Les vignerons indépendants ont été les premiers, sur la Moselle, à apporter leurs vœux pour la nouvelle année au nouveau ministre, Romain Schneider.
Si vous demandez à Ern Schumacher, le patron des vignerons indépendants, ce qu’il faut lui souhaiter pour 2019, sa réponse pourra vous étonner. «J’espère que nous n’aurons pas autant de raisins qu’en 2018, souffle-t-il. Je veux bien la même qualité, mais nous n’avons pas besoin de cette quantité. Il faut rester raisonnable, une récolte normale serait déjà très bien.»
C’est qu’après l’euphorie d’une vendange de raisins exceptionnels pléthorique, la réalité de la situation a fait surface. Avec ces quantités, certains commencent à craindre une surproduction qui pourrait avoir un impact négatif sur les prix de vente. Et puis, ces raisins très riches ne sont pas faciles à travailler. Que faire de tout ce sucre ? Le transformer en alcool, mais alors les vins seront très alcoolisés (et pourraient alors passer dans la classe de TVA supérieure, soit de 14 à 17 %) ou rester dans des degrés alcooliques plus bas, quitte à embouteiller des produits inhabituellement sucrés… C’est un casse-tête de jouer avec ce millésime unique, mais un casse-tête positif puisque ces vins promettent énormément.
Bio : les discussions se préparent
Une fois les discours achevés, Ern Schumacher a toutefois dressé une liste de requêtes à Romain Schneider. Dans la nouvelle – et très belle – salle de dégustation du domaine Kohll-Leuck (Ehnen), la politique était de retour ! Premier sujet : les pensions. «Une fois à la retraite, les pensions des vignerons sont inférieures au salaire minimum et ce n’est pas normal, souligne-t-il. Il existe des caisses uniques, il faut des pensions uniques.»
Deuxième sujet : la législation autour des salles de dégustation. «Pour l’instant, ce n’est pas clair. Nous ne sommes pas un café puisque nous ne vendons que nos produits, nous ne devrions donc pas avoir besoin d’une licence de cabaretage.» Actuellement, la situation se gère par un gentleman agreement passé entre le ministère, les douanes et la police. Mais les vignerons voudraient que cette question soit traitée une fois pour toute. Le montant des licences de cabaretage, qui ne valaient pas grand-chose dans le passé, a grimpé en flèche. À Wormeldange, par exemple, elle tourne autour des 13 000 euros. Les vignerons voudraient logiquement en être dispensés.
Nouveaux défis écologiques en vue
Mais toutes ces interrogations ne représentent que des détails par rapport aux changements auxquels la Moselle va devoir faire face. Il n’a échappé à aucun vigneron que le programme gouvernemental a été fortement influencé par la vision des écologistes qui ont été les grands gagnants des dernières législatives. Deux objectifs les concernent directement : l’abandon du glyphosate dès l’année prochaine et l’objectif d’atteindre les 25 % d’agriculture biologique d’ici 2025. Un défi ambitieux puisque si beaucoup de vignerons travaillent en agriculture raisonnée, seules 3,5 % des surfaces environ sont officiellement cultivées en bio.
«Nous sommes sensibles à ces questions, la preuve : nous sommes nombreux à avoir investi dans de nouvelles machines qui permettent d’éviter l’utilisation du glyphosate, avance Ern Schumacher. Moi, je n’en utilise plus du tout.» De là à passer tout en bio? «C’est le cuivre qui me dérange», tique-t-il. Diplomate pour le coup, le président de l’OPVI attend les négociations avec le ministère. Cela tombe bien, tous les vignerons louent la qualité d’écoute et la force de travail de Romain Schneider qui les avait convaincus lors de son précédent passage. Bref… la politique est de retour !
Erwan Nonet