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La guerre des GAFA est déclarée


Les quatre mastodontes partagent désormais une ambition : chacun entend devenir la plateforme d'accès à tous les services numériques. (photo AFP)

Ils détestent être rassemblés sous un même acronyme, pourtant les « GAFA » se ressemblent de plus en plus dans leur volonté de conquête : à force d’annoncer de nouveaux services, Google, Apple, Facebook et Amazon se lancent dans des batailles frontales à l’issue incertaine.

« Jusqu’à présent ils avaient suffisamment d’espace de développement pour aller piquer des clients à la grande distribution, aux éditeurs de logiciels, aux agences de publicité… », explique Cyril Vart, vice-président exécutif de la société de conseil Fabernovel, spécialisée dans le secteur numérique.

« Mais aujourd’hui c’est de plus en plus difficile en restant chacun dans son couloir. Donc ils vont commencer à se taper dessus pour avoir plus de parts d’attention et de porte-monnaie. La guerre entre les GAFA va commencer », ajoute-t-il.

D’abord connus l’un pour son réseau social, l’autre pour son moteur de recherche, le troisième pour la vente en ligne et le quatrième pour ses téléphones, les géants américains se sont diversifiés au point d’être quasiment tous présents sur une dizaine de territoires de plus en plus étendus: publicité, assistants numériques (avec intelligence artificielle), informatique dématérialisée (cloud), technologies de paiement, contenus (vidéo et/ou musique), objets connectés, localisation, réalités virtuelle et augmentée…

Ce mois-ci, Google a annoncé le lancement prochain de Stadia, une plateforme qui permet de jouer à des jeux vidéo directement en ligne grâce à la puissance du « cloud ».

Apple va passer à la vitesse supérieure sur les jeux vidéo, son portail de presse, les paiements (avec une carte de crédit sans frais) et le streaming vidéo (Apple TV+, copié sur le modèle de Netflix).

Écosystèmes fermés 

Les quatre mastodontes partagent désormais une ambition : chacun entend devenir la plateforme d’accès à tous les services numériques.

« Aujourd’hui toutes les expériences sont connectées entre elles, dans des sortes de grands filets, de grands écosystèmes », analyse Roberta Cozza, directrice de recherches chez Gartner.

Une logique qui n’a pas d’incarnation plus aboutie que WeChat, la messagerie tentaculaire de Tencent, omniprésente dans la vie des Chinois aussi bien pour communiquer que payer, jouer ou s’informer.

« Facebook est en train de faire WeChat », estime Cyril Vart. « Il va réintégrer tous ses usages dans une seule application, (…) et ainsi de recréer un ‘walled garden’ (univers fermé), dont ses utilisateurs ne sortiront pas. »

Si les activités originelles de ces grandes firmes représentent encore l’écrasante majorité de leurs revenus, leurs croissances ralentissent, voire s’inversent dans le cas de l’iPhone d’Apple (60% de son chiffre d’affaires total en 2018, en baisse de 5%).

Or les GAFA, tout puissants qu’ils soient, ne sont pas à l’abri d’un déclin brutal. « Le réseau social Myspace n’existe plus. Yahoo, qui dominait la recherche et les informations, est sorti du radar. Sans parler des smartphones de Nokia », énumère Tom Morrod, directeur de recherches en technologie grand public au cabinet IHS Markit.

Image 

« L’arrivée d’un nouvel entrant suffisamment novateur peut retourner une situation très rapidement », continue l’analyste, persuadé que dans le secteur des plateformes en ligne (comme Netflix ou les réseaux sociaux), un ou deux vainqueurs finissent par rafler l’essentiel de la mise.

Chaque société mène en parallèle une campagne d’image féroce. Apple se pose en modèle de la protection des données, en offrant des garanties contre le suivi et le ciblage des utilisateurs de ses services par les annonceurs.

Google entend conserver une longueur d’avance dans toutes les innovations, Facebook assure vouloir simplement nous aider à mieux communiquer, et Amazon aimerait ne plus être considéré comme un « GAFA » – notamment vis-à-vis des régulateurs nationaux – partant du principe que la logistique est un métier très implanté de façon physique, et non pas seulement numérique.

« Sur le court terme, les GAFA vont rivaliser sur la disponibilité, la qualité et les prix, ce qui va bénéficier au consommateur. Mais sur le long terme, les entreprises vont vouloir générer des profits, et il y aura moins de compétition », prédit Tom Morrod.

« La guerre des quatre dominants va laisser de la place aux plus petits », espère de son côté Cyril Vart. « Les GAFA veulent être les infrastructures généralistes, avec des films et de la musique en robinet. C’est une bonne nouvelle pour les industriels européens, pour les produits de luxe ou les marques spécialisées, qui jouent sur l’émotionnel ».

AFP