La présidente du Luna Oberkorn a été élue au conseil de la Fédération de foot luxembourgeoise (FLF) devant René Kremer avec 385 voix, soit… deux de plus seulement que l’inamovible René Kremer. Cela suffit à son bonheur, d’autant qu’elle envisage de faire de grandes et belles choses durant son mandat.
Être la première femme à siéger dans cette institution, ça vous fait quelque chose ou est-ce un détail sans intérêt à vos yeux ?
Carine Nardecchia : Pour être tout à fait honnête, je n’ai pas encore réalisé. C’était une forte émotion. Oui, j’étais très émue… Pendant tout le week-end, mon téléphone n’a pas arrêté de sonner. Des trois autres présidentes qui sont à la tête d’un club de foot (Karine Reuter au RFCU, Carol Bragança à Sanem, Barbara Tunkl à Bertrange), l’une m’a d’ailleurs félicitée.
Presque par « corporatisme » féminin?
Les femmes qui veulent avoir ce genre de poste doivent avoir un caractère assez trempé pour l’obtenir. Ce n’est pas toujours facile de s’imposer dans ce monde de mecs. Il faut d’abord se forger une réputation.
Et se préparer à entendre le fameux « tu n’y connais rien, tu es une femme »?
(Elle sourit) C’est moche, mais oui, je l’ai entendue, cette phrase. Contre ça, il n’y a rien à faire, juste travailler. Ça ne vaut pas la peine de s’énerver. Quelqu’un capable de dire ce genre de phrases n’a de toute façon pas grand-chose à apporter au débat.
Ne pas vivre sur ses acquis
Vous êtes devenue présidente du Luna Oberkorn au décès de votre père, en 2015. Pourquoi, dans les conditions difficiles pour exister dont vous venez de parler, avoir envie de vous exposer à la FLF?
Je suis institutrice en maternelle et à chaque fois que je pars en formation, j’en viens à me dire qu’il ne faut pas vivre sur ses acquis. Ça fait évoluer. Alors j’arrive pour bosser de façon constructive, mais j’ai souvent une autre vue que celle de ces messieurs. Et parfois, les discussions sont très animées. C’est vrai dans tous les domaines alors dans le foot aussi, d’autant qu’il y a toujours des réticences quant à l’apport supposé d’une femme dans ce milieu. C’est souvent « mais qu’est-ce qu’elle raconte celle-là? ». Alors là, il n’y a pas le choix : on insiste et il arrive des fois, souvent même, que l’on parvienne à faire changer les hommes d’avis.
Le fait de siéger au conseil d’administration va-t-il vous apporter de la crédibilité, même si cela ne devrait pas être une question de position ?
Certainement. D’autant que les membres du CA ont eux accueilli ma nomination de manière très chaleureuse. Certains voulaient voir arriver une femme au conseil depuis un petit bout de temps et ils ne s’étaient pas gênés pour le dire.
Comment ce congrès a-t-il semblé réagir à votre élection ?
Comme j’ai été élue à deux voix près, c’est-à-dire pas une très grande majorité, j’imagine que je dois avoir encore beaucoup de choses à prouver. Mais en même temps, les votes ont parlé, donc c’est que je suis à la bonne place. Cela dit, il faudra assurer !
Philipp m’a soutenue positivement
Avez-vous échangé sur le sujet avec Paul Philipp, votre président ?
Pour être tout à fait honnête, la première fois que j’ai vraiment parlé avec lui, c’était à la Nuit du football (NDLR : au début du mois) et il m’a alors soutenue positivement. À Dommeldange, il m’a simplement félicitée.
Nicolas Schockmel s’occupe de longue date du football féminin. Question orientée : êtes-vous d’office toute désignée pour postuler à une reprise en main de tout ce qui concerne les dames ou est-ce un raccourci trop évident ?
Nous verrons, on va discuter. Il y a la première séance du conseil ce soir (NDLR : hier soir). Nico, je le connais d’autant mieux qu’Elisabeth Demuth, qui fait partie de mon club, fait partie de sa commission. Alors le foot féminin, on en parle beaucoup. Mais je ne suis là pour prendre la place de personne, d’autant que tout le travail qui a été abattu autour du foot féminin ces dernières années est bon. Ils ont notamment créé le festival des fées cette année, qui a été un grand succès. Non, il y a beaucoup de belles avancées…
Le football féminin est sur le bon chemin ?
Oui, il est bien lancé. Il faudra juste en remettre une petite couche. Bien évidemment, je souhaiterais m’investir dans ce domaine et j’ai d’ailleurs mes petites idées. Mais j’en parlerai bien évidemment d’abord au conseil d’administration.
Et le football luxembourgeois dans son ensemble, comment- va-t-il, selon vous ?
Il y a toujours quelque chose à améliorer. Mais on n’est pas dans une situation catastrophique. On est plutôt dans un nouvel élan visant à préparer l’avenir et il faudrait surtout ne rien mettre en pause, ne pas dormir là-dessus. Mais je trouve que si l’on regarde sincèrement le travail abattu et on l’a vu lors des discussions au congrès, les choses vont plutôt bien. Moi, je vais essayer d’apporter ma voix au conseil d’administration pour leur parler un peu des petits clubs…
Entretien avec Julien Mollereau