Les 25 ans écoulés depuis la mort de Kurt Cobain n’ont pas atténué la pertinence et la popularité de sa musique, célébrée dans un livre écrit par son ancien manager, qui offre ainsi son premier témoignage sur un artiste « hors du temps ».
« Il avait une sensibilité qui aidait les gens à se sentir moins bizarres, moins seuls », explique Danny Goldberg, qui est dans le milieu de la musique depuis les années 1960.
Auteur ou coauteur de tous les succès de Nirvana, Kurt Cobain s’est suicidé le 5 avril 1994 dans sa maison de Seattle, région du nord-ouest des États-Unis dont il était originaire, alors que le groupe grunge était devenu un phénomène mondial, en trois ans à peine.
« Son image dans les médias était un peu déformée et axée sur sa mort de façon disproportionnée, plutôt que sur sa vie et son œuvre », souligne celui qui s’est aussi occupé d’un autre groupe de rock indépendant, Sonic Youth.
Dans son livre, Serving the Servant : Remembering Kurt Cobain, publié cette semaine, Danny Goldberg évoque un musicien en avance sur son époque, personnage mélancolique à l’esprit vif et à la grande humanité.
« Sa voix avait une âme incroyable », dit-il, « et transpirait la vulnérabilité et l’intimité comme rarement ».
Pour lui, la musique de Kurt Cobain continue de parler à une génération née après sa mort, dans le monde entier.
« C’est l’un des quelques artistes dont l’œuvre est hors du temps », considère Danny Goldberg, qui a rencontré le guitariste et compositeur américain en 1990, un an avant la sortie de l’album Nevermind, qui allait placer Nirvana sur orbite.
Une autre image du rock
Le groupe allait faire décoller le phénomène grunge, un mouvement musical mais aussi vestimentaire et, plus largement, culturel.
Une ascension fulgurante, stoppée brutalement par le suicide du chanteur blond aux yeux bleus à 27 ans.
« Je n’ai aucune idée de ce qui a déclenché le désespoir de Kurt durant ses dernières semaines », admet l’ancien manager. « Peut-être qu’il y a une cristallisation de la dépression qui le tourmentait depuis longtemps ».
« Je n’ai plus la passion, donc souvenez-vous, mieux vaut brûler d’un coup que se consumer à petit feu », a écrit Kurt Cobain sur le mot qu’il a laissé à ses côtés lorsqu’il s’est suicidé, citant le titre My My, Hey Hey (Out of the Blue) de Neil Young.
Danny Goldberg a écrit son livre pour célébrer un artiste, « un génie musical », qui mérite davantage que l’évocation récurrente de sa dépression ou de son addiction à la drogue.
Il veut aussi détacher le personnage de son image d’adolescent attardé, cette fausse nonchalance qui « masquait un esprit très sophistiqué », assure celui que Cobain appelait son « second père ».
« J’ai toujours su qu’il y avait une profondeur derrière cette énergie et ces sensations avec lesquelles il jouait », dit Danny Goldberg. « Cela allait plus loin qu’un grand refrain, même s’il écrivait effectivement de grands refrains ».
En montrant de la fragilité, Kurt Cobain rompait aussi avec une certaine vision du rock, souligne l’ex-manager, et a contribué à « redéfinir la masculinité » dans le monde de la musique.
« Il pouvait être puissant et fascinant mais aussi sensible et attentionné en même temps », explique celui qui a également collaboré avec Led Zeppelin, au début de sa carrière.
Il raconte que lors d’un concert en Argentine, Cobain avait refusé de chanter le tube Smells Like Teen Spirit après que le public a hué le groupe Calamity Jane, entièrement composé de femmes, qui assurait la première partie de Nirvana.
« Il était attaché à un idéal féministe et au respect de tous, un credo antimacho », résume Danny Goldberg, qui rappelle que le chanteur a également défendu publiquement les droits de la communauté LGBT. « Il proposait une version vraiment alternative de ce que voulait dire être une rock star ».
AFP