Confidences sans retenue du chanteur français Dominique A au Quotidien, avant sa venue à la Kulturfabrik, samedi.
L’année 2018 a vu la sortie de deux albums, l’un electro-pop (Toute latitude), l’autre acoustique (La Fragilité). En quoi cette double production se justifiait-elle?
Dominque A : Depuis quelques années, dans l’industrie de la musique, les règles sont bouleversées. Les jeux sont ouverts! J’étais dans une humeur, disons, de « productivité » frénétique. Une sorte d’immersion totale devant, par après, me contraindre à un certain retrait. J’ai tendance en effet à être assez boulimique de travail, assez boulimique d’art par ailleurs, au point presque d’en parvenir au dégoût… Finalement, se dégoûter soi-même de ce qu’on fait, pour se poser un peu, moins être dans cette course effrénée, prendre de la distance.
Et ça marche?
Non, pas vraiment (il rit). Je suis dégoûté de rien du tout! Je peux éventuellement dégoûter les autres de ma trop grande présence. Ce qui m’amène, encore une fois, à ce retrait, à ce silence…
Justement, le public-a t-il suivi cette double « humeur »?
C’était contrasté pour le premier disque : certaines personnes n’ont pas accroché à son aspect plus électronique, plus trituré, très « up tempo », probablement parce qu’ils se retrouvent mieux dans des albums de chansons, classiques, feutrés… Le second, lui, a été globalement bien accueilli. Disons qu’il était la pièce manquante : c’était même devenu problématique, car j’avais la sensation de n’avoir pas tout délivré sur le premier disque. Maintenant qu’ils sont côte à côte, ça a du sens! C’était une erreur de ne les avoir pas sortis au même moment. Mais aujourd’hui, les salles sont pleines. C’est que la réception, dans son ensemble, a été bonne. (…)
Vous avez eu 50 ans fin 2018, au même moment où est sortie votre biographie (Ma vie en morceaux). Est-ce une sensation ou vous abordez une phase de transition, un nouveau cycle?
Oui, la forme de fonctionnement que je maintiens depuis 27 ans est en train de s’achever. J’ai besoin d’un temps de réflexion pour savoir vers quoi j’ai envie d’aller. J’ai cette sensation que quelque chose doit changer. Ça doit être lié à la symbolique du chiffre : j’ai fait douze albums studio, sur lesquels il y a souvent douze chansons. Ça doit avoir un impact psychologique… Clairement, je pourrais m’arrêter là, mais je n’ai pas envie (il rit). Mais continuer ne doit pas aller de soi. Jusqu’alors, c’était le cas. Plus maintenant. J’ai besoin de rencontrer de nouvelles personnes qui m’emmèneront ailleurs. J’ai besoin de flou. Et l’industrie du disque continue de changer, ce qui implique à réfléchir à comment faire les choses, sans partir la tête la première. Aujourd’hui, par exemple, un artiste doit avoir son compte Instagram, alimenter son Facebook, gérer une actualité permanente, et bla bla bla… J’ai envie désormais de faire les choses avec envie, et non pas parce que les modes vous y obligent. C’est quoi le sens de tout ça? (…)
Au début des années 90, vous avez été désigné comme l’un des instigateurs de la nouvelle scène française. Et celle d’aujourd’hui, vous en pensez quoi?
C’est une scène très vivante, vivace qui fonctionne sur des schémas différents, bien que le référent commun reste encore l’album. C’est marrant, au passage, que certains réflexes perdurent, comme celui de faire des disques, alors que tout notre environnement tend à nous détourner de cela. Mais bon… Sinon, oui, il y a des choses qui sont très bien, et que j’aime beaucoup. Je me suis surpris à aimer l’album de Chaton, alors qu’il y avait tout dedans pour m’en écarter! Disons que rien, dans cette production française, ne m’a fait bondir de ma chaise en m’écriant « c’est ça qu’il faut faire! », mais certaines orientations sont très convaincantes.
Entretien avec Grégory Cimatti
Retrouvez l’intégralité de l’interview de Dominique A au Quotidien dans notre édition papier de mercredi.