Accueil | Sport national | Schumacher (F91) : « La fédération n’a encore rien compris au business »

Schumacher (F91) : « La fédération n’a encore rien compris au business »


Le président dudelangeois craint un retour du F91 "sur une route typiquement luxembourgeoise. C'est-à-dire sans grande ambition ni grande possibilité de progression". (photo Editpress/Gerry Schmit)

Avant le match retour à Malte contre le Valletta FC mardi (2-2 à l’aller), le président Romain Schumacher évoque le futur proche mais aussi à plus long terme de son F91.

Quelle importance a le match de ce mardi à vos yeux ?

C’est quand même un match de Ligue des champions qui donne accès au 2e tour. Donc, il est très important !

Mais si vous êtes éliminés mardi à Malte, ce sera une grosse déception ou du domaine de l’acceptable ?

Une déception acceptable, cela n’existe pas. Mais il faut être réaliste sur certaines choses. Les conditions dans lesquelles on évolue désormais sont très différentes. On possède une équipe talentueuse, mais beaucoup plus jeune, où il ne reste plus que quelques éléments actifs voici quelques semaines. On ne peut pas comparer avec la saison dernière, qui était, il faut encore une fois le rappeler, exceptionnelle. Et puis, on ne nous met pas non plus en position de répéter des performances comme celles de 2018/2019… Après, il y a aussi cet adversaire dont on a vu, au match aller, qu’il était « expérimenté ». On va donc essayer de passer et, sincèrement, on a vu la semaine dernière que c’était possible. Mais si ce n’est pas le cas, ce ne sera pas un drame non plus…

Certains vous rétorqueront que ce n’est que le Valletta FC…

Malte est un petit pays, tout comme nous. Mais comme je le disais, le Valletta FC est très expérimenté. On a bien vu qu’ils utilisaient toutes les ficelles du métier, qu’elles soient admises… ou non. Je me demande d’ailleurs à quel accueil nous allons avoir droit. C’est un peu la « mentalité du Sud ».

Vous voulez dire qu’on se sert de tout ce qui est possible pour déstabiliser l’adversaire, même le non-sportif ?

Au sein de l’ECA (NDLR : l’Association européenne des clubs, qui représente les intérêts des clubs de football en Europe), je côtoie des dirigeants maltais. Pas ceux de notre adversaire, mais d’autres représentants. Comme Birkirkara, un de ses grands rivaux, par exemple. On m’avait prévenu que cela risquait de ne pas être très « chaleureux », ni gentil et poli. Déjà, les échanges avaient été un peu compliqués… Et lors du dîner officiel, on va dire que j’ai été obligé de recadrer un peu leur président. De lui dire qu’on avait accueilli le Milan AC, Olympiakos ou le Betis Séville et qu’il était le seul à faire la tête. Après, il a un peu changé de mentalité.

Vous venez de dire qu’on ne vous « met pas non plus en position de répéter des performances comme celle de l’an passé ». Quand vous dites ça, vous parlez une nouvelle fois de la FLF ?

La saison dernière, on a peut-être eu quelques conditions favorables pour arriver dans les poules d’Europa League. Comme un Legia Varsovie qui n’était pas au meilleur de sa forme ou un Cluj un peu arrogant. Mais je pense qu’on ne reverra plus une telle performance d’un de nos clubs avant 30 ans. Même si nos clubs travaillent du mieux qu’ils peuvent, la fédération ne les met pas dans les conditions idéales pour « performer ». On peut même dire qu’ils sont délaissés. Elle ne pense qu’à une chose : aux deux ou trois points que l’équipe nationale va prendre dans ses qualifications… Elle n’essaie absolument pas d’améliorer les qualités structurelles et infrastructurelles de ses clubs. C’est du tourisme…

C’est un de vos grands chevaux de bataille…

Je ne parle pas de professionnaliser notre football. Contrairement à ce que peut prétendre parfois notre président, avec qui je m’entends par ailleurs bien malgré nos divergences d’opinion. Le Luxembourg est trop petit pour ça. Mais la taille et le fait de rester amateur n’empêchent pas de mettre en place certains éléments pour améliorer les choses. Prenez les infrastructures footballistiques des clubs au pays. Certes, Differdange a un nouveau stade depuis quelques années. Mais à part ça ? On ne fait rien ! Les clubs font des efforts de leur côté, mais derrière, rien ne change. C’est cette attitude que je n’apprécie pas.

Quand on voit tous les changements de cette intersaison, le nouveau staff, les 27 nouveaux joueurs ou retours de prêts, on se dit à Dudelange qu’on vise quoi pour cette saison ?

On vise à mettre en place une équipe qui est toute nouvelle mais composée avec des joueurs de talent. Et qui peut évoluer à un niveau intéressant.

Et vous entendez quoi par « intéressant » ?

Moi, je veux toujours être champion. La finalité, c’est de viser ce titre.

Votre principal investisseur, Flavio Becca, avait laissé entendre qu’il se désinvestirait du F91, mais, au final, on sent bien qu’il est toujours derrière votre nouvelle équipe. Comment avez-vous vécu cette intersaison ?

Connaissant Flavio Becca depuis 20 ans, je savais qu’il n’était pas homme à nous laisser tomber du jour au lendemain. Mais nous avons changé de cap. La saison dernière a été le summum de ce que le foot luxembourgeois peut vivre. Personne n’ira jamais plus loin. Pourquoi pas donc, dans la foulée, commencer un nouveau cycle. Notre « sponsor principal », qui investit aussi à Virton, à Kaiserslautern et au Swift, est parti sur une voie différente de ce qu’on connaissait avant, avec le départ de certains joueurs dudelangeois et l’arrivée donc de nombreux jeunes talents.

Vous voyez Dudelange comme un club qui pourrait à l’avenir préparer ces jeunes talents pour les voir ensuite dans les autres clubs où on retrouve Flavio Becca ?

Cela pourrait devenir ça, oui. Mais on peut aussi voir ça de manière différente. Un investisseur comme Flavio Becca, comme d’autres au Luxembourg à l’image du Fola, du Progrès…, a mis pas mal d’argent dans une affaire ces dernières années. Et aujourd’hui, il va sortir petit à petit de cette affaire. Parce qu’il a été déçu, comme il l’a dit, par la commune de Dudelange mais aussi en raison du peu d’évolution de notre football. Il ne faut pas se voiler la face. Et cela risque de replacer le F91 sur une route que je qualifierais de typiquement luxembourgeoise. C’est-à-dire sans grande ambition ni grande possibilité de progression.

On en revient à votre cheval de bataille contre la politique de la FLF…

La finalité de ce qui se passe est simple : le Luxembourg, sur le plan footballistique, n’est pas intéressant pour les investisseurs. Et là, je ne parle évidemment pas de grosses machines comme on peut voir au PSG ou à Manchester City. Mais plutôt de celles que j’évoquais avant. Et ce, alors qu’on pourrait faire tellement plus. Et à ce niveau-là, la fédération n’a encore rien compris au business.

Entretien avec Julien Carette