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Un père accusé de viols par ses filles : « Si tu en parles, je vais tuer ta mère »


Récit douloureux à la barre, mercredi. Les larmes ont coulé à flots dans la petite salle d'audience. (illustration Fabienne Armborst)

En larmes, les sœurs ont raconté mercredi après-midi comment leur père les avait violées plusieurs années durant. L’aînée avait déposé plainte en 2012.

« Je ne veux pas me souvenir de tout cela. » Les larmes ont coulé à flots dans la petite salle d’audience. À la barre, les sœurs qui accusent leur père, âgé aujourd’hui de 62 ans, de les avoir abusées pendant de longues années.

La cadette, âgée aujourd’hui de 24 ans, aura littéralement éclaté en sanglots au moment d’aborder les faits dont elle raconte avoir été victime en 2008 : «C’était un jour où j’étais malade… J’ai crié. Mais à la maison il n’y avait personne. Il a commencé avec les attouchements…»

«Je conviens que la procédure n’est pas très agréable. Mais vous devez expliquer plus en détail ce qui s’est passé. Vous savez que votre père conteste tout», a fini par intervenir la présidente. Pour la qualification pénale des faits, les juges doivent en effet savoir s’il y a eu pénétration, non-consentement, violence…, bref chaque détail a son importance.

«La chambre était fermée à clé. Je n’ai rien pu faire. Et il m’a menacée en disant : ‘Si tu en parles à quelqu’un, je vais tuer ta mère, tes frères et sœurs’», reprendra la jeune femme, confirmant le viol, après que son avocat lui eut passé un mouchoir pour essuyer ses larmes.

À l’entendre, cela n’en est pas resté à ce fait unique. Quelques années plus tard aux Philippines, il aurait de nouveau essayé de l’approcher, mais elle se serait sauvée. Une autre fois, elle aurait vu, alors qu’elle dormait dans la même chambre que sa sœur, comment cette dernière avait été victime d’attouchements. «J’ai essayé d’oublier», répètera plusieurs fois la jeune femme à la barre. Malgré les menaces proférées par son père, elle aurait fini par se confier à sa grande sœur.

C’est l’aînée du trio qui avait fini par porter plainte au printemps 2012 au Luxembourg. Elle aussi aura raconté son calvaire la voix pleine de sanglots. La trentenaire situe le premier fait à l’été 2006, soit quelques mois après son arrivée au Grand-Duché. À l’époque, elle avait quitté avec ses deux sœurs et son frère les Philippines pour rejoindre leur père qui avait refait sa vie au Luxembourg. Le but aurait été qu’ils aient une «meilleure vie». Comme elle était majeure, elle en aurait profité pour suivre des cours de langue. Et son frère et ses sœurs, aussi, pour pouvoir aller à l’école.

Le retour aux Philippines

Mais très vite cette «meilleure vie» aurait chaviré. À l’âge de 19 ans, alors que sa belle-mère était partie avec ses deux sœurs en Belgique, son père en aurait profité pour la violer. Ce n’aurait été que le début d’une longue série d’autres abus.

Son père aurait tout fait pour la garder éloignée de ses deux sœurs afin qu’elle ne puisse pas leur parler : «Mon père était un très bon manipulateur.»

Elle n’a pas su indiquer le nombre de faits à la chambre criminelle. Tout ce qu’elle sait, c’est que «c’était trop» pour elle. Voilà pourquoi elle aurait tenté de se suicider à l’aide de cachets. Elle aurait également dû avorter. Son père aurait fini par l’envoyer aux Philippines pour étudier. Un autre moyen pour qu’elle ne se confie à personne…

N’empêche qu’elle était régulièrement retournée au Grand-Duché pendant les vacances. «Pourquoi ? N’aurait-il pas été plus sûr de rester là-bas ?», voulait savoir la présidente. De nouveau elle a évoqué l’emprise du père : «Je ne pouvais pas dire ‘Je ne viens pas’. ‘Il aurait mes sœurs’, disait-il.» D’ailleurs, ses voyages aux Philippines n’auraient pas été un hasard : «Il venait pour moi…»

Lors de l’instruction, il s’était avéré que les sœurs avaient tenté de tuer leur père aux Philippines en mai 2012. Ce soi-disant acte de vengeance n’aura pas été abordé mercredi. «Vous êtes entendue sous serment. Vous n’avez pas besoin de vous incriminer», l’a avisée la présidente. Pour rappel, cette tentative de parricide fait l’objet d’une autre procédure. Si la procédure aboutit, ce sont les sœurs qui se retrouveront sur le banc des prévenus.

Suite du procès ce jeudi après-midi.

Fabienne Armborst