Cela faisait une dizaine d’années que la maison viticole Schmit-Fohl, à Ahn, n’avait plus produit de vin de paille. Mais depuis mercredi, il y a en a de nouveau en cave !
Si le domaine situé à Ahn est essentiellement réputé pour ses vins secs, cette année, il fait une entorse à la règle en produisant à la fois des vendanges tardives et du vin de paille. «Avec ce millésime extraordinaire où les raisins étaient très nombreux et tous sains, il aurait été dommage de passer à côté de cette opportunité», sourit Nicolas Schmit. D’autant que la maison vient d’inaugurer l’extension de sa cave et que la place ne manque plus. Cela tombe très bien car du vin, il va falloir en entreposer !
Les raisins qui ont été mis de côté sont des gewurztraminers provenant d’une vigne plantée sur le Göllebour, un lieu-dit situé pas très loin du domaine. Ils ont été vendangés le 4 octobre, évidemment dans un état sanitaire parfait. Ils ont patienté pendant les deux mois réglementaires dans deux endroits différents de la cave, sur de la paille ou dans des caissettes largement ajourées. Une partie de cette récolte était gardée près de l’entrée, dans un courant d’air naturel. L’autre attendait plus au fond de la cave, dans un lieu un peu plus chaud où l’air était brassé par des ventilateurs.
Atteindre les 12 degrés d’alcool
Davantage qu’une réflexion œnologique, ce sont plutôt des impératifs de place qui ont guidé cette organisation. Et finalement, cette disposition ne s’est pas déclarée sans intérêt. Alors que les raisins ont été vendangés exactement le même jour et sont issus du même terroir, la période de séchage les a transformés de manière un peu différente. L’eau contenue dans ceux situés dans le courant d’air naturel s’est beaucoup plus évaporée ce qui a eu pour conséquence de concentrer encore plus le sucre et l’acidité. Le taux de sucre atteint ici 220 degrés Oechsle, mais en contrepartie, la quantité de jus est très réduite. Au fond de la cave, le gewurztraminer affichait 175 degrés Oechsle. Beaucoup moins, donc, mais largement supérieur aux 130 qu’exige la règlementation.
La dégustation des jus, avant même que les grains n’entrent dans le pressoir est spectaculaire. Celui issu des raisins les plus concentrés offrait des notes de miel et une texture tout à fait sirupeuse. La matière était très dense et très droite, signe de raisins impeccables.
Du raisin pressé jusqu’à 1,9 bar de pression
Au total, Nicolas Schmit a versé 1 600 kg de gewurztraminer dans le pressoir. Compte tenu de la faible teneur en jus, il a réglé l’appareil sur le programme réservé d’habitude aux crémants. «Ce programme permet de comprimer les raisins plus fortement que le traditionnel, souligne le vigneron. Ils vont être progressivement pressés jusqu’à 1,9 bar de pression. Il faut bien cela pour qu’ils donnent tout leur jus.» Le processus, qui comprend plusieurs cycles, durera quatre heures.
À l’issue de cette étape, le moût a été dirigé au sous-sol pour atterrir dans la cave où il fera sa fermentation. Il s’agit de l’étape la plus compliquée. «Avec tout ce sucre, il faut veiller à ce qu’elle ne démarre pas trop fort, les levures s’épuiseraient alors trop vite, avance Nicolas Schmit. Il faut faire bien attention à la température, pour que la fermentation soit régulière pour qu’un maximum de sucre se transforme en alcool avant que le travail des levures ne s’arrête.» Le stress, ici, sera d’atteindre les 12 degrés d’alcool nécessaires pour que le vin puisse prétendre à l’appellation vin de paille. S’il n’y parvient pas, ce sera une simple vendange tardive «et beaucoup d’efforts pour pas grand-chose…». La confiance, toutefois, prédominait. Les 600 litres de jus obtenus étaient beaux et il y a fort à parier que dès le mois de mars 2019, le catalogue gagne une ligne supplémentaire !
Erwan Nonet