« On peut aussi faire avancer une société grâce au jeu parlementaire », glisse Jean Asselborn au lendemain de la claque référendaire.
Que l’un des hommes politiques les plus populaires du Luxembourg ose, à demi-mot certes, critiquer le triple non peut surprendre. Après tout, cela pourrait être perçu comme une offense à la vox populi. Le référendum, cette expression directe de la volonté populaire, n’a pas abouti ? Les élus qui représentent le peuple pourront peut-être, eux, faire «avancer» la société… et le peuple récalcitrant.
La coalition ne dit pas autre chose lorsqu’elle estime qu’un gouvernement doit «parfois prendre les devants». Surtout lorsqu’il s’agit d’un référendum dont elle compare la portée au débat sur l’euthanasie ou le mariage gay.
Pour autant, est-ce que ce discours menace la démocratie luxembourgeoise ? Non : à aucun moment le ministre ne dit vouloir s’arroger des pouvoirs extraordinaires. Il rappelle seulement qu’il existe d’autres moyens pour agir, dont le jeu parlementaire. Mais surtout, ce discours est plutôt encourageant, car il prouve que le Luxembourg peut parfois prendre le risque d’une décision impopulaire.
Car si l’ensemble de la classe politique a eu raison de rappeler que le peuple est souverain, il faut aussi accepter son corollaire : le peuple a aussi le droit de se tromper. Le dénier n’est que pure démagogie, qui ne résiste à aucun livre d’histoire. Les citoyens, le peuple, la majorité, appelez cela comme vous voulez, ne font pas toujours honneur au «bon sens populaire». L’admettre ne revient pas à opposer le peuple aux élites. Mais à rappeler que le peuple, comme les politiques ou les médias, n’est pas infaillible.
Aujourd’hui, le Luxembourg a choisi le statu quo : rien ne changera pour les trois sujets du référendum. Les votants avaient leurs raisons – pas toujours en lien avec les questions posées d’ailleurs. Le gouvernement, lui, a pris une décision qu’il savait impopulaire, et que le «jeu parlementaire» et les prochaines élections pourraient sanctionner. L’avenir dira s’il avait tort.
Mais méfions-nous de ceux qui jurent que le peuple a toujours raison. Ce ne sont certainement pas les meilleurs alliés de la démocratie.
Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)