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L’hiver, saison noire pour les piétons et les cyclistes


En France, les quatre mois d'octobre à janvier concentrent à eux seuls 43% de la mortalité annuelle des piétons. (Illustration : archives lq)

Plongés dans l’obscurité des longues nuits d’hiver et souvent mal éclairés, piétons, cyclistes et autres adeptes des trottinettes entrent avec le passage à l’heure d’hiver dans une saison particulièrement dangereuse.

« Avec le changement d’heure, du jour au lendemain, la nuit tombe plus tôt. Les enfants continuent d’aller à l’école, des gens vont au travail à vélo mais ils ne changent pas leurs habitudes », résume Anne Lavaud, déléguée générale de l’association Prévention routière en France. Et ces « usagers vulnérables » – terminologie adoptée par la Sécurité routière pour qualifier les piétons et les cyclistes – paient un lourd tribut.

Les quatre mois d’octobre à janvier concentrent à eux seuls 43% de la mortalité annuelle des piétons. Chez les cyclistes, entre octobre et mars, le nombre d’accidents mortels durant la nuit passe de 15% à 40%.

Chaque année à la même période, les autorités et les associations se lancent dans un laborieux travail de sensibilisation, avec notamment des distributions de brassards et gilets fluorescents, pour rappeler aux cyclistes, passants et joggeurs le besoin vital d’être vus.

Malgré certains progrès ces dernières années, près de six cyclistes sur dix (57%) roulent toujours mal éclairés la nuit en ville, relevait récemment une enquête de l’association Prévention routière menée sur près de 3 300 vélos dans dix villes de France. Parmi eux, plus d’un tiers (37%) sont totalement dépourvus d’éclairage.

Tout vélo doit être obligatoirement équipé – sous peine de 33 euros d’amende – de catadioptres à l’avant, à l’arrière et sur les pédales et les rayons, ainsi que de feux à l’avant et à l’arrière. Le port d’un gilet « de haute visibilité » est obligatoire uniquement la nuit hors agglomération. « Mais il ne faut pas penser qu’en ville, le simple éclairage urbain suffit à être bien vu », souligne Anne Lavaud, en rappelant qu’un gilet réfléchissant permet d’être visible à 150 mètres, contre 30 mètres sans.

Vide juridique pour les trottinettes

« Le port d’éléments de visibilité est aussi une manière d’endosser son risque, sa responsabilité », estime-t-elle. « C’est un facteur de bonne vie ensemble », ajoute le président de la Fédération des usagers de la bicyclette, Olivier Schneider: « Les cyclistes sont souvent vus comme des infractionnaires qui font n’importe quoi. Il me semble essentiel que, si on attend l’exemplarité des autres, on soit soi-même exemplaires. »

Pour Pierre-Yves Blevin, cycliste au quotidien à Paris, s’équiper était « logique ». « Je me sens plus tranquille en sachant que je suis vu », explique ce chargé de projet associatif de 34 ans. Mais il faut parfois faire preuve de volonté. « En deux ans et demi, je me suis fait voler quatre fois mes lumières ! », peste Loris, 27 ans: « Maintenant, je les enlève à chaque fois mais c’est chiant. Je ne comprends pas qu’on vende encore des vélos sans lumière. On ne vend pas de voitures sans phares, non ? »

L’explosion, hors de tout cadre légal, des nouveaux engins de déplacements personnels (EDP) – trottinettes, gyropodes, hoverboards – pose aussi question. Avec la prochaine Loi d’orientation sur les mobilités (LOM), « on va donner un statut aux EDP, singulièrement ceux qui sont électriques », assure le délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel Barbe : « La solution, c’est vraisemblablement de les aligner sur les bicyclettes, probablement avec des obligations d’équipement ».

Difficile en revanche de convaincre les piétons d’enfiler un gilet réfléchissant non-obligatoire et souvent jugé « moche », « pas élégant du tout ». A minima, « privilégiez des vêtements clairs », préconise la Sécurité routière.

Une solution pour réduire leur mortalité sur les routes en hiver ne serait-elle pas la fin du changement d’heure, envisagé actuellement par la Commission européenne ?

D’éventuels effets sont difficiles à prévoir car, indépendamment de l’heure d’hiver, les jours raccourcissent naturellement en hiver. « Mais ça pourrait éviter un effet d’à-coup car une chose est certaine, c’est qu’aujourd’hui il y a un effet (sur la mortalité) à cause du changement brutal des conditions de lumière », estime Emmanuel Barbe.

Les associations craignent de perdre le « créneau » offert par le changement d’heure pour communiquer et sensibiliser sur l’équipement et la visibilité. « Mais on en trouvera d’autres », assure Olivier Schneider.

Le Quotidien/AFP