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[Cinéma] « Sawah », autofiction délurée dans un Luxembourg alternatif


Le temps d'un coup de fil, Samir, alias DJ Skaarab, se retrouve embarqué dans une galère parmi des migrants illégaux. (©Riyadh Almajmas)

Le nouveau film d’Adolf El Assal, Luxembourgeois d’origine égyptienne, est sorti mercredi en salles. « Sawah » navigue entre autofiction délurée et film à fond géopolitique. Pas mal du tout.

Au Caire, la jeunesse dorée d’Égypte fait la fête sur les bords du Nil. Elle boit, danse et s’amuse pendant que Samir, alias DJ Skaarab, lance ses bits et ses scratchs. On se croirait dans We Are Your Friends, le film de Max Joseph avec Zac Efron et Emily Ratajkowski. La caméra est au plus près des personnages, elle bouge, danse presque, et le montage est aussi rythmé que l’électro qui sort des haut-parleurs.

Skaarab gagne le concours. Il partira dans les prochains jours à Bruxelles pour se confronter à la crème de la crème des DJ mondiaux lors du «Drop Beats». Il a à peine le temps de recevoir sa récompense que la police coupe le jus, débarque en force, disperse les jeunes et arrête Skaarab. Il n’est pourtant que 23h !

Il sera libéré le lendemain et pourra partir dans les temps, direction l’Europe. Pourtant, chez lui, la colère de la jeunesse gronde et des manifestations géantes commencent. Son meilleur ami et sa copine photographe, qui étaient censés voyager avec lui, préfèrent donc rester sur place pour vivre ce moment qu’ils sentent historique. Samir va donc se retrouver seul en Belgique. Enfin, presque…

Les conditions climatiques dans la capitale belge font que son avion atterrit finalement à Luxembourg. Le reste du voyage se fera en bus. Celui-ci s’arrête à la station de Capellen, pour une courte pause pipi – seul moment pas vraiment crédible dans le récit, puisqu’ils viennent de partir –, mais bref.

Le Luxembourg des petites magouilles

Alors qu’il descend du véhicule pour téléphoner, un groupe de migrants illégaux descend d’une camionnette juste à côté. La police débarque et embarque tout le monde. L’Égyptien est aussi arrêté dans la cohue. Ses affaires étant restées dans le bus et le bus étant parti dès les premières échauffourées, il se retrouve sans ses affaires et sans ses papiers.

Il repasse donc par la case prison. Enfin presque. Après la garde à vue, il est présenté à une assistante sociale qui elle-même, occupée et sans lits disponibles dans les centre d’accueils, le laisse sous la garde de son ami Dan qui tient un food truck d’ «authentic world food» et vit de nombreuses petites magouilles. Autant dire qu’il n’est pas près de voir Bruxelles.

Au contraire, des boîtes miteuses du quartier de la Gare aux friches industrielles, Samir va découvrir un Luxembourg alternatif à celui des touristes ou du milieu de la finance. Ce Grand-Duché-là est habité par une population étonnante et bigarrée, faite de gens venus des quatre coins du monde et parlant toutes les langues, ou presque.

Le film est dynamique sans être énervé, léger tout en proposant une seconde lecture plus profonde : situation des migrants, des réfugiés, Printemps arabe, laissés-pour-compte dans un pays riche, progressisme contre tradition, etc. Un film bien fichu, maîtrisé.

Sans être un grand film, Sawah se regarde avec plaisir grâce à son casting étonnant et de qualité, un rythme sans aucun temps mort et son mélange réussi entre légèreté et profondeur.

Pablo Chimienti