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Une officine de faux documents pour demandeurs d’asile et détenus


Vérification de la validité de papiers d’identité par les hommes de la Police aux frontières (PAF). (Photo d’illustration Le Républicain Lorrain /Gilles Wirtz)

Interdit de gérer une société ? Pas un souci pour ce Messin bien implanté. Quelques entreprises écrans et un vrai savoir-faire dans les faux documents lui ont permis de développer une officine servant utilement les demandeurs d’asile et les détenus qui avaient besoin d’un emploi pour sortir de prison.

Il vient toujours un moment, au cœur d’une audience, où le tribunal correctionnel, voire la chambre de l’instruction, se transforme en succursale de Pôle emploi. Étonnant spectacle durant lequel les familles des prévenus ou des détenus extirpent de leur chapeau une offre d’emploi. C’est un atout dans le dossier lorsqu’on espère sortir de prison. Mais en vérité, les juges considèrent habituellement ces contrats de travail avec distance, pas sûrs de leur crédibilité.

On connaît aujourd’hui la provenance de certains de ces contrats…

La brigade de recherches mobiles zonale (BMRZ) de Metz a interpellé, la semaine dernière, un Mosellan qui tenait ce qu’on peut appeler une officine du document frauduleux. Il avait, dans son portefeuille clients, des proches de détenus en quête de liberté. Mais pas seulement. L’enquête menée par la police aux frontières, pendant près de deux ans, a révélé que ces faux documents favorisaient du travail dissimulé et une filière d’aide à l’entrée et au séjour irrégulier. Les demandeurs d’asile savaient à quelle porte frapper pour obtenir des papiers et des contrats de travail afin d’être régularisés.

Toutes les nationalités

Les clients venaient des Balkans, d’Afrique aussi, une dizaine de nationalités semblent concernées. Tous les chemins menaient à ce faussaire qui a été capable de tromper pendant quatre ou cinq ans les services de la préfecture, l’Urssaf (Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales) – dont le préjudice se monte à plus de 800 000 € –, la CPAM (Caisse primaire d’assurance maladie) et les impôts. Avant finalement qu’un signalement ne lance l’enquête judiciaire.

Le cerveau de l’affaire est un Messin connu des autorités judiciaires pour diverses malversations. Interdit de gérer des sociétés, il a pu monter son affaire en créant plus d’une dizaine d’entreprises de BTP, souvent des coquilles vides, et en plaçant à leur tête des hommes de paille. En arrière-plan, il continuait à tirer les ficelles. Un complice nancéien jouait le rôle de comptable. Chaque prestation était facturée au minimum 1 000 €.

Quid des personnes régularisées ?

Le principal mis en cause a été interpellé avec trois autres personnes, et mis en examen la semaine dernière par un juge d’instruction de Metz.

L’opération a « conforté la procédure. On a mis la main sur de nombreux documents frauduleux », indique une source. Se pose maintenant la question de l’avenir des personnes régularisées sur la base de ces documents.

Une trentaine de dossiers a déjà été identifiée. « Il y a en a sans doute beaucoup d’autres. Mais retrouver ces personnes s’annonce compliqué. »

Kevin Grethen/Le Républicain Lorrain