Réfugié en Suède, vendeur de canettes puis grimpeur sur l’une des plus grandes courses cyclistes du monde : le parcours atypique d’Awet Gebremedhin Andemeskel fait aussi la force de cet Érythréen, actuellement sur les routes du 102e Tour d’Italie.
Awet Gebremedhin porte les couleurs de l’équipe Israel Cycling Academy, et pointe après la 3e étape à la 175e et dernière place du général, en attendant les premiers cols, à déjà plus d’une demi-heure du leader slovène Primoz Roglic. A 27 ans, il espère pouvoir briller, pour son premier Giro, lors de la neuvième étape le 19 mai, un contre-la-montre finissant par une montée de 12 kilomètres.
Mais pas de pression, sa seule présence dans le peloton est déjà pour lui une belle victoire. « Je vais aborder le Giro comme si c’était une course normale. Je verrai au jour le jour, on ne sait jamais ce qui peut arriver », confiait-il avant le départ samedi à Bologne.
« Ça me semblait impossible »
Sa passion pour le cyclisme naît quand son père lui achète son tout premier vélo. Il a 12 ans et 15 kilomètres séparent son village natal, Kakebda, de son école. Très vite, ses qualités sont remarquées et il devient cycliste amateur. En 2013, il obtient un visa pour l’Italie et participe à Florence aux Championnat du monde espoirs. Mais plutôt que de rentrer en Érythrée, il se réfugie en Suède où vivent de nombreux compatriotes. Il reste cloîtré dans la maison d’un ami de peur de se faire expulser, en attendant que l’Office des migrations lui accorde l’asile. « Ce n’était vraiment pas facile. Je dormais très peu, moins de quatre heures par nuit, et je stressais beaucoup », raconte-t-il.
La Suède lui accorde le statut de réfugié en novembre 2015. Il se met alors à récupérer et recycler des bouteilles consignées pour s’acheter un nouveau vélo. « C’était très dur de m’y remettre après deux ans d’interruption, ça me semblait impossible », se souvient-il. Il finit par reprendre les courses en amateur, mais se retrouve rapidement sans contrat. Jusqu’en 2018, lorsque le team Israel Cycling Academy l’engage dans son effectif de développement, puis le promeut chez les professionnels juste avant le premier Giro de cette jeune équipe créée en 2014.
« Je réalise la chance que j’ai »
Selon son directeur sportif, le Finlandais Kjell Carlström, « Awet est très fort, et nous voulions lui donner l’opportunité de pouvoir évoluer et voir comment il se développerait en tant que grimpeur ». Il ne participe pas au Giro 2018. « C’était trop tôt pour lui. Mais cette année, il est prêt. Il a plus d’expérience, il a gagné beaucoup de courses, et il nous a montré de quoi il est capable au sein de l’équipe ».
Pour Awet, ce premier grand tour est l’opportunité de se faire enfin une place parmi l’élite. « C’est un rêve devenu réalité, je rêve de cette course depuis que je suis tout petit. Des fois, pendant l’entraînement, je me réveille et je réalise la chance que j’ai. Quand on a été au fond du trou comme moi, c’est incroyable de se retrouver là ».
Il est également très fier de représenter la Suède, où il vit depuis six ans dans la ville de Jönköping. « J’espère avoir la nationalité suédoise un jour. […] J’y suis vraiment heureux, et toutes les opportunités que j’ai eues, c’est grâce à la Suède ». En attendant de décrocher le sésame, il court sous les couleurs de l’Érythrée, conformément aux règlements de l’Union cycliste internationale.
LQ/AFP