Les conservateurs au pouvoir au Royaume-Uni ont perdu des centaines de sièges aux élections locales, en raison principalement de la frustration liée au Brexit, ce qui augure mal de leur performance aux européennes prévues fin mai, selon les résultats provisoires vendredi matin.
Pour la même raison, l’opposition travailliste fait elle aussi pâle figure mais dans une moindre mesure, les centristes du Parti libéral-démocrate profitant visiblement de la situation.
Avec près de la moitié des bulletins dépouillés en Angleterre, cette claque aux deux principaux partis du pays révèle une frustration générale chez les Britanniques vis-à-vis du Brexit, qui aurait dû avoir lieu le 29 mars dernier mais a été repoussé au 31 octobre.
En début de matinée les conservateurs essuyaient une perte de 400 sièges et du contrôle d’une vingtaine d’autorités locales lors de ce scrutin organisé jeudi. Il vise à renouveler près de 9000 sièges dans près de 250 assemblées locales en Angleterre, principalement dans des zones rurales, et en Irlande du Nord.
Le Labour, qui aurait dû profiter de la fragilité du parti de la Première ministre, Theresa May, incapable de sortir le pays de l’Union européenne avec un accord près de trois ans après le référendum sur le Brexit de juin 2016, a échoué à capitaliser sur leur revers. Il perdait dans la matinée une soixantaine de sièges et le contrôle de trois autorités locales.
« Il semble que le message clé des électeurs aux conservateurs et aux travaillistes soit : ‘que la peste frappe vos deux maisons!' », a observé John Curtice, spécialiste des sondages interviewé par la BBC. Ces partis, qui avaient fait campagne à reculons pour ces élections, « ont perdu le plus de voix dans les zones où ils étaient les plus forts », soit le sud pour les conservateurs et le nord pour le Labour.
« Tremplin vers les européennes »
À Sunderland, située à 450 km au nord de Londres, où 61% des habitants avait voté pour la sortie de l’UE, le Labour a reculé même s’il continue à tenir la ville.
« J’ai perdu dix sièges à cause de la situation du Brexit », a déploré au micro de la BBC le travailliste Graeme Miller, fustigeant un Brexit qui « s’introduit et prend le contrôle » sur la politique locale.
Alors que des députés travaillistes ont soutenu l’organisation d’un second référendum sur le Brexit, dans l’espoir d’inverser le résultat du référendum de juin 2016, les habitants de Sunderland ont voulu montrer qu’ils « n’acceptaient pas » cette perspective, selon Graeme Miller.
Le district de Bath et North East Somerset, dans le sud-ouest de l’Angleterre, jusque-là conservateur, est tombé aux mains des libéraux-démocrates. « Ce que les électeurs nous disent sur le terrain est qu’ils ne peuvent plus faire confiance aux conservateurs à cause du Brexit », a déploré le chef conservateur de l’autorité locale Tim Warren.
Des résultats qui réjouissent en revanche les libéraux-démocrates, après plusieurs années difficiles dans les urnes, les électeurs les ayant punis de sa participation au gouvernement du conservateur David Cameron comme partenaire minoritaire de 2010 à 2015.
« Les électeurs ont clairement indiqué qu’ils ne faisaient plus confiance aux conservateurs mais ils refusent également de récompenser les travaillistes qui tergiversent sur le grand sujet du jour : le Brexit », a réagi leur chef de file, Vince Cable. « La montée du Lib Dem aujourd’hui est un tremplin vers les élections européennes », s’est-il félicité, rappelant la position anti-Brexit de son parti.
Ces résultats ne présagent en effet rien de bon pour les conservateurs et les travaillistes pour les européennes, prévues le 23 mai au Royaume-Uni si un accord sur le Brexit n’est pas adopté d’ici là : ils seront alors en compétition avec de nouveaux partis qui ont le vent en poupe et n’ont pas participé aux élections locales.
Le Parti du Brexit, mené par l’europhobe Nigel Farage, est ainsi donné favori par un sondage YouGov mi-avril, avec 23% des intentions de vote.
Le parti Change UK, composé d’anciens travaillistes et conservateurs, suscite un certain engouement avec quelque 3700 personnes ayant proposé de figurer sur ses listes aux élections européennes.
AFP