A deux jours de « l’acte IV » de la mobilisation des gilets jaunes, le ministère de l’Intérieur met la dernière main à sa stratégie de maintien de l’ordre pour une journée de samedi à très hauts risques.
Depuis le début du mouvement il y a trois semaines, la violence est montée crescendo à chaque mobilisation nationale à Paris, théâtre d’un déferlement de violences samedi dernier, mais aussi ailleurs en France comme l’illustre l’incendie de la préfecture du Puy-en-Velay. L’Élysée redoute à présent une « très grande violence » samedi et les services de renseignement ont fait passer tous les voyants au rouge en alertant sur la mobilisation d’une « ultradroite qui rêve de révolution et d’une ultragauche qui prône l’insurrection », détaille une source à Beauvau.
Celle-ci pointe également la « radicalisation » d’une frange des gilets jaunes : « Ils se radicalisent dans la violence et politiquement ». En témoignent, selon l’informateur, les déclarations d’une des figures médiatiques du mouvement, Eric Drouet, qui a appelé à « entrer à l’Élysée », mercredi soir sur le plateau de BFMTV.
65 000 hommes déployés
« Nous sommes concentrés, au travail sur le dispositif de maintien de l’ordre qui est en cours de finalisation pour Paris mais aussi pour toute la France », fait valoir cette source au ministère de l’Intérieur. Sous le feu des critiques après les violences urbaines à Paris le 1er décembre, les autorités s’apprêtent à revoir en profondeur la stratégie de maintien de l’ordre, qui mobilisera samedi 65 000 hommes et des « moyens exceptionnels » selon le Premier ministre Édouard Philippe.
Dans la capitale, le dispositif de type « fan-zone » sur les Champs-Élysées, avec contrôles et fouilles, a vécu. Ce choix, assumé par le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner comme une main tendue aux « gilets jaunes », s’est soldé par un échec. La célèbre avenue n’a accueilli que 500 à 700 manifestants tandis que de graves incidents se déroulaient aux alentours, au pied de l’Arc de Triomphe et dans les avenues adjacentes, avant de se propager dans d’autres quartiers de la capitale (Rivoli, Haussmann…). Auditionné au Sénat et à l’Assemblée, Christophe Castaner a promis davantage de « mobilité » pour aller interpeller ceux qui sont présentés comme des casseurs.
« Aller au contact »
« Jusqu’à présent les forces mobiles (CRS et gendarmes) avec leur équipement lourd avaient pour ordre de ne pas aller au contact », souligne Patrice Ribeiro, du syndicat Synergies. « Or il y a les BAC, les compagnies de sécurisation et d’intervention (CSI), les sections anti-casseurs chez les unités mobiles, les compagnies d’intervention (CI) avec leurs équipements plus légers qui peuvent aller au contact des casseurs et les disperser ou les arrêter. Il ne faut pas les laisser installer leur propre fan-zone », fait valoir le syndicaliste. Inconvénient majeur : « aller au contact » c’est aussi prendre le risque d’avoir des blessés graves voire des morts, avancent plusieurs experts du maintien de l’ordre.
Appel au calme ou dernier avertissement, Christophe Castaner a en tout cas invité « les gilets jaunes raisonnables, ceux qui ne soutiennent pas l’action violente, à se désolidariser des extrêmes et à ne pas se rassembler à Paris » mais aussi ailleurs en France, dans les « lieux qui ont fait l’objet de ces tensions que nous avons connues », préfectures ou barrières de péage. « A Paris et en province, nous serons vigilants sur tous les symboles de la République », assure-t-on également à Beauvau, après les dégradations commises samedi dernier à l’Arc de Triomphe.
Selon plusieurs sources sécuritaires, la quasi-totalité des unités de CRS et d’escadrons de gendarmerie mobile devrait être mobilisée pour assurer le maintien de l’ordre dans le pays samedi. Plusieurs rencontres de Ligue 1 comme PSG-Montpellier, Toulouse-Lyon ou Monaco-Nice ont été annulées pour soulager les forces. Réclamées par les syndicats policiers, d’autres solutions sont sur la table comme le recours à des véhicules blindés de la gendarmerie ou la présence de militaires pour renforcer la garde statique des institutions.
LQ/AFP