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Rencontre à Luxembourg : Chantal Thomass, le business classe


Chantal Thomass, une femme douce, élégante, libre et forte. (Photo Julien Garroy)

La créatrice Chantal Thomass est venue à Luxembourg, participer à une conférence organisée par l’ASBL Woman in Business pour l’association «Toutes à l’école» de Tina Kieffer. Elle revient sur son expérience et donne des conseils à celles et ceux qui se lancent dans l’aventure entrepreneuriale.

Lorsqu’on parle de Chantal Thomass, on pense tout de suite à sa lingerie : belle, élégante, chic et impertinente. On associe sa marque du même nom à sa frange présente dans son logo. Mais Chantal Thomass, c’est plus que ça. Elle est une femme douce, élégante, libre et forte. Sa vie et celle de son entreprise ne sont pas un long fleuve tranquille.

Présente mercredi à Luxembourg, où elle était interrogée par la journaliste de TF1 Anne-Claire Coudray, la créatrice, qui a publié son autobiographie en 2017, confirme qu’il faut bien avoir de l’audace et de l’inconscience lorsqu’on monte son entreprise. «À notre époque, on avait plus de facilités à se faire remarquer quelque part. Il n’y avait pas d’internet, mais il y avait plus de visibilité dans la presse», dit-elle. Les jeunes créateurs peuvent avoir cette visibilité sur le net. Cependant, pour la créatrice, il faut avoir quelque chose à dire.

Le marketing a, en partie, tué la création. Lorsqu’on lui demande si les créateurs ne devraient pas l’ignorer et ne pas prêter attention aux tendances, Chantal Thomass répond qu’elle a toujours voulu suivre son instinct. «Malheureusement, à notre époque, les créateurs, la plupart du temps n’ont pas le choix», assure-t-elle. Les créateurs se voient plutôt dicter les tendances. «Dans ma jeunesse, on parlait avec des commerciaux, c’était eux qui disaient ‘vous devriez faire des jupes un peu plus longues parce que les jupes courtes, ça ne se vend pas à tout le monde’. On avait une discussion avec les gens du terrain.»

« Contre les tendances »

Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, le marketing se place au milieu de cette relation. La styliste, qui évoque les fameux cahiers de tendance, nous dit tout de go : «Je suis contre les tendances. Chaque femme doit avoir son style et sa personnalité. Et la difficulté pour une jeune fille, c’est de trouver son style.»

Évoquant l’association avec la marque Chantelle (qui possède, entre autres, Passionata, Darjeeling et Orcanta), la créatrice nous confie qu’elle a vendu ses 34% au groupe. Lorsqu’on parle de barrière dans le processus de création, elle explique qu’«il y a automatiquement des barrières du marketing». Bien qu’une collection de lingerie soit petite, «c’est très technique» et «long à fabriquer». Il y a une base de collection qui est imposée (le nombre de soutiens-gorges, de strings et de culottes est imposé. Les sous-vêtements sont dessinés en France et fabriqués en Pologne et en Asie). Chantal Thomass se dit «intransigeante sur la dentelle». Elle ne veut que la Leavers, celle fabriquée à Calais dans le nord de la France. Elle est une source d’inspiration pour ses créations.

En 1985, la société qui porte son nom dépose le bilan. À l’époque, «on était une petite entreprise et tout à coup, il fallait prendre des associés». Et cet associé, c’est le groupe japonais World. «C’est un vrai changement», car elle n’est plus la seule à décider pour sa firme. Ces années japonaises se sont mal finies, mais elles ont été des années «formidables». «J’ai eu les budgets et les moyens de faire des défilés magnifiques» avec des top models comme Claudia Schiffer pour ne citer qu’elle. Chantal Thomass avait «un showroom magnifique, 22 boutiques au Japon et une dizaine en Europe».

La retraite, c’est niet

C’est une période où elle a fait beaucoup de produits différents. Au Japon, elle avait des licences pour des foulards, des mouchoirs, des pyjamas et même des montres ! Dix ans plus tard, World la licencie. Mais elle n’a pas baissé les bras. Dès le lendemain de son licenciement et son passage au Journal de 20 heures, «j’avais des demandes».

Pendant les deux ans où elle n’a pas pu utiliser son nom, la styliste a fait des collants et la première collection de maillots de bain pour la marque Wolford avec laquelle elle avait déjà collaboré. Elle a travaillé pour Victoria Secret, spécialement pour les défilés spectacles de la marque. «J’étais occupée et j’avais des enfants, je ne pouvais pas être désespérée !», pointe-t-elle.

Un autre moment important dans la vie de son entreprise étant l’association avec le groupe Dim. Cela a été à la fois «un soulagement et une déception». Elle soutient qu’elle a juste trouvé un repreneur pour la lingerie. Bien qu’elle ait envie d’arrêter la lingerie, Chantal Thomass n’a certainement pas envie de cesser le travail.

Pour ceux et celles qui se lanceraient dans l’entrepreneuriat, elle conseille d’être bien entourés, «d’aller à fond dans ce qu’on aime» et de se donner les moyens de réussir.

Aude Forestier