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France : les affaires terroristes diminuent mais la menace persiste


La menace glisse aujourd'hui dans une "sorte de zone grise dans laquelle il peut être difficile de distinguer ce qui relève de l'association de malfaiteurs terroristes de ce qui relève des problèmes psychologiques", résume François Molins. (archives AFP)

Près de quatre ans après le début d’une vague d’attentats sans précédent, le nombre d’affaires terroristes diminue sur le bureau des enquêteurs mais la France reste confrontée à une menace jihadiste persistante, mouvante et surtout venue de l’intérieur.

« On n’avait pas connu d’été aussi calme depuis quatre ans », relevait il y a quelques semaines François Molins, le procureur de Paris qui a été confronté à la montée du jihadisme armé et s’apprête à prendre le poste de premier procureur de France à la Cour de cassation. Les raisons de cette apparente accalmie sont multiples : « le délitement de Daech, l’interdiction de sortie du territoire et le travail des services de renseignement ont entraîné un tarissement des filières », détaillait-il.

Sur les neuf premiers mois de l’année, la justice antiterroriste a été saisie de 84 dossiers contre 130 durant la même période l’an dernier, selon une source judiciaire. Parmi les saisines, des projets d’attentats déjoués et deux attaques perpétrées en 2018 : l’équipée meurtrière de Trèbes et Carcassonne en mars (quatre morts) puis l’attaque au couteau dans le quartier de l’Opéra à Paris en mai (un mort), la dernière en date.

La menace reste néanmoins à un niveau élevé. L’attention des autorités se focalise principalement sur les passages à l’acte de personnes isolées et le suivi de détenus radicalisés, notamment les « sortants », condamnés pour terrorisme et désormais en fin de peine. Pour contrer cette menace plus diffuse, un nouvel arsenal de lutte contre le terrorisme a été adopté, comprenant la création d’un parquet national antiterroriste (Pnat).

Pour Laurent Nunez, l’ancien patron des renseignements intérieurs devenu secrétaire d’État à l’Intérieur, les rangs de Daech « ont subi d’importantes pertes qui rendent moins probable une attaque projetée du type de celle du Bataclan », menée par un commando voici trois ans. Aujourd’hui, « la principale menace concerne des individus vivant en France et passant à l’action avec des moyens rudimentaires (…) souvenons-nous de l’attentat de Nice » au moyen d’un camion lancé sur la foule, a-t-il déclaré dans une interview au Journal du dimanche.

« Sorte de zone grise »

Après une série d’ « actes de terrorisme explicites, fondés sur des testaments ou des vidéos d’allégeance », la menace glisse aujourd’hui dans une « sorte de zone grise dans laquelle il peut être difficile de distinguer ce qui relève de l’association de malfaiteurs terroristes de ce qui relève des problèmes psychologiques », résume François Molins. Par exemple cet été, un double meurtre au couteau à Trappes, près de Paris, perpétré par un homme avec des problèmes psychiatriques, n’a finalement pas fait l’objet d’une qualification terroriste.

A contrario, l’instabilité psychiatrique ne suffit pas à écarter la motivation terroriste. « Sans idéologie, peut-être qu’il n’y aurait pas eu de passage à l’acte », commente un enquêteur. Et si le discours de Daech semble moins attractif qu’auparavant, il peut encore trouver un écho chez des personnes fanatisées ou déséquilibrées.

Le suivi des « sortants » est devenu l’un des grands défis : d’ici à fin 2019, 48 détenus terroristes islamistes et 402 détenus de droit commun radicalisés devraient sortir de prison. Selon le ministère de la Justice, les détenus libérés sont suivis par les services de probation, à une exception près à l’heure actuelle. « Les modifications législatives de 2016 ont supprimé tout aménagement de peine. Il me semble pourtant indispensable de pouvoir mettre en œuvre des mesures de surveillance judiciaire (…) », souligne François Molins.

Le suivi des détenus est également au cœur des préoccupation : au 5 novembre, les prisons comptaient 726 TIS – « les terroristes islamistes » selon la terminologie pénitentiaire – et 1.704 radicalisés dans les radars du renseignement. Le tarissement des retours d’anciens membres de Daech explique aussi en partie la baisse du nombre de dossiers judiciarisés. Selon Laurent Nunez, 261 jihadistes partis de France, hommes et femmes, sont dans les mains de la justice française, et environ 700 autres se trouveraient encore en zone irako-syrienne. Une partie d’entre eux sont donnés pour morts, d’autres ne veulent ou ne peuvent pas rentrer en France.

LQ/AFP