Le président vénézuélien Nicolas Maduro a proposé mercredi d’avancer l’élection du Parlement, seule institution actuellement contrôlée par l’opposition qui manifeste à nouveau pour obtenir son départ.
Face aux appels pressants en faveur d’élections générales libres, le dirigeant socialiste a déclaré à l’agence publique russe RIA Novosti, que la dernière présidentielle a eu lieu « il y a dix mois » et que si les « impérialistes » en veulent une nouvelle « ils n’ont qu’à attendre 2025 », soit la fin de son mandat. Mais « ce serait très bien d’organiser des élections législatives plus tôt, cela constituerait une très bonne forme de discussion politique, une bonne solution par le vote populaire », a-t-il déclaré.
Dominé par l’opposition, le Parlement a vu l’essentiel de ses prérogatives transféré au profit d’une assemblée constituante, uniquement composée de partisans de Maduro. Le président se dit aussi prêt à « s’asseoir à la table des négociations avec l’opposition, pour parler pour le bien du Venezuela ».
L’opposition vénézuélienne se prépare de son côté à manifester pour convaincre l’armée, pilier du pouvoir actuel, de lâcher Nicolas Maduro et reconnaître à sa place l’opposant Juan Guaido, porté par un soutien international croissant. Chef du Parlement, ce député social-démocrate de 35 ans appelait la population à descendre dans les rues en frappant dans des casseroles pour paralyser le pays. Dans un entretien au quotidien allemand Bild mercredi, l’opposant qui s’est autoproclamé président réclame « plus de sanctions » de la part de l’Union européenne contre le régime en place. « Nous sommes dans une dictature et il doit y avoir une pression » et « nous avons besoin de plus de sanctions de la part de l’UE, comme l’ont décidé les États-Unis », ajoute-t-il.
L’UE a déclaré samedi dernier qu’elle « prendrait des mesures » si des élections n’étaient pas convoquées « dans les prochains jours », y compris concernant « la reconnaissance du leadership » dans le pays. Six pays européens (Espagne, France, Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas et Portugal), ont donné jusqu’à dimanche à Nicolas Maduro pour convoquer des élections, faute de quoi ils reconnaîtront son adversaire, comme l’a déjà fait Washington.
Forte pression diplomatique
Le risque de troubles civils est élevé dans ce pays de 32 millions d’habitants, un des plus violents au monde, en plein naufrage économique et déchiré par la crise politique. Neuf jours de mobilisations se sont soldés par une quarantaine de morts et plus de 850 arrestations, selon l’ONU. Juan Guaido fait état, dans son entretien à Bild, de quelque « 700 personnes arrêtées lors de manifestations rien qu’au cours des dernières semaines » et de « 300 prisonniers politiques dans les prisons ». De nouvelles manifestations sont également prévues samedi à travers le pays.
La pression diplomatique des États-Unis se fait aussi chaque jour plus insistante : premiers à accepter Juan Guaido comme président, ils viennent de prononcer de nouvelles sanctions contre l’entreprise pétrolière PDVSA, source de 96% des revenus du Venezuela. Washington a plusieurs fois averti que « toutes les options sont sur la table » concernant le Venezuela, mais le Groupe de Lima, qui regroupe une dizaine de pays du continent américain et soutient Juan Guaido, a rejeté mardi tout recours à une intervention militaire.
Les États-Unis se disent par ailleurs prêts à livrer 20 millions de dollars en aliments et médicaments, frappés de pénuries dans le pays. Nicolas Maduro les accuse d’orchestrer un coup d’État, mais s’est également dit mercredi « prêt à discuter avec Donald Trump personnellement, en public, aux États-Unis, au Venezuela, où il voudra », reconnaissant toutefois qu’un tel dialogue serait « compliqué actuellement ». Aux abois, il a aussi accusé mercredi des militaires déserteurs devenus « mercenaires » de conspirer depuis la Colombie pour diviser l’armée vénézuélienne.
« La stratégie des États-Unis est de provoquer l’effondrement du système économique du Venezuela pour forcer la sortie » du président, explique l’économiste Luis Vicente Leon. « Mais s’ils échouent, comme à Cuba, en Syrie ou en Iran, ce sera le peuple qui en sera le plus affecté ». Les Vénézuéliens redoutent notamment des difficultés d’approvisionnement en carburant, un comble dans ce pays aux plus importantes réserves de pétrole au monde, mais à la production en berne. Le jeu diplomatique autour de Caracas implique aussi Pékin et Moscou, ses alliés et créanciers, qui ont vivement dénoncé les sanctions américaines. Et Maduro garde aussi comme alliés traditionnels la Turquie, la Corée du Nord ou encore Cuba.
LQ/AFP