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Les « Gilets jaunes » de Longwy voient passer la caravane du ministre…


Plus de quatre mois après les premières manifestations, les «Gilets jaunes» restent mobilisés.(Photo d'illustration : AFP)

A Villers-la-Montagne, «Gilets jaunes» et syndicalistes ont manifesté jeudi devant la permanence du député local. Non loin de là, se trouvait le ministre de l’Agriculture…

Ils ne lâchent rien, évidemment. Quand ils ne sont pas sur les ronds-points ou dans les manifestations du samedi, ils vont troubler la quiétude de l’élu marcheur du coin.

Xavier Paluszkiewicz est député LREM de la 3e circonscription de Meurthe-et-Moselle et ancien maire de Villers-la-Montagne, commune de 1 500 habitants au sud de Longwy. Jeudi, en fin d’après-midi, un groupe de «gilets jaunes» rejoint par des militants de la CGT (en gilets rouges) et de la FSU, premier syndicat d’enseignants en France, sont allés dire leur indignation et colère devant la permanence et le domicile du député. Les raisons de cette convergence? «La répression généralisée que met en place le gouvernement Philippe-Castaner face aux revendications populaires», indique la motion lue à haute voix et distribuée par un militant CGT avant d’être démocratiquement approuvée par les manifestants.

Ils ne sont pas bien nombreux, moins d’une trentaine. Pour un jour de semaine dans ce village du Pays-Haut, c’est déjà pas mal. Et puis c’est aussi ça les «gilets jaunes», des actions ponctuelles menées par de petits groupes confluant au gré des réseaux sociaux et de l’agenda de chacun.

Le devoir de réserve des enseignants

Il y a pas mal de retraités, mais pas seulement. Le cégétiste qui parle est peut-être un ancien de la sidé. Il s’adresse symboliquement au député absent : «Le 23 mars à Nice, Geneviève Legay, 73 ans, qui brandissait un drapeau pour la paix, a été gravement blessée par une charge de police. Fracture du crâne et coma de plusieurs heures… sans oublier les commentaires ignobles de votre président, souhaitant à cette dame plus de responsabilité et de sagesse !»

«C’est effrayant, toute cette violence, on a l’impression qu’on glisse peu à peu vers une dictature», chuchote une enseignante.

Une représentante de la FSU appelle à l’attention de chacun. Elle s’insurge : «Le ministre de l’Éducation nationale veut renforcer le devoir de réserve des enseignants pour les réduire au silence et sanctionner ceux qui donnent leur avis sur l’institution ou la politique du ministère. Nous ne pourrons même plus expliquer aux parents pourquoi nous faisons grève quand c’est le cas.»

Quelqu’un a tagué à la peinture blanche le nom de Geneviève Legay sur la chaussée, face à l’entrée de la vaste demeure de l’élu. Ça ne plaît pas trop à l’officier de police qui surveille de près le rassemblement avec une dizaine de ses collègues. C’est interdit, dit-il. «Et sur les routes du Tour de France aussi c’est interdit ?», lui lance une manifestante. Bon, passons…

Appel à voter aux europeénnes

C’est autour de Mathieu de prendre la parole. Il est fédérateur des «gilets jaunes» du bassin de Longwy : «C’est bientôt les élections européennes et j’appelle tout le monde à voter. Votez pour qui vous voulez, mais votez car une abstention c’est une voix pour Macron, un vote blanc c’est une voix pour Macron. Je sais bien que de l’extrême gauche à l’extrême droite, aucun parti ne représentent nos revendications. Alors il faut aussi arrêter de torpiller les « gilets jaunes » dès qu’il essayent de monter une liste.»
En juin 2017, le député marcheur Xavier Paluszkiewicz a été élu au second tour des élections législatives contre un candidat de la France insoumise, mais avec 65 % d’abstention.

Patrick enchaîne : «Nous devons définir nos priorités et le RIC, le référendum d’initiative populaire, est au cœur de nos revendications. Si on a le RIC, le reste suivra.» Le débat s’engage, les idées fusent, se contredisent… La démocratie exprime sa vitalité, là sur un bout de trottoir dans le jour déclinant d’un village de Meurthe-et-Moselle. Loin des professionnels de la politique.

Attention, le ministre arrive !

Enfin pas tout à fait. Didier Guillaume, le ministre de l’Agriculture, était justement en déplacement non loin de là, à Villers-le-Rond, petit village de 100 habitants, où il a inspecté la clôture mise en place contre la peste porcine. Et son convoi déboule à toute berzingue sur l’artère où sont rassemblés les manifestants.

Un policier s’avance, fait reculer tout le monde. C’est qu’il est dangereux de vagabonder de trop près la route quand passe un ministre. Et à dire vrai, la caravane de celui de l’Agriculture n’avance pas à l’allure du tracteur. Une quinzaine de véhicules, berlines, minibus, motos passent à la vitesse de l’éclair, tous gyrophares clignotants.

«Et le député, il est aussi dans le convoi?», demande un jeune manifestant. En tout cas, il n’est pas venu à la rencontre des manifestants devant son domicile. Il n’est pas venu échanger ni rendre compte de sa politique. Et c’est bien là le problème.

Fabien Grasser