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75 ans de la loterie nationale : « Nous vendons du rêve pour la bonne cause »


Alors que la Loterie nationale affiche des chiffres record, son directeur, Léon Losch, en défend le caractère caritatif. Ce principe est menacé par le système illégal des 1 200 machines à sous, installées dans les cafés. (Photo LQ/Isabella Finzi)

Léon Losch, 52 ans, a fait entrer la Loterie nationale dans l’ère moderne. Le directeur a étoffé la gamme des jeux de tirage et de grattage de l’institution qui va fêter ses 75 ans, pour attirer le plus de joueurs possible au profit de l’Œuvre nationale de secours Grande-Duchesse-Charlotte, et ce malgré la concurrence déloyale des machines à sous dans les cafés et une érosion annoncée des joueurs.

La Loterie nationale fêtera ses 75 ans en 2020. Quelle est son origine?

La création de la Loterie nationale est consécutive à celle de l’Œuvre nationale de secours Grande-Duchesse-Charlotte créée après l' »offensive Von Rundstedt » pendant la bataille des Ardennes par la Grande-Duchesse Charlotte. Notre souveraine avait pressenti que la guerre touchait à sa fin et qu’il faudrait reconstruire le Luxembourg. Une quête a été réalisée à l’occasion de son anniversaire, le 23 janvier 1945, auprès des citoyens qui travaillaient. On leur a demandé de donner une journée de salaire. Cela a permis de rassembler beaucoup d’argent. L’opération a été répétée deux ou trois fois, mais on ne pouvait pas indéfiniment prendre de l’argent aux gens. Le 13 juillet 1945 a été créée la Loterie nationale. Le premier tirage a eu lieu en octobre. Le but de la Loterie nationale était clair : faire rêver les gens et les ramener à la normalité du quotidien tout en récoltant de l’argent.

Qui sont les bénéficiaires de l’argent récolté ?

Les premières années, des gens ont reçu des aides directes. Les pupilles de la nation, par exemple. Certains sont toujours en vie et continuent de percevoir une rente mensuelle. Puis les bénéficiaires ont changé. Il y a eu la Croix-Rouge, la Fondation Caritas, le Comité olympique et sportif, entre autres, sans oublier un montant conséquent qui va à des projets à la suite d’appels à projets. Ils peuvent être culturels, environnementaux, sociaux. Le dernier en date était le projet « mateneen » qui vise une meilleure intégration des réfugiés. L’intégralité des bénéfices que nous faisons est remise à l’Œuvre. Rien ne va à l’État.

2018 a été une année record, d’après les chiffres cités dans votre rapport annuel.

Oui, mais il faut relativiser. La concurrence illégale nous pose problème, mais le fait est que nous ayons totalisé 104,3 millions d’euros, notre meilleur chiffre d’affaires jamais réalisé, ainsi que le meilleur résultat net avec 24,185 millions d’euros. Ce montant a été remis à l’Œuvre nationale.

Vous avez évoqué la concurrence que vous subissez. Sous quelle forme se présente-t-elle?

Notre concurrence majeure vient d’internet. Je ne pense pas qu’elle soit énorme, mais les sites proposant de fausses loteries se multiplient. Plus concrètement, il y a les 1 200 machines de jeux dans les cafés. Cette concurrence nous touche car les joueurs ne contribuent pas au bien commun. L’argent gagné va dans les poches des exploitants sans imposition. Ils peuvent ainsi payer plus cher leurs intermédiaires et augmenter les gains. Ce système, bien qu’illégal, perdure. C’est une concurrence déloyale car la manière de fonctionner n’est pas équitable. Nous n’aurions pas peur de concurrents qui jouent selon les mêmes règles que nous.

Les jeux d’argent ont toujours existé dans les cafés.

Oui, mais dès que de l’argent est misé, le jeu devient illégal. Ce n’est pas dramatique quand des clients jouent au bingo, mais quand des machines dignes des casinos sont installées dans les cafés qui peuvent causer la faillite de joueurs, ce n’est plus normal. On parle de sommes d’argent au moins aussi élevées que pour une loterie. Pour le moment, ces machines sont juste tolérées. Pour faire des affaires correctement, il faut se tenir à certaines règles. Une décision doit être prise.

Retrouvez l’intégralité de cette interview par Sophie Kieffer dans notre édition du 8 juillet 2019.