Charles Goerens, eurodéputé libéral, tire les leçons du Brexit et exhorte l’Union européenne à réagir contre les dangers de l’extrémisme qui la minent. Les partis traditionnels doivent saisir la chance des européennes.
Voilà c’est fait. Ou presque. Le Parlement britannique doit encore entériner l’accord du Brexit et Charles Goerens ne peut pas s’imaginer un rejet du texte de sortie de l’UE. Le Parlement européen votera en janvier et fin mars, le Royaume-Uni sera considéré comme un pays tiers. Le premier membre du club à claquer la porte en pleine campagne pour les élections européennes.
Un télescopage que craint l’eurodéputé libéral. «L’incapacité des 27 États membres à répondre aux interrogations de l’opinion publique dans le cadre de la campagne», serait le pire qui puisse arriver selon lui. Il dresse en deux traits le profil du citoyen européen qui aspire à vivre en sécurité et qui redoute les effets négatifs de l’économie numérique. «Ce qui est en jeu n’est ni plus ni moins que le caractère libre de nos sociétés basées sur les valeurs de l’Union européenne, déjà bafouées en Hongrie et en Pologne», prévient-il.
Si l’Union européenne ne parvient pas à faire entrer ces deux pays dans le rang, ce sera la catastrophe, prédit Charles Goerens. Il exhorte l’UE à se doter des moyens appropriés, «susceptibles de déboucher sur une décision à chaque fois qu’un État membre s’éloigne de ces valeurs fondamentales».
Et tant que l’Europe ne dispose pas de ces moyens, il est inutile de parler d’élargissement puisque le club ne fonctionne déjà pas à 27. «Pour condamner un pays, il faut l’unanimité, la Pologne peut bloquer une procédure contre la Hongrie et vice versa», rappelle-t-il, fâché contre cet immobilisme forcé. Pendant ce temps, un certain Steve Bannon, ancien conseiller de Trump, s’installe à Bruxelles avec toute une équipe pour torpiller le projet européen et fédérer l’extrême droite.
«Il a le droit d’être là et d’être contre l’Union européenne. Mais il ne faut pas que l’on reste inactifs pendant qu’il est en train d’assiéger les médias sociaux où les jeunes sont les plus présents», souligne l’eurodéputé. Charles Goerens veut voir des jeunes se mobiliser pour défendre cette Europe qui préserve les libertés. «Ceux qui en seront privés à l’avenir sont hyper-alertes comme on a pu le voir au Royaume-Uni. On n’avait jamais vu une manifestation de 700 000 personnes dans toute l’Union européenne», dit-il en faisant référence à l’impressionnante manifestation des anti-Brexit à Londres le 20 octobre dernier.
« Je veux des sociétés cohérentes »
Mais ici, «les gens ne sont pas véritablement conscients du danger que nous font courir les extrémistes», lâche l’eurodéputé. Il évoque les divisions très fortes à l’intérieur de nos sociétés et le fait qu’aucune force politique en Europe n’ait réussi à réduire sensiblement les inégalités.
«Ce qui m’intéresse, c’est la réponse que nous allons donner face aux objectifs de développement durable qui visent aussi la réduction des inégalités.» Charles Goerens pense d’abord à la justice fiscale et estime que la récente réforme «menée sous l’autorité de Pierre Gramegna» allait dans le bon sens. Mais pour l’essentiel, «il faut des mécanismes de redistribution au niveau mondial» et il aimerait que le G7 et le G20 servent à ça. «Sont-ils là pour faire l’opposé des objectifs de développement durable ou agir de façon cohérente ?», s’interroge-t-il.
Évidemment, tout devient plus compliqué avec un Trump à la tête des États-Unis. «Il est en train d’éliminer tout ce qui est multilatéral parce qu’il cherche des rapports de force où les États-Unis sont toujours gagnants.» Trump ne veut donc plus d’OTAN, plus d’UE plus de discipline dictée par aucune instance supranationale.
«L’UE devrait être consciente de ce problème grave, mais c’est aussi une opportunité car elle pourrait s’ériger comme championne du maintien du multilatéralisme. Une première suite concrète à l’énoncé de ce principe serait de se doter d’une stratégie susceptible de réduire les inégalités au sein de nos sociétés, sinon ça va éclater. Je veux des sociétés cohérentes plutôt que des sociétés atomisées», déclare Charles Goerens.
Geneviève Montaigu