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Espagne : le parti d’extrême droite Vox bouleverse la scène politique


Né en 2013, Vox est dirigé par Santiago Abascal. (photo AFP)

En entrant en force pour la première fois dans un parlement régional, en Andalousie, l’extrême droite, quasi absente du paysage depuis la mort de Franco, a rebattu les cartes sur la scène politique espagnole.

Premier test électoral depuis l’arrivée du socialiste Pedro Sanchez à la tête du gouvernement espagnol en juin, ces élections anticipées dans la région la plus peuplée d’Espagne et fief du parti socialiste, ont provoqué dimanche un « tremblement de terre » qui « change le panorama politique national », juge El Pais, le plus grand quotidien généraliste du pays. Et ce à l’aube d’une année électorale extrêmement chargée en 2019 avec les européennes, les municipales et les régionales le 26 mai, ainsi que de très probables élections législatives dans l’année, Pedro Sanchez dirigeant un gouvernement minoritaire et ne réussissant pas à faire adopter son budget.

Né en 2013, Vox, dirigé par Santiago Abascal, est le premier parti d’extrême droite à obtenir des sièges dans un parlement régional depuis le rétablissement de la démocratie à la mort du dictateur Francisco Franco en 1975. Avec 12 députés, il pèsera dans la formation de la majorité parlementaire dans la région méridionale d’Andalousie. Le Parti Populaire (droite) et Ciudadanos (centre droit) n’ont pas exclu une alliance avec Vox.

« Par la grande porte »

Parti pour la Pologne au sommet sur le climat COP 24, Pedro Sanchez a assuré sur Twitter que « les résultats en Andalousie renforçaient (son) engagement à défendre la Constitution et la démocratie face à la peur ». « Nous avons cessé d’être une exception en Europe », souligne Fernando Vallespin, professeur de sciences politiques à l’Université autonome de Madrid. Et, selon les analystes, le phénomène Vox, qui a tiré profit en Andalousie de la démobilisation de la gauche au pouvoir depuis 36 ans dans cette région et de la fragmentation de la droite, va s’amplifier sur la scène nationale.

Le parti « est entré par la grande porte en Espagne » et « va commencer à monter rapidement dans les sondages au niveau national », estime Pablo Simon, de l’université madrilène Carlos III, qui n’a « aucun doute sur le fait qu’il va obtenir des sièges aux municipales, aux européennes et aux régionales » de mai.

« La Reconquista (allusion à la reconquête espagnole sur les musulmans entre les VIIIe et XVe siècles) commence en terre andalouse et va s’étendre à toute l’Espagne », a affirmé pour sa part la formation d’extrême droite dimanche soir. Sous-évalué dans les sondages en Andalousie qui ne lui donnaient que cinq sièges maximum, Vox pourrait aussi l’être dans les sondages nationaux qui évoquaient récemment la possibilité qu’il obtienne un député en cas d’élections législatives anticipées. Si Vox entrait aux Cortes, cela serait la première fois que l’extrême droite y siégerait depuis 1982.

Vox « complique tout calcul »

« Il aura plusieurs (sièges) car le problème était de briser le tabou » du vote pour l’extrême droite, juge Fernando Vallespin. Pour Pablo Simon, il pourrait en obtenir « cinq ou six ». Au-delà des arguments populistes notamment sur l’immigration, le vote en faveur de Vox, qui prône l’interdiction des partis indépendantistes catalans, a prospéré sur la question de la tentative de sécession de la Catalogne l’an dernier. Un thème qui a aussi profité à Ciudadanos, l’autre grand gagnant des élections andalouses avec 21 sièges. « Cela devait avoir un effet et cela a eu l’effet que nous craignions : la revitalisation du nationalisme espagnol, même extrême », explique Fernando Vallespin. Contrairement à l’extrême droite dans d’autres pays d’Europe, où « l’adversaire est l’Europe ou les immigrés », « en Espagne, l’adversaire est celui qui ne partage pas une idée particulière de l’Espagne, une idée assez franquiste d’une Espagne unitaire », ajoute-t-il.

Pour El Pais, l’élection en Andalousie « complique tout calcul national que pouvait avoir le président Sanchez, dont la faiblesse augmente après cette débâcle socialiste ».

Le chef du gouvernement « est dans une situation complexe », estime Pablo Simon : car s’il convoque des élections rapidement pour « tenter de mobiliser les électeurs de gauche », il le fera avec « la peur de l’extrême droite ». Le risque serait, selon lui, de « permettre au PP, à Ciudadanos et à Vox de gouverner en Espagne, ce qui pourrait aussi arriver ».

LQ/AFP