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L’industrie est devenue le talon d’Achille de l’Allemagne


"Il faut armer l'économie allemande et européenne pour l'avenir", exhortait encore jeudi le ministre conservateur de l'Économie, Peter Altmaier (au c.), promoteur depuis des mois d'une politique industrielle ambitieuse. (photo AFP)

Fleuron historique de l’Allemagne avec ses berlines et machines-outils prisées dans le monde entier, l’industrie traverse une période de turbulences, face au ralentissement généralisé et à d’impératives mutations.

Le plongeon des commandes industrielles allemandes dévoilées jeudi, en baisse de 4,2% sur un mois en février, a suscité une volée de commentaires consternés, tant ce baromètre de l’activité est scruté de près.

« Ces chiffres sont tout simplement affreux », résume Carsten Brzeski, de la banque ING, évoquant une publication d’autant plus « douloureuse » que les analystes espéraient voir cet indicateur rebondir.

La tendance est encore plus édifiante sur la durée, puisque les commandes industrielles ont « reculé de près de 10% par rapport à leur niveau de la fin 2017 », calcule Dirk Schumacher, de Natixis.

L’industrie fléchissait déjà en 2018, plaçant la première économie européenne au bord de la « récession technique », avec un recul de 0,2% de son produit intérieur brut au troisième trimestre suivi d’une stagnation au quatrième.

Mais le gouvernement mettait alors en avant des facteurs transitoires : la sécheresse, qui a pénalisé les livraisons fluviales de l’industrie chimique, et la désorganisation des constructeurs automobiles face aux nouvelles normes antipollution.

Chine et Brexit 

« Allemagne, il faut qu’on parle », plaisantait jeudi sur Twitter Frederik Ducrozet, stratégiste chez Pictet Wealth Management, pour qui cette « série de chocs » ne suffit plus à expliquer la faiblesse persistante de l’industrie.

Pour lui, le pays demeure « surexposé au commerce mondial » et sa puissance à l’export, qui lui a permis d’empiler les excédents commerciaux record ces dernières années, lui revient désormais en boomerang.

Dans les chiffres de février, le plus alarmant vient clairement des commandes industrielles hors zone euro (-7,9%), puis de la demande des autres pays de l’union monétaire (-2,9%), tandis que la demande intérieure résiste mieux (-1,6%).

« L’explication vient probablement de Chine », estiment les économistes de Commerzbank, pendant que ceux de LBBW mettent en avant « l’incertitude entourant le Brexit ».

Dans tous les cas, le risque augmente d’un « recul du PIB » allemand au premier trimestre, selon Commerzbank, directement lié à une probable « nouvelle chute de la production industrielle sur la période ».

Les principaux instituts économiques allemands, dans leur diagnostic commun, tablent d’ores et déjà sur 0,8% de croissance cette année en Allemagne, une révision drastique par rapport au 1,9% pronostiqué à l’automne dernier.

Préparer l’avenir 

Certes, les derniers indicateurs d’activité chinois comme américain donnent des signes de rebond, qui devraient « finir par se refléter dans les données industrielles allemandes », nuance Natixis.

L’Allemagne peut par ailleurs compter sur la robustesse de son marché du travail, qui affiche un taux de chômage insolent de 4,9% et soutient la demande intérieure, devenue le moteur économique du pays.

Mais les craintes entourant l’industrie allemande vont au-delà des fluctuations conjoncturelles, portant plutôt sur sa capacité à rester aussi compétitive qu’aujourd’hui.

« Il faut armer l’économie allemande et européenne pour l’avenir », exhortait encore jeudi le ministre conservateur de l’Économie, Peter Altmaier, promoteur depuis des mois d’une politique industrielle ambitieuse.

Son collègue social-démocrate des Finances, Olaf Scholz, se fait plutôt le garant de l’équilibre budgétaire, sujet sensible dans un pays vieillissant, pendant que de nouvelles voix s’élèvent chaque jour pour réclamer plus d’investissements publics et privés.

Outre le passage de l’industrie automobile à la motorisation électrique, coûteuse en emplois, l’Allemagne doit rattraper son retard dans l’intelligence artificielle et dans les infrastructures numériques.

Le pays, déjà contraint de réviser ses ambitions climatiques, se prépare de surcroît à organiser l’abandon du charbon à l’horizon 2038, défi considérable pour une économie aussi gourmande en énergie.

AFP