franchement, ça fait du bien d’aller voir ailleurs. Ici, le salon est bien plus convivial que tant et tant en France. Les auteurs et les visiteurs ne viennent pas ici pour se montrer mais pour faire plaisir. Se faire plaisir.
On dit de Contern que c’est « le village de la BD »…
Et c’est pleinement justifié! Pendant deux jours, avec le festival de la BD, c’est la fête au village. C’est aussi le rendez-vous pour les amoureux des livres. Il y a la BD, des mangas, des livres pour les enfants… et aussi, des livres d’occasion. C’est génial! Il y a aussi des animations dans les rues, du théâtre. Pour les familles, c’est vraiment chouette!
Au fil de l’année, vous participez à de nombreux salons et festivals. Comment définiriez-vous, justement, celui de Contern ?
Pour le public au Luxembourg, c’est le rendez-vous de l’année. Il y a aussi parmi les visiteurs de nombreux Belges et Français. Je le répète, c’est un salon qui change des autres. Parce que les auteurs sont disponibles pour les lecteurs. C’est un salon où auteurs et lecteurs échangent, un salon pour tous les amoureux des livres dans un univers familial avec des enfants qui sont les lecteurs de demain.
Pour cette 26e édition, vous êtes le président d’honneur…
À ce titre, j’ai dessiné l’affiche – comme l’ont fait mes prédécesseurs à cette fonction. Pour celle-ci, j’ai mêlé un monument de Luxembourg, la forteresse Dräi Eechelen, et des personnages tirés d’un de mes albums, Jean-Corentin Carré, l’enfant soldat. J’ai fait don de la totalité de mon cachet pour l’affiche à une association luxembourgeoise qui s’occupe d’enfants malades – je sais que ce don n’est pas spécialement bien vu par nombre de mes collègues, mais qu’importe, quand on fait une bonne action, on n’attire pas nécessairement la sympathie… En tant que président d’honneur, je me dois d’être présent au salon pendant les deux jours et l’organisation m’a proposé d’inviter six auteurs de mon choix (voir ci-dessous).
Comment êtes-vous arrivé dans ce monde de la BD ?
Grâce au journal Tintin que je lisais chez ma grand-mère, à l’âge de 5 ans! Puis à 11 ans, j’ai découvert Tibet, le créateur du personnage de Ric Hochet. J’étais tout gamin, je l’ai rencontré à Reims, tellement intimidé que je n’ai pas osé lui parler. L’année suivante, toujours à Reims, il était à nouveau invité. Je suis arrivé avec mon uniforme de scout. Lui aussi, il avait été scout. Il s’est souvenu de moi – nous avons passé trois jours ensemble, il m’a donné des conseils pour le dessin… J’ai commencé dessinateur puis je me suis mis au scénario, j’étais coloriste aussi. Maintenant, je suis à fond dans les scénarios sur des sujets qui me parlent.
Parmi vos influences, vous citez René Follet, l’illustrateur et dessinateur de BD né à Bruxelles en 1931 avec qui vous avez signé deux albums, L’Affaire Dominici (2010) et Plus fort que la haine (2014).
Ah ! René… c’est mon « papa de métier ». Il est comme un père pour moi. Depuis que j’ai 15 ans, on s’écrit régulièrement. C’est une personne attachante, bienveillante. Un être sensible. De notre métier, il est le plus grand! S’il y a un Dieu, René Follet a sa place juste à ses côtés…
Où en est la BD aujourd’hui ?
La BD a évolué. La même chose que le cinéma quand a surgi la Nouvelle Vague dans les années 1960. Il y a eu de nouveaux réalisateurs, de nouveaux acteurs et actrices. C’est exactement ce qui se passe dans le monde de la BD. Maintenant, on n’a pas obligatoirement du beau dessin – c’est une façon de déculpabiliser certains qui ne savent pas dessiner! Mais c’est une catastrophe : je connais un dessinateur star qui se vante de faire des dessins en cinq minutes dans le train… Tout fonctionne par réseaux et connexions. Personnellement, j’ai 45 albums à mon actif, eh! bien, quand je fais une BD, je recommence à zéro. On me dit : « Oui, mais toi, tu es frustré, tu es jaloux. » Non, simplement, la BD est un métier laborieux et injuste. La BD, c’est un métier, pas un loisir!
Sur quels projets travaillez-vous ces temps-ci ?
Un album sur la navigatrice Florence Arthaud, première femme victorieuse de la Route du Rhum en 1990 et morte en 2015 dans un accident d’hélicoptère. Elle était un modèle de ténacité et d’opiniâtreté… Je travaille aussi sur l’histoire du couple Serge et Beate Klarsfeld. C’est un duo merveilleux qui a donné 45 ans de sa vie à la chasse aux nazis. Ce sont des gens simples et formidables. Et avec eux deux, je me suis lancé dans un travail titanesque – comme celui que je fais avec le livre consacré à Simone Veil.
Vous rappelez souvent les mots de Nelson Mandela : « Un stylo peut transformer une tragédie en espoir et victoire »…
Pour me guider dans ma vie, j’ai des mentors. Dont Martin Luther King. Et Nelson Mandela. Il a pardonné. Il a dit des mots sensés et vrais. C’est d’autant plus beau dans ce monde, dans cette société où l’espoir est de moins en moins flagrant…
De notre correspondant Serge Bressan
26e festival international de la Bande dessinée à Contern
samedi 20 et dimanche 21 juillet, de 10 h à 19 h
Les séances de dédicaces se termineront à 18 h
50 auteurs présents, 100 marchands pour une bourse des collectionneurs, des animations et des ateliers pour les enfants, 8 000 visiteurs attendus. À l’occasion du festival,le village de Contern sera fermé à la circulation. Les parkings (à la périphérie du village) seront gratuits, tout comme la navette qui amène de la gare de Sandweiler-Contern au festival à Contern.
Tarifs: pour les adultes, trois euros par jour; gratuit pour les moins de 12 ans. www.bdcontern.lu