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Médecins stagiaires acquittées : le docteur consulte la Cour d’appel


La Cour d'appel s'est saisie, vendredi, du différend entre un gynécologue et deux ex-stagiaires. Elles avaient rapporté l'avoir vu boire du champagne... (Photo : Alain Rischard)

En 2015, le gynécologue n’avait pas digéré les doléances de deux jeunes femmes qui avaient effectué leur stage pratique dans son cabinet. Il avait lancé une citation directe pour diffamation et calomnie et leur réclamait 30 000 euros de dommages et intérêts. N’ayant pas obtenu gain de cause en première instance, le praticien a interjeté appel. Vendredi la Cour d’appel s’est saisie de l’affaire.

« On ne veut pas la tête des deux dames. La plus simple condamnation est suffisante. C’est une question de principe. Car on ne peut pas dire quelque chose qui est faux et ensuite être acquitté!» Ce qui importe aujourd’hui à la partie requérante, ce ne sont pas les 30000 euros de dommages et intérêts encore réclamés en première instance, mais une condamnation. «Aujourd’hui, si cet acquittement est maintenu, leurs dires sont confirmés», a insisté Me Frank Rollinger, vendredi matin, devant la Cour d’appel. Pour l’avocat du docteur, les deux jeunes femmes, qui effectuaient leur stage dans le cabinet du gynécologue dans le cadre de leur spécialisation, ont été trop loin. Elles auraient eu l’intention de nuire à leur patron de stage.

«Elles dressent l’image d’un médecin qui court juste derrière le fric sans s’assurer du bien de ses patientes», a-t-il ainsi récapitulé avant de donner lecture de quelques-unes des affirmations qui ressortent du rapport de stage de la première stagiaire : «Il ne respecte personne, se prenant lui-même pour un dieu… Je voyais les patients quand lui se reposait, buvait du champagne, prenait son petit déjeuner… » La seconde stagiaire avait été amenée à se prononcer sur son maître de stage devant le collège médical au printemps 2015, dans le cadre d’une procédure disciplinaire, à l’origine de laquelle se trouvait la plainte d’une patiente. C’est dans le cadre de cette instruction que la stagiaire avait été entendue comme témoin sur les faits reprochés. Et lesdits rapports de stage s’étaient retrouvés entre les mains du collège médical.

« Un médecin en état d’ébriété »

D’après Me Rollinger, les stagiaires ont «décrit un médecin en état d’ébriété, qui n’arrive pas à consulter» sans être capables de donner la date des faits. Une date qui aurait pourtant permis au praticien de convoquer des témoins ou de demander à une patiente quel était son état ce jour-là… «On ne se trouve pas en présence de filles naïves, mais d’étudiantes brillantes qui ont réussi leurs études en médecine», a-t-il enchaîné. Bref, en allant devant le conseil de discipline, elles auraient été capables de mesurer l’impact de leurs déclarations. Des déclarations qui ne sont pas restées sans conséquences, a tenu à rappeler Me Rollinger. Depuis, le médecin a en effet été évincé de sa fonction de maître de stage par l’université du Luxembourg.

« La vérité peut-être pas toujours agréable à entendre… »

«La vérité n’est peut-être pas toujours agréable à entendre, mais est-ce que les deux femmes y peuvent quelque chose?», a rétorqué Me Roby Schons dans sa plaidoirie. L’avocat des deux jeunes femmes, qui demande la confirmation de l’acquittement de première instance, ne le cache pas : qu’il n’y ait pas eu d’alchimie entre le docteur et ses stagiaires, cela ne fait pas de doute, mais ce n’est pas pour autant qu’elles auraient fait leurs déclarations à la fin de leur stage avec une intention méchante. Et sans intention méchante, on ne pourrait pas parler de calomnie ni de diffamation. Enfin, la condition de la publicité – un autre élément constitutif de l’infraction – ferait également défaut, car leurs rapports de stage n’étaient pas censés quitter l’université. «J’ai juste répondu aux questions précises qui m’ont été posées », a ainsi confirmé la jeune femme interrogée par le collège médical, à la barre de la Cour d’appel. L’autre stagiaire, qui avait écrit dans son rapport avoir vu son patron de stage boire du champagne, a affirmé avoir fait ses déclarations dans le but de l’évaluation de son stage pratique.

Si, en première instance, le ministère public avait demandé l’acquittement des deux jeunes femmes, vendredi matin, sa représentante s’est rapporté à la sagesse de la Cour d’appel. Cette dernière rendra son arrêt le 5 mars.

Fabienne Armborst