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Les conservateurs allemands élisent une fidèle de Merkel à leur tête


Annegret Kramp-Karrenbauer, 56 ans, prend la relève de la chancelière après 18 ans de règne. (photo AFP)

Le parti conservateur allemand CDU a élu vendredi une fidèle d’Angela Merkel à sa tête, Annegret Kramp-Karrenbauer, qui remplace à ce poste la chancelière, contrainte de le quitter après 18 ans de règne.

L’actuelle numéro deux du parti démocrate-chrétien allemand, âgée de 56 ans, s’est imposée par vote avec seulement un peu plus de 51% des voix lors d’un congrès, face à un opposant interne à Angela Merkel, Friedrich Merz, qui entendait opérer un virage nettement à droite. Annegret Kramp-Karrenbauer est baptisée le plus souvent par ses initiales « AKK », mais aussi par ses détracteurs « Merkel 2 », « Merkel bis » voire dédaigneusement « Mini-Merkel », en raison de sa fidélité à la chancelière. Elle va désormais avoir fort à faire pour maintenir la cohésion des démocrates-chrétiens de la CDU.

Malgré la perte de la présidence de son parti, Angela Merkel entend rester chancelière allemande jusqu’au terme de son quatrième mandat.

« Merci Cheffe »

Auparavant, Angela Merkel a défendu la ligne centriste et humaniste qu’elle a imprimée pendant 18 ans à la tête du partie. La chancelière a été longuement applaudie debout pour ses adieux à ce poste au cours d’un congrès à Hambourg par un millier de délégués. Certains étaient en larmes et tenaient des pancartes orange sur lesquelles était écrit « merci Cheffe ».

Mais avant de passer la main, elle a défendu avec vigueur son héritage politique, malgré les critiques dont il fait l’objet en Allemagne et en dehors des frontières, notamment sur la question des migrants. « En ces moments difficiles, nous ne devrions pas oublier nos valeurs chrétiennes-démocrates », a mis en garde la chancelière, manifestement émue. Elle a établi une longue liste des dangers actuels comme « la remise en cause du multilatéralisme, un repli sur le national, la réduction de la collaboration internationale » et les menaces de « guerre commerciale ».

Elle a aussi au cours de ce congrès lancé un appel à l’unité de son parti, la campagne des dernières semaines pour sa succession ayant avivé les tensions en son sein. « Je souhaite que nous sortions de ce congrès bien armés, motivés et unis », a-t-elle exhorté.

« Je peux, je veux et je serai »

Avec cette catholique de 56 ans, les délégués de la CDU, parti qui a gouverné l’Allemagne pendant un demi-siècle au cours des 70 ans écoulés, ont opté pour une certaine continuité : cette femme aux cheveux courts assume globalement l’héritage « merkelien ». Elle a exclu de repositionner le mouvement du centre vers la droite dure, dans l’espoir de récupérer les électeurs conservateurs tombés dans l’escarcelle de l’extrême droite. Pour elle, il est plus pertinent d’ « élargir le centre », d’autant plus que le parti perd aussi des voix en direction des écologistes.

Dans le style, AKK et Angela Merkel se rejoignent aussi. La Sarroise n’a, comme Merkel, rien d’une oratrice brillante. Mais elle est également « toujours soigneusement préparée, très vive et pleine de confiance en elle », souligne le journal berlinois Tagesspiegel. Et elle veut devenir chancelière, une voie que lui ouvre à terme son accession à la présidence du parti. Une biographie paru en octobre intitulée Je peux, je veux et je serai égrène les témoignages de caciques de la CDU qui la voient très bien dans cette fonction.

Au delà, celle qui est entrée au parti il y a près de 40 ans, a son propre parcours, et ses convictions pour certaines nettement plus radicales que celles de son modèle, sur les sujets de société et la politique migratoire. Elle s’en est pris en particulier au mariage pour tous légalisé par le gouvernement Merkel, qu’elle considère comme une « erreur », car susceptible d’ouvrir la voie à « d’autres revendications comme un mariage entre proches parents ou plusieurs personnes ». Elle a aussi plaidé pour une expulsion immédiate de tout réfugié reconnus coupables d’actes criminels, y compris des Syriens.

Comédienne satirique

Née le 9 août 1962 à Völklingen, elle est élevée dans une famille catholique traditionnelle de six enfants. Mariée depuis 34 ans, elle même en a trois. Quand Merkel est protestante, divorcée, remariée et sans enfants. Après des études de droit et de sciences politiques, AKK entre au gouvernement de Sarre où elle gravit rapidement les échelons, pendant que son mari s’occupe d’élever les enfants. Elle devient ministre à partir de 2000, tour à tour de l’Intérieur, du Travail, de la Famille, des Sports, de la Justice.

En 2011, elle prend la tête de ce petit Land à la frontière de la France, où elle est très populaire, également pour son sens de la l’autodérision. Chaque année, cette fan de carnaval se produit sur scène sous le personnage de « Gretel, la femme de ménage » qui râle en dialecte sarrois contre la politique berlinoise. Pas du tout le style de Merkel.

Elle acquiert une notoriété nationale seulement en mars 2017 quand elle remporte des élections locales très serrées contre les sociaux-démocrates. Près d’un an plus tard, elle rejoint Berlin en tant que secrétaire générale du parti. Là aussi elle domine son sujet et surprend les plus sceptiques par ses qualités de dirigeante, affirmait récemment le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung, avant de résumer: « Elle est plus générale que secrétaire ».

LQ/AFP