Malgré les critiques de la Commission européenne, la coalition populiste au pouvoir en Italie a maintenu lundi inchangées ses prévisions de budget, tout en s’engageant à respecter à la lettre les objectifs qu’elle s’est fixés, sans creuser davantage le déficit ou la dette.
La coalition formée de la Ligue (extrême droite) et du Mouvement 5 étoiles (M5S, anti-système) a en outre réaffirmé son attachement à l’Union européenne et à la zone euro, assurant qu’il n’y avait « aucune chance » que l’Italie en sorte. Le gouvernement prévoit un déficit à 2,4% du PIB en 2019, contre 0,8% pour le précédent gouvernement, puis à 2,1% en 2020 (contre 0) et à 1,8% en 2021.
Dans le même temps, Rome s’est engagé à porter la dette publique, actuellement à quelque 131% du PIB, à 126,5% en 2021. Alors que Bruxelles l’avait sommée de lui fournir lundi des « clarifications » sur son budget, « jugé hors des clous » européens, l’Italie a maintenu le cap. Dans une lettre de quatre pages, le gouvernement souligne qu’il savait que ce budget n’était « pas en ligne avec les normes du Pacte de stabilité et de croissance ».
Pas d’ « Italexit » envisagé
« C’était une décision difficile mais nécessaire à la lumière du retard pour retrouver le niveau de PIB d’avant la crise et des conditions économiques dramatiques dans lesquelles se trouvent les couches les plus désavantagées de la société italienne », assure le gouvernement dans cette lettre. Mais « si les rapports dette/PIB et déficit/PIB ne devaient pas être en ligne avec ce qui est prévu, le gouvernement s’engage à intervenir en adoptant toutes les mesures nécessaires afin que les objectifs indiqués soient rigoureusement respectés », ajoute-t-il.
« Le chiffre de 2,4% pour nous est un plafond que nous nous sommes solennellement engagés à respecter », a également affirmé le chef du gouvernement, Giuseppe Conte, lors d’une rencontre avec la presse étrangère à Rome. « Nous ne sommes pas une bande de têtes brûlées. Si nous avions adopté une loi de finances différente, nous serions entrés en récession », a-t-il souligné. Mais, a-t-il dit, « nous voulons dialoguer avec les institutions européennes dans un esprit de collaboration loyale, de dialogue constructif ».
Comme l’avaient fait ses deux vice-Premiers ministres ce week-end, Conte a aussi réaffirmé l’engagement européen de son pays : « Écoutez-moi bien : pour l’Italie, il n’y a aucune chance d’Italexit, de sortie de l’Europe ou de l’eurozone ». Rome a reçu une bouffée d’air frais lundi du côté des marchés, qui s’étaient nettement tendus ces derniers temps. Les investisseurs étaient rassurés par le fait que l’agence américaine Moody’s, qui a dégradé vendredi soir la note de l’Italie, n’ait pas accompagné cette baisse d’une perspective négative. Ceci signifie que l’agence, malgré ses inquiétudes sur les choix budgétaires de Rome, ne devrait pas dégrader de nouveau sa notation dans les six ou 12 mois à venir.
Salvini sans concession
« En outre, le commissaire européen, Pierre Moscovici, a essayé d’arrondir les angles avec Rome en soulignant que l’UE n’interfèrerait pas dans la politique économique italienne, ouvrant ainsi la porte à un règlement apaisé du conflit entre l’Italie et la Commission », a souligné Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque. Bruxelles avait évoqué jeudi un dérapage budgétaire « sans précédent » et pointé un risque de « non-conformité grave » avec les règles européennes.
L’Italie ploie déjà sous une dette de 2 300 milliards d’euros et les prévisions de croissance du gouvernement sont jugées beaucoup trop optimistes : 1,5% en 2019 contre 1% prévu par la plupart des observateurs, dont le FMI. « La Commission européenne ne veut pas d’une crise entre Bruxelles et Rome », a assuré lundi M. Moscovici sur la radio France Inter: « la place de l’Italie est au coeur de l’Europe ». Mais « sans règles communes, il n’y a pas de zone euro », a-t-il ajouté, en soulignant que la plupart des économistes ne croyaient pas au pari de Rome d’augmenter les dépenses publiques pour créer de la croissance.
Matteo Salvini ne s’est pour sa part pas montré très conciliant lundi : « S’ils ne veulent pas comprendre pourquoi le pays va retrouver la croissance, nous leur expliquerons. Mais nous ne reculerons pas d’un demi-centimètre ».
LQ/AFP